Le 4 avril 2015 à Djibo dans la province du Soum, le Burkina Faso a vécu sa première attaque terroriste. Un coopérant roumain a été enlevé, un agent de sécurité a été tué et un gendarme blessé. Avec le temps, les attaques ont augmenté en nombre et en intensité et gagné presque tout le pays. A la date du 16 juin 2019, une source documentaire qui cite un bilan officiel du ministère en charge de la défense nationale fait état de 283 attaques terroristes, dont 103 dirigées contre les Forces de défense et de sécurité (FDS), tuant 143 soldats et blessant 157 autres. Ces soldats, piliers de leurs familles, tombés sous les balles assassines des agresseurs, ont été brutalement arrachés à leurs épouses, enfants, pères et mères, amis, proches ainsi qu’à leurs frères d’armes. Les veuves de ces soldats tombés au front sont pour la plupart, très jeunes et sans emplois. Contraintes de s’adapter à leur nouvelle situation non reluisante, elles vivent dans la précarité. Article de Sidwaya,repris par Libreinfo.net .
Le 25 janvier 2019, le cercle des célibataires des Forces armées nationales (FAN) du Burkina Faso s’est réduit avec le mariage de Halassane Coulibaly, un médecin-militaire. Une union religieuse et coutumière scellée avec Mlle Aglagbo Améyo Isabelle, à Lomé au Togo, pays d’origine de la mariée. Le 30 janvier, c’est-à-dire 5 jours après leur union, Halassane Coulibaly a publié sur sa page Facebook, plusieurs photos de l’heureux évènement. Dans les images, le couple en groupe ou en duo était joliment habillé en tenue traditionnelle.
Certaines photos ont même été prises à la plage. A peine postées, ces publications ont recueilli une pluie de commentaires élogieux. «Waouh, quel beau couple!!! Vous êtes tous simplement superbes. Qu’Allah bénisse votre union, qu’il soit le socle de votre foyer et qu’il vous donne beaucoup d’enfants bénis. Bisous à vous!», s’exclame par exemple Arline Pascale Amoussa, sur Facebook. «Il n’y a rien à dire de plus mon champion. Les images ont tout dit. Que le Tout- puissant vous protège et vous assiste partout. Encore félicitations», ajoute de son côté Yaya Bancé.
Quelques jours seulement après son mariage, pendant que les félicitations continuaient de pleuvoir sur sa page Facebook, Halassane Coulibaly quitte sa bien-aimée pour rejoindre son poste à Djibo, chef-lieu de la province du Soum, dans la région du Sahel. Cette ville, située à plus de 200 km de la capitale, est l’une des zones du pays les plus touchées par les attaques terroristes. Le 14 février 2019, jour de la St-Valentin, le sous-lieutenant Coulibaly tombera dans un piège assassin des terroristes à Djibo, l’arrachant brutalement à sa douce moitié, un jour où le monde célébrait l’amour. Ce jour, son assistant et lui examinaient un corps sans vie trouvé dans la localité.
Un corps d’un individu habillé en tenue officielle des forces armées burkinabè que les terroristes avaient piégé. Sept mois après la disparition tragique de Halassane, l’émotion est toujours vive dans la famille Coulibaly à Bobo-Dioulasso où vit sa veuve. Toutes tentatives de rencontrer la famille et la veuve sont restées vaines depuis le 2 septembre 2019. Car, onze jours plus tard, un proche du défunt avoue que la famille ne souhaiterait pas en parler. «J’en ai parlé au papa. Il m’a signifié que ce qui est fait est fait. Rien ne pourra ramener son fils à la vie, donc il n’a pas de mots à ajouter.
Qu’est-ce qu’on pourra nous donner qui va nous soulager de cette douleur ou de cette perte-là ? Rien. On s’en remet à Dieu seulement. De toutes les façons, nous ne sommes pas la seule famille», dit la source tristement, la voix toute rouée. La famille Coulibaly n’est pas la seule à pleurer la perte d’un fils soldat tombé sur le champ d’honneur. Le 29 janvier 2018, la famille Soulama à Banfora a perdu son fils, Karim Soulama, assistant de police, lors d’une attaque à Baraboulé, dans le Soum.
