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Visite de Macron à Ouagadougou: « Deux initiatives dédiées à la jeunesse burkinabè apparaissent aujourd’hui originales et emblématiques » (Xavier Lapeyre De Cabane)

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La dernière partie de l’entretien avec son Excellence M. l’Ambassadeur de France au Burkina Faso, Xavier Lapeyre De Cabane, aborde entre autres, les promesses de Ouagadougou du Président Français Emmanuel Macron; le nouveau système d’acquisition du visa Français au Burkina et la reprise des relations diplomatiques entre le Burkina Faso et la République Populaire de la Chine. (4/4)

Libreinfo.net : Lors de son discours à l’Université de Ouagadougou, le Président Emmanuel Macron avait annoncé assez de promesses à l’égard des jeunes, deux ans après quel bilan peut-on faire ?

Xavier Lapeyre De Cabane : Seize mois après le discours de Ouagadougou, deux initiatives dédiées à la jeunesse burkinabè apparaissent aujourd’hui originales et emblématiques des promesses tenues par le Président Macron.

Lors de son discours de Ouagadougou, le président de la République a souhaité « faire ensemble deux révolutions fondamentales pour le continent africain : […] la mobilité, cette révolution profonde, qu’il nous faut repenser, et la révolution de l’innovation ». Il a précisé que, au Burkina Faso, cette « double révolution » serait incarnée par la création d’une « Maison de la jeunesse et de l’innovation », désormais nommée « la Ruche ».

Ainsi, La Ruche Ouaga est un nouvel espace, dédié à la jeunesse et à l’innovation. Elle a été inaugurée par le ministre français des Affaires étrangères et le ministre Alpha Barry le 19 octobre 2018.

Cet espace est né de l’idée de créer un lieu où se croiseraient, hors institution, les acteurs de l’innovation et du numérique, facilitant les rencontres entre jeunes chercheurs ou entrepreneurs, entreprises, associations, mais aussi étudiants et artistes, et créant un lien entre notre coopération de recherche (campus de l’innovation de l’IRD) et notre offre de formation universitaire (Campus France).

Rattaché budgétairement à l’Institut français et animé par l’IRD, la Ruche est pensée comme un « tiers-lieu », comme un espace de synergie (co-travail), entre jeunes porteurs d’innovation ou de projets entrepreneurial, incubateurs, financiers et institutions qui peuvent aider à concrétiser et développer les initiatives. Il permet de fluidifier l’accompagnement par nos opérateurs des jeunes Burkinabè prometteurs (projets d’études, de formation, volontariat).

La deuxième promesse tenue par le Président Macron est le nouveau campus numérique de l’espace universitaire francophone (CNEUF), établi au sein de l’université Ouaga 1 Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou (où avait été prononcé le discours) et inauguré en présence du recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie le 9 novembre 2018.
Encore une fois, dans son discours de Ouagadougou, le Président Emmanuel Macron, a sollicité l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) pour « qu’elle devienne la porte d’entrée pour vous donner accès à tous à une bibliothèque numérique des savoirs et des formations. Nous construirons l’accès à cette bibliothèque à partir des campus numérique francophone. Je sais qu’il y en a, il y en a un ici même à l’université Joseph Ki-Zerbo. Et nous allons les renforcer en impliquant les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d’accès pour vous apporter dans ces campus des meilleurs points de connexion pour un accès de haut débit ».

Pour réaliser cet engagement, l’AUF disposait des atouts nécessaires. Elle a une expérience reconnue dans les usages du numérique et dans l’innovation pédagogique au service du développement de l’enseignement supérieur et de la recherche dans l‘espace francophone. L’agence dispose d’un campus numérique francophone (CNF) installé à l’université Ouaga 1 Joseph Ki-Zerbo existe depuis 1994.

Elle s’appuie sur des actions concrètes déjà mises en œuvre au Burkina Faso dans le domaine : plus de 600 enseignants et formateurs formés au numérique éducatif et plus de 300 apprenants FOAD/MOOC (formation à distance offerte par le Campus numérique) chaque année.

