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DEPLACES DE BARSALOGHO : après Yirgou, jusqu’à ce jour, aucune autorité officielle n’est venue constater ce qui se passe (Maire)

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Depuis le début du mois de juin 2019, une série d’attaques perpétrées dans les villages de la commune de Barsalogho dans la région du centre nord du Burkina continuent d’entraîner des déplacements massifs des populations de la région. Une commune qui vie dans la psychose et la torpeur suite à des attaques ayant causées plus de 30 morts en moins d’un mois. Abritant plus de trente mille déplacés internes, cette commune est désormais risquée et chaque jour des populations venant des villages situés dans la zone de Yirgou transitent par Barsalogho pour rejoindre d’autres villes plus sécurisées. Le maire de cette commune Abdoulaye Pafadnam dans un entretien accordé à www.libreinfo.net ce vendredi 12 juillet 2019 à Barsalogho, décrit une situation critique.

www.libreInfo.net (LI) : votre commune est confrontée régulièrement à des attaques terroristes, racontez-nous la situation à ce jour?

Abdoulaye Pafadnam (AP) : Tout ce que nous savons, c’est l’histoire de ces attaques-là. La première attaque en 2018, c’était à Bafina et à Guendbila, ce sont les deux premiers villages qui ont été attaqués. À l’issue de ces attaques, il y’a eu des arrestations. Des membres d’un groupe d’autodéfense Kogleweogo avait pu mettre la main effectivement sur deux assaillants. Ils les ont envoyés dans leur QG à Namentenga. C’est de là-bas, je crois, que les officiels sont allés les chercher. Après, il y’a eu d’autres arrestations par ces mêmes Kogleweogo. Disons que ces Kogleweogo pensent que ce n’était pas clair lors de la première arrestation. Ils pensaient que des membres de la communauté peulh qui vivaient avec eux là-bas, étaient complices, jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il n’y a pas de preuves, ils ont été relaxés. Quand ils ont été relâchés, il y’a eu effectivement beaucoup de murmures parce que les gens étaient convaincus qu’ils étaient impliqués.
On était dans ce climat de méfiance là, jusqu’à ce que le problème de Yirgou se pose et que ça se répercute pratiquement dans toute la zone.
Le problème de Gasseleki est venu s’ajouter et des gens sont venus en masse. Pendant qu’on gérait tous ces déplacés, le 22 juin dernier, il y’a eu une attaque à Sago. Sago est une zone où il y’a beaucoup de Kogleweogo. Pendant les représailles de Yirgou, c’était une zone qui s’était illustrée négativement parce qu’il y’a eu beaucoup de morts là-bas à cette période.
Quand l’attaque de Sago est arrivée, on a enregistré 15 morts sur le terrain. Des rescapés ont reconnu parmi les assaillants certaines personnes qui vivaient avec eux dans le village. Donc, cela a commencé à faire peur aux uns et aux autres et d’aucuns même pensaient à des revanches suite à l’affaire de Yirgou.
Les populations se sont déplacées et deux jours après, il y’a eu une attaque à Rokoutin, là il y’a eu deux morts. Du 22 juin à ce jour, nous avons compté plus de 30 morts. La dernière attaque était pratiquement à moins de 15km de Barsalogho. Cela a vraiment donné une peur générale et toutes les populations, environ une trentaine de villages situés dans la zone de Yirgou se sont déplacés à Barsalogho. Pourquoi il y’a eu tant de déplacés? De mon point de vue, c’est parce qu’il n’y a pas une réaction face à ces attaques.
Depuis le 22 juin, c’est finalement le 8 juillet qu’on a reçu une équipe pour venir en appui à la police et à la gendarmerie.

LI : vous pensez que ces actes sont des représailles des évènements survenus à Yirgou en janvier dernier ?

AP : je ne dirai pas que ce sont des représailles directes des évènements de Yirgou mais cet acharnement nous fait penser à une suite de l’attaque de Yirgou visant à destabiliser la zone comme je l’ai expliqué au début.

LI : la commune de Barsalogho est une commune très vaste, elle fait 1872,19 km². Il y’a des villages de Barsalogho qui sont à plus de 80 km du chef-lieu de la commune. Est-ce que cela ne complique pas la situation vue que les gens qui se déplacent sont nombreux