Neuf mois après, la famille est toujours sous le choc. Dans la nuit du mardi 1er octobre 2019, c’est une mère, une épouse et un petit frère, tous tristes qui nous reçoivent à leur domicile au secteur n°4 de Banfora. «C’est difficile. C’est douloureux et nous ne pouvons que prier pour le repos de son âme», avoue impuissamment son frère cadet. Même désolation chez la mère qui a perdu le pilier de la famille. Il était le seul de ses trois enfants à avoir un emploi. Pour venir en aide à la famille, le benjamin compte désormais sur les concours directs de la Fonction publique, session 2019.
Pendant que sa belle-mère et son beau-frère parlent, Kadi Héma, 26 ans, la veuve du disparu, a le regard cloué au sol. Les mots peinent à sortir de sa bouche. «Les filles savent que leur père ne vit plus parce qu’elles ont tout suivi le jour de son inhumation à Ouahigouya», explique-t-elle avant de faire savoir qu’elle attend les résultats du test d’intégration des enseignants du primaire.
Plus d’une centaine de veuves et d’orphelins
A Bobo-Dioulasso, une autre famille, la famille P. a été également endeuillée. Leur fils, O. P., assistant de police, nouvellement affecté à Titao, a été tué dans une attaque armée dans la zone. Sa veuve, Antou (nom d’emprunt), a trouvé refuge à Kilwin, un quartier de Ouagadougou.
Agée de 25 ans, elle vit avec ses trois enfants (un nourrisson de 18 mois, une fillette de 4 ans et son fils aîné, 7ans) dans une chambre-salon qu’elle loue à 7500 FCFA le mois. «Ses chaussures et ses tenues sont toujours dans la chambre et j’espère toujours le revoir», dit-elle avant de fondre en larmes. Après un long soupir, elle se résigne. «C’est difficile d’attendre quelqu’un qui n’arrivera pas.
C’est trop dur». Mathilde (nom d’emprunt) connaît aussi cette douleur liée aux actes terroristes. Elle a perdu son époux, un sous-officier de la gendarmerie, tué au cours d’une attaque dans le Sahel, au début de l’année. La veuve, qui a requis l’anonymat, réside actuellement avec ses trois enfants, âgés de 10, 7 et 4 ans dans une maison deux pièces en zone non lotie dans la périphérie de Ouagadougou. Un logement construit par son époux, il y a quelques d’années, pour les mettre à l’abri de l’insécurité qui règne dans la province où toute la famille vivait «Ce n’est pas du tout facile.
Vivre avec quelqu’un pendant tant d’années et un moment donné tu entends qu’il n’est plus là. Ça fait vraiment mal», soupire-t-elle. La même douleur et le même vide sont toujours présents chez la veuve d’un autre officier militaire, tué dans la capitale en 2018. Mère de trois enfants, elle ne s’en est pas encore remise. «Je vais mal et les enfants aussi ainsi que la belle-famille», confie-t-elle tout en demandant l’anonymat.
La liste est longue. Elle est même très longue : des centaines de soldats tués, plusieurs centaines de veuves et d’orphelins et les attaques contre les FDS continuent.
Partis sans laisser de progéniture
Dans cette longue liste figurent, les noms des huit soldats du détachement de Baraboulé, tombés à la suite de l’explosion de leur véhicule lors d’une mission de ravitaillement, le 26 septembre 2019 à Baraboulé.