Sur ces acquis et en réponse à l’annonce du Président Macron, l’AUF a pu concevoir et mettre en œuvre le projet « Campus numérique de l’espace universitaire francophone (CNEUF) » de Ouagadougou dénommé CNEUF Joseph KI-ZERBO. L’Université de Ouaga 1, la plus grande université publique du Burkina, et l’agence universitaire de la francophonie, ont signé le 1er juin 2018 une convention de partenariat pour la mise en œuvre de ce nouveau Campus à Ouagadougou.

J’ai participé à l’inauguration de ce projet le 9 novembre 2018 en compagnie du ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation du Burkina et du recteur de l’AUF.

Le projet CNEUF Joseph-Ki-Zerbo a pour objectif de mettre l’innovation numérique au cœur des dispositifs de qualité de la formation et de la recherche, de l’employabilité et de l’entrepreneuriat des jeunes. Il renforce le rôle sociétal de l’université.

Enfin, le 28 novembre 2017, à Ouagadougou, le Président de la République française a également rompu verbalement avec plusieurs décennies de pratiques et de discours officiels français en matière de patrimoines et de musées : « Je veux que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Ainsi, faisant écho à cette annonce, le 31 janvier 2019, s’est déroulée la 2ème Nuit des idées à Ouagadougou sur le thème de la diffusion des œuvres du patrimoine africain.

Cette soirée, en présence du directeur du musée national, a permis de débattre des concepts d’œuvre d’art, de conservation, de musée. L’état des lieux a fait ressortir que les atouts: l’existence sur le territoire du Burkina Faso de 25 musées publics et privés et surtout la présence de 14 000 œuvres stockées dans les réserves du Musée national, alors que ce même lieu propose très peu d’expositions.

Les débats ont abouti à l’idée que, pour organiser la restitution des œuvres concernées, un certain nombre de défis devraient relevés au préalable: quelles normes atteindre pour la bonne conservation des œuvres ? Quel accueil du public demain ? Quel est le niveau de formation requis pour les personnels ? Quelle méthodologie pratique de restitution élaborée entre experts des pays concernés ?

Cette Nuit des idées a aussi confirmé l’envie de saisir une occasion unique de coopération entre les professionnels des musées sur la conservation et la diffusion de ce patrimoine indispensable à l’éducation des jeunes burkinabé mais aussi de tous (notion de patrimoine universel).

J’ai ensuite évoqué toutes ces questions avec le conseiller présidentiel pour la culture et le secrétaire général du ministère de la culture ; le ministre de la culture, des arts et du tourisme s’est également rendu à Paris et y a évoqué ces questions son homologue. Une réflexion est en cours pour développer la coopération muséale entre nos deux pays, dès avant la restitution des œuvres – et même indépendamment d’elle.

L’un des participants de la table ronde, Jean-Paul Koudougou a signalé qu’avait été créée une commission d’étude, dont il est membre, pour définir les modalités de la demande que le Burkina Faso présentera pour solliciter la restitution de certaines œuvres, mais aussi pour réfléchir à la diffusion des œuvres existantes au Burkina Faso et à l’extérieur.

Libreinfo.net: Qu’est-ce que la visite d’Emmanuel Macron en 2017 au Burkina a pu apporter de nouveau dans la coopération entre les deux pays ?

Xavier Lapeyre De Cabane: Le 28 novembre 2017, à Ouagadougou, le président de la République française a rompu verbalement avec plusieurs décennies de pratiques et de discours officiels français. Cette visite a permis de préciser les objectifs de notre coopération et de renforcer les liens entre nos deux pays.

Des partenariats ont été dynamisés et remis en avant comme avec l’école 2IE. Cette visite a de plus relancé des outils de coopération français, comme le FSPI, le fonds de solidarité prioritaire, pour financer deux fois plus de projets, car les financements ont quadruplé par rapport aux années précédentes. L’aide publique française au développement, mise en œuvre par l’AFD, a été également largement augmentée. Nous pourrions ainsi multiplier les exemples.