AP: le fait que ça soit vaste, est un fait. Mais vous savez que l’opération Doofu était là au mois de juin et c’est après le départ de l’opération Doofu que ces attaques ont commencé.
Après leur passage, ils sont allés à Kelbo. De là-bas, ils ont repoussé les terroristes. Compte tenu du fait que Barsalogho est vaste et qu’il y’a une bande forestière dans la localité, c’était un refuge pour ces terroristes. Tous les villages qui font frontière avec cette bande de forêt qui sont visés. Des fois, ils font des prêches, ils arrivent au marché, ils achètent des vivres et tout. Tous les villages qui sont autour de cette bande forestière sont visés et actuellement, c’est ça le problème.
Ici, nous avons la police et la gendarmerie mais, c’est très vaste et ils ne peuvent pas être partout puisqu’ils interviennent aussi dans les communes de Dablo et de Namisgima. C’est très vaste, ils ne sont pas nombreux, c’est très difficile.
Parfois même, on a l’impression que les terroristes nous narguent parce qu’ils savent que tant qu’un renfort ne vient pas, au niveau local, on ne peut pas faire face à eux.
Ils tapent dans une zone de plus de 100km de long et ils vaquent comme ils veulent. Il y’a le fait que ça soit vaste, et aussi, c’est une forêt, c’est même une réserve connue au niveau national.
C’est un refuge, un endroit où les gars peuvent disparaitre facilement. Il n’y a pas eu de réponse rapide, donc, ils se sont installés. Aujourd’hui, nous avons plus de trente mille déplacés à Barsalogho. Ceux qui continuent vers d’autres destinations ne font pas partie de ce décompte, parce qu’il y’en a qui sont partis à Kaya, à Boulsa, à Bobo, à Banfora et même en Côte d’Ivoire.
Ceux qui ont peut-être un ami ou un frère quelque part et qui ont les moyens sont partis. Ceux qui sont là, ce sont les pauvres paysans. C’est vraiment une situation qui embarrasse tout le monde. Depuis l’histoire de Yirgou, vous avez suivi le balai diplomatique, le président est venu et tout le monde et on a senti une prise en main des choses.
Jusqu’à ce jour, aucune autorité officielle n’est venue constater ce qui se passe. C’est le Système des Nations Unies avec la CONASUR qui sont venus. Ça fait que les populations n’ont plus confiance à l’administration locale parce que chaque fois on tentait de les encourager en leur disant que les autorités vont venir et la situation ne faisait que s’empirer.
Il y’a une crise de confiance entre nous et ces déplacés parce qu’ils se disent qu’on ne fait rien pour eux. Au niveau des FDS, c’est cette même crise de confiance qui est là. Les locaux sont là mais, ils ne sont pas nombreux et ils font ce qu’ils veulent. S’ils quittent la ville, comment ça va se passer? On en sait rien. Dans ce climat-là, les populations se disent qu’ils ne veulent pas les aider.

LI: Nous avons essayé d’aller à Foubé après notre arrivée dans votre commune et des gens nous ont fortement déconseillé d’emprunter la voie Barsalogho-Foubé sans une escorte armée. La route est dangereuse selon eux, car des usagers ont plusieurs fois été victimes d’attaques et de vol à main armée. À Foubé, il y’a un camp de déplacés aussi, donc c’est une zone où il faut intervenir régulièrement. D’ailleurs, beaucoup des déplacés qui s’étaient réfugiés à l’arrondissement 9 de Ouagadougou y ont été conduit quelques jours après leur arrivée. Est-ce que vous confirmez qu’il est aujourd’hui impossible de se rendre à Foubé sans une escorte armée ?

AP : oui, la route Barsalogho Foubé n’est pas très sûr. Les camions continuent d’y aller et de revenir mais, c’est sous escorte armée. Ce matin, j’ai reçu des gens de Foubé, ils voulaient venir hier mais, l’escorte n’était pas prête. Les transporteurs chargent et ils attendent l’escorte pour venir.
Tous ceux qui veulent venir qu’ils soient à moto ou en voiture doivent attendre l’escorte pour pouvoir venir. Donc ça, c’est une réalité. Parce qu’il y’a eu des attaques plusieurs fois sur la route. Ils ont pris des motos, ils ont tué des gens etc. La voie n’est pas très sûre parce qu’il faut justement traverser cette bande forestière-là.

LI : est-ce que la commun3e de Barsalogho est concernée par ces déplacements des populations ?

AP: Oui, à un moment donné, à Barsalogho ici, tout le monde avait peur parce qu’avec la série d’attaques et le manque de réaction, on avait l’impression que les terroristes étaient libres d’avancer.
En exemple, la mission catholique a rappelé tous ses gens qui étaient là, le curé, les sœurs, ils sont tous partis. Certains ressortissants de Barsalogho effectivement ont décidé de se mettre de côté en attendant que la situation soit plus vivable. C’est une réalité.

LI: le 8 juillet, vous avez reçu une équipe des forces de défense et de sécurité venue appuyer ceux qui étaient déjà présent. Est-ce que leur présence vous rassure ?

AP: leur arrivée déjà soulage. Cela a soulagé beaucoup la population, si vous étiez venu avant leur arrivée, vous alliez vous rendre compte que les marchés n’étaient pas bondés.
Les gens avaient des problèmes pour vraiment s’exposer. Leur présence rassure un peu. Maintenant, ils sont venus en nombre limité, par contre, quand l’opération Doofu était là, ils étaient beaucoup plus nombreux et beaucoup plus équipés. Nous pensons qu’il serait bon que l’équipe soit renforcée pour un travail minutieux sur le terrain. C’est tellement vaste que lorsqu’on met à mal les terroristes d’un côté, ils vont de l’autre côté et ainsi de suite. Il faudrait que les FDS soient plus nombreux pour pouvoir les prendre de tous les côtés.

LI: Quel est votre cri de cœur?

AP: d’abord à l’endroit de la population de Barsalogho ville qui a accueilli à bras ouvert ces déplacés. Tout ce qu’ils avaient comme maisons libres, ils ont permis aux déplacés de s’y installer. Cette solidarité-là mérite vraiment d’être féliciter.
Nous demandons aux populations de ne plus bouger, de faire confiance à ceux qui sont là pour nous protéger. J’ai aussi un clin d’œil à l’endroit des fonctionnaires de la commune qui sont restés à leurs postes malgré cette situation d’insécurité.
Je veux dire à l’endroit de l’autorité politique qu’il faut que nous travaillons à prévenir les choses au lieu de répondre chaque fois aux situations. Il faut mettre l’accent dans la prévention des choses! Si à chaque fois, il faut appeler et informer avant que Ouagadougou ne s’organise pour venir, ça met toujours du temps. Il faut donner les moyens aux autorités au niveau local de pouvoir réagir rapidement face aux situations.

Propos recueillis par

Nourdine Conseibo,
De retour de Barsalogho

www.libreinfo.net

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