Ce sont : le Sergent Moussa Diallo de la Garde nationale, 52 ans, deux veuves et six enfants ; le Sergent Souleymane Sanou de l’ENSOA, 33 ans, une veuve, 9 enfants ; Achille Bamouni du 31e Régiment d’infanterie commando, 32 ans, une veuve ; le Caporal Moussa Karambiri du 30e Régiment de commandement d’appui et de soutien, 29 ans, un orphelin ; le Caporal Boureima Toé, du 30e Régiment de commandement d’appui et de soutien, 33 ans, une orpheline ; le soldat de 1re classe Pawendkisgo Aloïse Congo, du Régiment de commandement d’appui et de soutien, 35 ans, 5 enfants ; le soldat de 1re classe Sayouba Ouédraogo, du 30e Régiment de commandement d’appui et de soutien, 26 ans et Julien Guigemdé, 29 ans, également du même régiment sont «partis avec leurs noms». Ceci pour dire qu’ils sont morts sans progéniture.
Avec ou sans enfants, mariés ou pas, tous ces militaires inhumés à Oufré, à Ouahigouya, région du Nord, dans la soirée du vendredi 28 septembre 2018, laissent un vide. Des disparitions qui ont arraché des fils à leurs mères et pères, des époux à leurs épouses, des compagnons à leurs compagnes et des pères à leurs enfants. Combien d’orphelins et de veuves ont-il laissé derrière eux ? Difficile d’avoir une liste exhaustive. Car depuis 2015, le Burkina Faso fait face à des attaques terroristes récurrentes, avec une sévérité dans le Sahel, le Nord et le Centre-Nord et avec pour principales cibles, l’administration, les leaders religieux et coutumiers.
Les FDS, en première ligne de ce combat, paient le plus lourd tribut. Une source documentaire qui s’appuie sur un bilan officiel du communiqué du ministère de la Défense nationale et des Anciens combattants révèle que le pays des Hommes intègres a enregistré 283 attaques, depuis la première perpétrée le 4 avril 2015 jusqu’à la date du 16 juin 2019. 103 attaques ont été menées par les groupes armés contre les FDS provoquant 143 décès et 157 blessés. Pour être plus précis, nous pouvons retenir que 73 militaires, 11 policiers, 8 douaniers, 3 gendarmes et 3 forestiers ont été tués. En faisant le décompte, 45 victimes des FDS n’ont pas été identifiées.
«Mystère autour des statistiques»
Dans ce bilan, aucune mention des veuves et orphelins. Mais une source proche du dossier parle d’une centaine de veuves, côté militaires dans les mois de juillet- août. Pour en savoir davantage sur les statistiques, nous avons entamé plusieurs démarches à plusieurs niveaux. D’abord auprès de la Direction générale de la Police nationale qui a refusé de se prononcer sur cette question, malgré nos multiples relances.
La même correspondance a été déposée, le 29 septembre à l’Etat-major de la gendarmerie. Le vendredi 13 septembre, un monsieur au niveau du cabinet nous rassure au téléphone : «Le dossier est en étude. On va vous appeler quand ça sera fait». Conséquence, plus besoin d’insister. Jusque-là, le dossier semble toujours en étude. Le 29 août, un autre courrier est déposé à la Direction générale des douanes. Après plusieurs tentatives vaines pour contacter le directeur de communication, Frédéric Zida, nous nous rendons à la direction de la douane dans la matinée du vendredi 27 septembre 2019.
Au service courrier, un agent nous remet un bout de papier avec mention n°2578 du 26 août 2019 et nous oriente vers le cabinet du directeur général où le secrétaire particulier de celui-ci, Ousmane Nikièma, dit avoir vu la correspondance et que le dossier a traîné parce que le «boss» était en congé hors du pays. Ensuite, il passe plusieurs coups de fil à plusieurs services mais aucune trace de la correspondance. Après une trentaine de minutes d’attente, nous effectuons un tour au service de communication.
Là, le directeur nous rassure que le dossier est à son niveau. «Il y a à peine trois jours, je l’ai même fait sortir et je voulais t’appeler pour comprendre davantage», dit-il, très pressé pour rattraper une réunion en cours. Il suggère alors de lui faire un message pour lui laisser notre contact qui, pourtant, figure sur la demande d’interview. Ici aussi, nous attendons toujours l’appel.
Que cache l’armée ?