Libreinfo.net : Le nouveau système d’acquisition du visa Français au Burkina est très décrié par beaucoup de personnes. Qu’est ce qui justifie ces changements ?

Xavier Lapeyre De Cabane : La décision de l’État d’associer, par la voie de l’externalisation, un acteur privé à l’exercice d’une mission régalienne se veut une réponse efficace aux multiples enjeux auxquels est confrontée l’administration des affaires étrangères.

Ils sont multiples : être en mesure de faire face à l’augmentation continue du volume global des demandes (+21 % en 5 ans au Burkina Faso) et d’absorber les pics saisonniers, l’été en particulier, tout en garantissant un niveau de qualité dans leur traitement ; améliorer l’accueil du public (locaux plus spacieux et service premium) et réduire les délais d’attente pour avoir un rendez-vous ; multiplier les moyens de paiement ; permettre la prise de rendez-vous en ligne (7/24), et avoir un suivi de sa demande par mail ou SMS ; mieux contrôler les risques de fraude ; optimiser l’organisation des services de visas des consulats et recentrer leur activité sur une instruction plus approfondie et plus exigeante des demandes.

Le service consulaire conserve la compétence exclusive de la totalité de l’instruction des dossiers, de la conduite d’entretiens individuels lorsqu’ils sont jugés nécessaires et de la décision d’accorder ou de refuser le visa.

Aujourd’hui, je puis affirmer que sur environ 12 000 visas demandés en 2017, 90 % ont été accordés. C’est d’ailleurs une statistique constante depuis plusieurs années.

Par ailleurs, j’invite les usagers à contacter directement le consulat, ou à laisser un message sur le site de l’ambassade ou sur notre page Facebook, s’ils n’ont pas été satisfaits des prestations de la société Capago.

Libreinfo.net : Comment vous appréciez la reprise des relations diplomatiques entre le Burkina Faso et la République Populaire de la Chine ?

Xavier Lapeyre De Cabane :Nous avons accueilli la reprise des relations diplomatiques entre le Burkina Faso et la République Populaire de la Chine, comme il se doit : Le Burkina Faso a pris une décision souveraine que nous n’avons ni à juger ni à commenter. Nous serions mal placés pour le faire.

En effet, la France entretient des relations avec la Chine Populaire depuis 1964, bien avant la plupart des pays européens ou les Etats-Unis. Nous fêtons d’ailleurs cette année les 55 ans d’amitié entre nos deux pays.

Libreinfo.net : Est-ce que les investisseurs Français s’intéressent au Burkina Faso ?

Xavier Lapeyre de Cabane : La France est un partenaire économique historique du Burkina Faso, où sont implantées une soixantaine de filiales de sociétés françaises ou à intérêts français.

Actuellement, les investissements portés par les entreprises françaises sont principalement concentrés sur les secteurs suivants : agriculture (Advens/Geocoton) ; industrie alimentaire (production de bières et boissons gazeuses avec Castel notamment) ; construction (Sogea-Satom) ; banque et assurances (BNP-Paribas, Société Générale et Allianz), et plus récemment les services et communications (Orange et Vivendi).

En termes d’investissements français, le stock français d’IDE (investissements directs étrangers) au Burkina Faso atteignait 234,5 millions d’euros fin 2017 (contre 218,5 millions d’euros fin 2016), ce qui représenterait le 15ème stock d’IDE français en Afrique subsaharienne (derrière le Niger, mais devant le Bénin, le Tchad, la Guinée équatoriale, le Mali, ou encore Madagascar).

Malgré la dégradation du climat sécuritaire dans le pays, les entreprises françaises continuent de s’intéresser au Burkina Faso, en particulier dans le secteur de l’énergie ou du transport aérien, et des télécommunications.