A l’Etat-major général des armées, c’est le même calvaire pour avoir des chiffres crédibles sur le nombre de veuves et d’orphelins laissés par les militaires disparus. Là, nous avons fait des pieds et des mains, pour avoir des rendez-vous infructueux. Les deux premiers, le mardi 17 et le jeudi 19 septembre 2019.
A ce second rendez-vous, notre surprise, l’interview est transformée en une séance de travail : journaliste, chargé de communication et technicien du service social. La raison selon la direction de la communication : mieux se préparer pour répondre aux préoccupations posées. Une double copie du questionnaire est faite et le lieutenant Noël Ouédraogo promet de nous revenir. Ne voyant rien venir, nous le contactons à nouveau, le mercredi 25 septembre.
Il promet de nous revenir en nous rassurant de la pleine collaboration de l’armée. Le 30 septembre, le service de communication nous fixe un autre rendez-vous pour le vendredi 4 octobre. «Vous aurez votre interview le vendredi», annonce-t-il, avant de demander de l’appeler avant pour l’heure. Ce que nous avons fait avec insistance mais sans suite de sa part. En plus des autorités militaires et civiles, la coordination des associations des épouses des militaires a été saisie.
Le 8 septembre, la présidente, Bibata Zida, contactée par téléphone, dit être favorable mais préfère informer d’abord le commandement militaire. Là aussi, il n’y aura plus de suite malgré nos multiples relances. Pourquoi tant de mystère autour d’une question qui relève de l’intérêt général ? L’armée, la police et la douane semblent faire de la prise en charge des veuves et orphelins des FDS victimes d’attaques terroristes, un secret d’Etat ou un secret défense. Toutefois, des sources proches des dossiers, sous anonymat, annoncent qu’à la date du 29 septembre, au niveau de la Police nationale, ce sont 25 policiers, (trois officiers et 22 sous-officiers) qui sont tombés à la suite des attaques.
Ils laissent derrière eux 11 veuves, 29 orphelins et orphelines. Ces épouses, généralement très jeunes et les enfants pour la plupart mineurs, dont certains âgés d’un à sept ans, se battent comme ils peuvent à l’absence du chef de famille. Sans emploi, Antou, la veuve de l’assistant de police, envisage reprendre ses études en classe de 4e. Mais ne dispose pas d’une aide ménagère. Son fils, malentendant, est en classe de CP1 dans un établissement de la place.
Elle doit l’y conduire chaque matin et le ramener le soir. Même si l’établissement dispose d’un bus et d’une cantine au prix mensuel de 11 000 F CFA, la veuve ne dispose pas de cette somme. Néanmoins, en attendant de trouver un internat pour son fils, après de multiples sacrifices, elle a réussi à mobiliser 11 000 F CFA pour que son fils puisse emprunter le car de l’école et bénéficier de la cantine pour le mois d’octobre. Elle va consacrer ce temps à la recherche d’un emploi. Devenue par la force des choses, chef de ménage, la jeune femme a déjà touché à tout. Pour avoir aidé une dame à vendre ses oignons, elle connaît tous les passages du marché de Tampouy. «Avec mon enfant au dos, je vendais les oignons d’une femme à raison de 300 ou 600 F CFA par jour», explique-t-elle.
Une activité qui l’obligeait à se réveiller chaque fois à 4 heures du matin. Après ce travail, Antou a aussi vendu des oignons à son compte, des gâteaux, de l’eau glacée et du jus grâce au réfrigérateur de seconde main que son époux lui avait acheté. Mais à cause des pannes récurrentes du réfrigérateur, elle a dû se résigner à trouver un autre boulot, cette fois dans une boutique de transfert d’argent. Mais le jour où elle y est allée avec son fils malentendant et très turbulent, son employeur l’a remerciée en lui remettant 7500 F CFA. Le cas de Antou n’est isolé. Elles sont nombreuses, les veuves des FDS qui font de petits boulots pour joindre les deux bouts.
D’autres comptent sur leur admission au test d’intégration des enseignants du primaire et aux concours directs de la Fonction publique, session 2019. Dans ce combat, les veuves et leurs familles peuvent aussi compter sur les frères d’armes et promotionnaires de leurs époux. Des hommes réputés pour leur solidarité de corps. «Sa promo m’a remis une somme de 200 000 FCFA», confie t- elle. «Sa promotion est venue saluer la belle-famille avec 300 000 F CFA», renchérit une autre.
Quant à la famille de l’assistant Karim Soulama, ses promotionnaires l’ont assistée avec la somme de 900 000 F CFA. En plus des «promo», l’Etat également a entrepris des actions. Antou dit avoir reçu 300 000 FCFA de la Direction générale de la police et d’ajouter : «L’action sociale nous a remis 250 000 F CFA, 8 sacs de 100 kg : 3 sacs de maïs et 5 sacs de riz ; 6 bidons d’huile de 5 litres chacun et des fournitures scolaires». «Ses chefs sont venus avec 2 995 700 F CFA.
Nous avons également reçu 6 sacs de maïs, 3 sacs de riz, tous de 100kg, 6 bidons de 5 litres d’huile, 2 cartons de savon CITEC et 2 kits scolaires», détaille l’épouse de Karim Soulama. Par ailleurs, elle a révélé que le 16 septembre dernier à Ouagadougou, elle a eu une rencontre avec la Caisse autonome de retraite des fonctionnaires (CARFO) qui souhaite prendre en charge la scolarité des orphelins.
La veuve du sous-officier de gendarmerie tué dans le Sahel a aussi reçu deux sacs de riz et 5 sacs de maïs de 100kg et la somme de 300 000 F CFA de la part de l’armée. Toutes les veuves n’ont pas cette chance. La veuve d’un militaire tué à Ouagadougou, dit n’avoir aucun contact avec la hiérarchie depuis la disparition tragique de son époux. Selon elle, elle n’a bénéficié d’aucun soutien de l’Etat. Cependant, elle avoue avoir reçu une assistance de la part de quelques structures qui lui ont exprimé leur solidarité.
Le 22 juillet 2019, une source proche de la famille d’un militaire tué au Mali, nous informe que sa veuve et ses deux enfants auraient été expulsés d’une caserne à Ouagadougou où la famille logeait. Des ayants droit ont déjà touché le capital décès. A la Police nationale, une dizaine d’ayants droit, dont huit veuves, sont déjà passés à la caisse. Une dizaine de dossiers est en cours de constitution. Mais ces aides sont souvent source de problèmes pour les veuves. A cause des querelles de succession dans la famille d’un autre officier de gendarmerie, les dossiers du défunt n’ont pas encore été finalisés.
«C’est la belle-famille qui s’en occupe. Et pendant que je suis en train de pleurer mon mari, c’est déjà des disputes en famille autour de ses biens et de la garde de ses enfants. J’ai peur pour moi et mes enfants», s’inquiète la jeune veuve. La veuve a été exclue de la liste des ayants droit au prétexte qu’avant de mourir, le défunt n’a pas contracté de mariage officiel. Par exemple, de retour de l’inhumation de son fils S. P., sa famille a obtenu 300 000 F CFA. Aussitôt reçu, ils se disputent pour le partage du gain, derrière un des bureaux et ce, sous le regard larmoyant de la veuve.
«Donne 50 000 F CFA à la femme» ; «C’est mieux de lui remettre 100 000 F CFA» ; «Tu ne vois pas que nous sommes nombreux ?» ; «Moi je ne veux pas de l’argent de la veuve et des orphelins», se disaient-ils. Face à ce boucan, ils ont été expulsés du service par les éléments de la police. Plus tard, c’est finalement 200 000 F CFA qui lui ont été remis par la délégation. Beaucoup de femmes se trouvent dans le même cas et souvent, les enfants nés hors mariage sont exclus par la famille du défunt.