Parmi les projets prioritaires du Plan National de Développement Economique et Social (PNDES) 2016-2020 figurent en bonne place – et ont retenu l’intérêt de nombreuses entreprises françaises – ceux relevant du secteur énergie, avec notamment la construction/exploitation de centrales solaires photovoltaïques.

Le Conseil des ministres du 13 novembre 2018 a d’ailleurs marqué son accord pour la finalisation de plusieurs contrats de construction de centrales solaires en partenariat public privé (PPP) avec contrats d’achat d’électricité (PPA). Dans ce contexte, les promoteurs français suivants sont bien positionnés et devraient signer le 5 avril prochain avec le ministre de l’Énergie les contrats PIE (Producteurs Indépendants d’Energie) correspondants : Quadran pour les centrales de Zano (20 MW) et de Dédougou (15 MW) ; Urbasolar pour la centrale de Pâ (30 MW) ; Africa-Ren (filiale de Greenwish Partners) pour la centrale de Kodéni (30 MW) ; Green Yellow (filiale du groupe français Casino) pour la production de 30 MW à Ouagadougou.

A noter également un certain nombre d’entrepreneurs français qui se sont installés dans le secteur de l’énergie solaire durant ces dernières années : Lagazel (production de lampes et kits solairezs à Koudougou), Burkina Trading International (BTI) Africa Sun, Energem, Energy&Services, Qotto Burkina, Smart Burkina…

Côté transport, le projet du futur aéroport international de Donsin a fait l’objet d’un appel à manifestation d’intérêt en juillet 2018 qui a été remporté par le groupement français Meridiam-Aéroport de Marseille Provence, accompagné par l’ingénierie française Setec International. Ce Groupement a signé un protocole d’accord exclusif avec l’État du Burkina Faso pour encadrer le développement, la construction, le financement d’une partie des investissements, ainsi que l’exploitation et la maintenance de l’ensemble du nouvel aéroport. Les autorités burkinabè et le Groupement finalisent actuellement les études techniques et économiques en vue de signer une convention de délégation de service public d’ici l’été 2019.

De son côté, le groupe français de télécommunications Orange poursuit également ses investissements avec le renouvellement de sa licence 2G et 3G et l’acquisition de la licence 4G+ (pour 15 ans) en janvier 2019 pour la somme globale de 80 milliards FCFA (122 millions d’euros).
Tous secteurs confondus, d’autres entreprises françaises ont décidé d’investir au Burkina. L’institution de microfinances du groupe Microcred, connue sous la marque Baobab, s’est fortement développée en deux ans pour devenir une entreprise qui compte désormais 159 salariés, 5 agences, et 15 837 clients. L’entreprise française de sécurité numérique Idemia (issue de la fusion de Morpho et d’Oberthur Technologies) a deux marchés en cours de type PPP sur le Burkina Faso pour la confection des e-passeports biométriques (15 millions d’euros) et celle des cartes grises et permis de conduire (20 millions d’euros). Enfin, le groupe minier français Eramet a créé sa représentation dans le pays en 2018 pour suivre l’éventuelle réattribution du projet de la mine de manganèse de Tambao.

Retrouvez la première partie de l’entretien ici: Manifestation gilets jaunes: “Il existe une stricte différence entre ce que les chaînes de télévision en continue diffusent et la réalité” (Ambassadeur Xavier Lapeyre De Cabanes)

A lire la deuxième partie de l’entretien ici: FCFA : “C’est faux. La France ne tire aucun avantage financier de la Zone franc” (Ambassadeur Xavier Lapeyre De Cabanes)

Retrouvez la troisième partie de l’entretien ici: G5 Sahel: “Il ne fait aucun doute que la présidence Burkinabè du G5 Sahel franchisse une nouvelle étape dans l’opérationnalisation” (Xavier Lapeyre De Cabanes)

Entretien réalisé par 

Albert Nagreogo et 

Siébou Kansié 

Libreinfo.net 

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