Les services de l’armée sont souvent informés de ces cas, mais semblent impuissants. Certaines femmes victimes de cette situation font même partie du personnel de l’armée. En de pareilles circonstances, les parents de ceux qui souffrent de la perte de leur progéniture souhaitent plus de célérité dans le traitement des dossiers.
Certains même, du fait des divergences de vue, souhaitent que la hiérarchie des différents corps se charge de la constitution des dossiers pour ne pas peiner davantage les orphelins, surtout les élèves, en cette rentrée scolaire.
Les 3 175 000 F CFA du CFOP attendent toujours
Comme il fallait s’y attendre, le politique n’est pas resté silencieux. «Nous avons montré aujourd’hui qu’il ne suffit pas de sortir marcher mais plutôt marcher pour collecter des fonds afin de venir en aide aux Forces de défense et de sécurité (FDS) ainsi que les veuves et les orphelins des soldats tombés», annonce Moussa Zerbo, porte-parole de l’UPC, lors de la marche de l’opposition, du 29 septembre 2018 pour soutenir les FDS.
Près d’une année après cette annonce médiatique, que devient cet ambitieux projet de l’opposition? «Le jour de la marche, nous avons pu collecter 738 700 FCFA et 2 436 300 FCFA tout au long du mois qui a suivi», confie le directeur de cabinet du chef de file de l’opposition, Dieudonné Badini, le 21 septembre 2019, avant d’ajouter qu’au total, les partis de l’opposition ont pu mobiliser 3 175 000 FCFA. Pour M. Dieudonné, «ce n’est pas grand-chose en termes d’équipement, mais cela pouvait servir à la prise en charge des veuves et orphelins». Un geste symbolique, un acte de reconnaissance à l’endroit des familles de ceux qui se sont sacrifiés pour la nation.
Depuis plus d’une année, l’opposition peine à remettre la somme aux destinataires. Selon le directeur de cabinet du CFOP, à l’annonce de leur action, les autorités au pouvoir ont rejeté l’initiative. L’opposition dit avoir demandé au gouvernement la mise en place d’un dispositif pour permettre aux éventuels volontaires d’y contribuer. «Nous n’avons plus eu de nouvelle jusqu’à ce que la part contributive de l’Assemblée nationale soit transférée de façon globale et directement aux FDS», déplore le porte-parole de l’opposition.
C’était le 14 janvier 2019 avec 127 millions F CFA comme soutien à l’effort de guerre dans la lutte contre le terrorisme. Déterminée à aller au bout de leur acte, l’opposition est revenue à la charge après l’attaque meurtrière du détachement de Koutougou du 19 août, qui a fait 24 victimes parmi les soldats burkinabè. Cette fois, elle demande à rencontrer le Chef d’état-major général des armées par correspondance le 21 août 2019 adressée au ministre en charge de la Défense nationale l’informant que l’opposition voudrait rendre une visite au Chef d’état-major général des armées pour lui transmettre les condoléances de l’opposition et lui traduire sa compassion, lui présenter son soutien et ses encouragements dans ses efforts menés pour la défense de la patrie.
Il a poursuivi que l’opposition voulait saisir également cette occasion pour proposer la remise de son appui financier. En retour, elle a reçu une correspondance du ministre de la Défense nationale le 3 septembre 2019 qui dit qu’«il serait mieux indiqué que la visite s’adresse au ministre de la Défense où la possibilité d’y associer des autorités de l’Etat-major général des armées sera appréciée».
Naît alors un ping-pong et jusqu’aujourd’hui, l’opposition n’a pas encore adressé cette correspondance au ministère de la Défense. Pourquoi tant de problèmes autour des 3 175 000 F CFA ? Pourtant des dons, les ministères en charge de la sécurité et de la défense nationale en ont reçus. Le vendredi 12 octobre 2018, le président de l’association Organisation humanitaire et développement (OHD), Sankara Hamadou, a fait parler son cœur, en remettant un million F CFA au ministre de la Sécurité, Clément Sawadogo. Cette somme, selon le donateur, est destinée aux familles des victimes des attaques terroristes et aux Forces de défense et de sécurité.
Elle a été répartie sur place, soit cinq cent mille francs à la Police de Titao et le restant aux familles des 6 policiers tués le 22 octobre 2018 sur l’axe Sollé-Titao, «Nous avons été attristés par ces attaques odieuses», s’est exprimé le président de la commission de l’UEMOA, Abdallah Boureima, le mardi 20 mars 2018 au ministère de la Défense. Une compassion appuyée par un chèque de 300 millions F CFA, pour soutenir les familles des victimes et les blessés.
Pour une meilleure prise en charge des ayants droit des éléments des FDS tombés au front de la lutte contre le terrorisme, le Conseil national de la Transition (CNT) a adopté en 2015, la loi n°062-2015, portant statut de pupille de la nation. Le chapitre II en son article 5 et 6 déclare éligibles au statut de pupille de la nation, les enfants de militaires, fonctionnaires de la police nationale, municipale, la sécurité pénitentiaire, la douane, les eaux et forêts, les sapeurs- pompiers civils décédés des suites d’une blessure du fait d’un acte d’agression, survenu au cours de l’accomplissement d’une mission de guerre, d’une mission lors d’un conflit interne ou d’une mission sur un théâtre d’opérations extérieur , au cours de l’accomplissement d’une mission de sécurité publique, lors des séances de formation ou d’exercice opérationnel.
Malheureusement, 4 ans après son adoption, cette loi ne fait toujours pas objet de décret d’application. En attendant le décret sur les pupilles de la nation, un autre décret est appliqué. Il s’agit du décret n°2019-0140PRES/PM/MINEFID/MFPTPS/MSECU/MJDHPC/MEECCC/MDNAC du 18 février, portant modalités d’indemnisation des agents des forces de la police nationale, de la garde de sécurité pénitentiaire, des douanes ou des eaux et forêts ayant subi des préjudices dans l’exercice ou en raison de l’exercice de ses fonctions lors d’une attaque terroriste.
Ce texte prévoit une somme forfaiture de 10 millions FCFA aux ayants droit des FDS décédées. Au regard de ce décret, une source proche du dossier, au niveau de la Police nationale, soutient qu’à la date du 30 septembre, 12 dossiers d’indemnisation ont été validés au niveau du ministère en charge de l’économie. 13 autres sont dans le circuit et en voie d’être accordés comme les premiers. Les bénéficiaires attendent les paiements à travers les fonds de l’effort de guerre logés au ministère de la Défense nationale et des Anciens combattants.
Mariam OUEDRAOGO
mesmira14@gmail.com
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Encadré
Le niet de la Police
Jointe au téléphone, le dimanche 25 août 2019, la Directrice de la communication des relations extérieures et de la presse (DCRP), la commissaire Minata Traoré nous demande d’adresser une correspondance à la Direction générale de la police. Ce qui a été fait le lendemain matin. Absente au poste ce jour, le suivi a été fait avec son adjoint, le commissaire Apollinaire Kafando.
Dès notre premier appel, il nous rassure que la demande a été transmise au service du personnel pour avis et études. Par la suite, après plus d’une dizaine d’appels sans évolution, celui-ci nous invite à passer au bureau, le vendredi 13 septembre peu avant 12h00. Décidée de faire le point à la directrice elle-même, le lundi 16 septembre, celle-ci, après un coup de fil, nous informe que c’est un avis défavorable qui a été émis à notre demande.
Plus tard, le jeudi 19 septembre, une correspondance du Directeur général de la Police nationale, Jean Bosco Kienou, est adressée au directeur des rédactions des Editions Sidwaya. Arrivée sous le n°2019-005373/MSECU/DGPN/DP du 18 septembre 2019, voici la substance : «Pour le moment, je porte à votre connaissance que les services en charge de ces questions ne sont pas disposés à accorder une interview dans ce sens». Toutefois, poursuit-il : «Je saisis l’occasion pour vous adresser mes encouragements dans votre volonté d’accompagner les proches des personnels des forces de l’ordre et de sécurité».
M.O