Une semaine après l’attaque de Solhan, le coordonnateur du Mouvement SENS, Guy Hervé Kam a donné sa lecture sur la situation sécuritaire au Burkina Faso à Libreinfo.net. C’était en marge de l’Assemblée générale de son mouvement qui a lieu, le samedi 12 et dimanche 13 juin 2021 à Ouagadougou.
Par Abdoul Wahab Mandé, Stagiaire
Libre info (L.I) : Récemment il y a eu une attaque qui a fait 132 morts selon le bilan officiel et 160 selon plusieurs médias. Quel commentaire vous en faites ?
Guy Hervé Kam( G.H.K) : D’abord je voudrais profiter de cette occasion pour présenter mes sincères condoléances les plus attristées aux familles et victimes. Je manifeste aussi toute notre solidarité et notre fraternité avec tous ceux qui souffrent des attaques terroristes.
Nous sommes solidaire avec les forces de défense et de sécurité qui tentent tant bien que mal et aussi les volontaires pour la défense de la patrie pour protéger la population.
Je pense que ce qui s’est passé à Solhan est en réalité la manifestation la plus concrète de l’inadéquation de nos politiques de sécurité par rapport aux problèmes qui nous frappent.
Ça fait près de six ans que notre pays a vécu ses premières attaques terroristes et on se rend compte que ça ne fait que perdurer. C’est pour dire tout simplement que la réponse sécuritaire n’est pas adéquate.
C’est pour dire que l’attaque de Solhan compte tenu de sa gravité, compte tenu de l’émoi et de la douleur qu’elle a provoqués au sein de la population doit être l’occasion pour les autorités en charge de la sécurité que ce n’est pas normal que nous soyons en insécurité dans notre propre pays.
L.I : Quelles solutions préconiseriez-vous si vous étiez à la place des autorités actuelles ?
GHK : Ce que je peux dire, c’est que la question de la sécurité ne doit pas être perçue comme une réponse ponctuelle à un problème ponctuel. Je pense d’ailleurs que c’est l’erreur que nos autorités commettent, sans être dans le secrets des dieux .
La question de la sécurité en tant que problème social nécessite qu’il ait une réponse à plusieurs niveaux. Et je pense qu’il y a peut-être une confusion que nous faisons très souvent entre la question de la sécurité et de la défense. J’entends beaucoup de gens dire qu’on a appelé les militaires et ils ne sont pas venus.
Tant qu’il y a des attaques, c’est l’échec du système. Et je pense que toute bonne politique doit plutôt viser à empêcher qu’il y ait des attaques. Et quelle stratégie mettre en place pour empêcher qu’il y ait des attaques ?
Je pense que nous avons dans notre pays des compétences qui sont sollicitées souvent y compris à l’extérieur pour travailler sur ces questions. En tout cas, comme je l’ai dit au départ, Solhan est la preuve que notre thérapie ne marche pas.
L.I : Le 10 juin 2021, le président français Emmanuel Macron a annoncé la fin de l’opération Barkhane en tant qu’opération extérieure. Il a annoncé en même temps la mise en place d’une alliance internationale. De votre point de vue, s’agit-il d’un risque ou d’un salut pour les pays du Sahel ?
GHK: Pour moi, la question n’est pas de savoir si c’est un risque ou si c’est plutôt un avantage pour nos populations. Pour moi, cette décision française doit mettre tout le monde d’accord sur un point précis et important. Qui dort sur la natte d’autrui dort à terre. C’est ça la réalité.
Et pendant ce temps, nous avons dit que la sécurité de la population dans un pays est une question trop importante pour qu’elle soit sous-traitée, pour qu’elle soit confiée à une personne ou à un pays étranger. La question de la sécurité est une question de souveraineté nationale.
A partir de ce moment, il appartient à nos autorités de considérer la décision de la France comme une opportunité en ce sens qu’elle nous oblige pour une fois à être sûr que nous n’avons pas d’autres choix que de développer nous-mêmes les voies et moyens d’assurer notre propre sécurité.
La France aurait pris cette décision il y a un an, il y a deux ans qu’on aurait épilogué. Mais le contexte dans lequel la France prend cette décision, le contexte de son énervement, de sa jalousie probablement par rapport à ce qui se passe au Mali montre bien qu’effectivement quand vous avez votre doigt dans la bouche de quelqu’un, vous ne pouvez pas parler.
Cela montre bien que la main qui reçoit est toujours en bas, montre bien que quand vous dormez sur la natte de quelqu’un, vous dormez à terre. Parce que pour peu que la personne s’énerve, elle prend sa natte.
C’est ce que je retiens comme leçon forte dans cette décision de la France et je dis que pour nous Burkinabè, pour les peuples africains, voilà un élément qui doit constituer un point de départ de l’appropriation par les pays de leur propre sécurité.
L.I : Est-ce que selon vous la France n’a pas vu qu’elle a échoué dans sa lutte ?
GHK : La guerre n’est pas finie. La France y compris nos armées ont certes perdu des batailles. Le contexte dans lequel intervient cette décision avec le coup d’Etat du Mali que la France a condamné fortement qui devient donc comme la raison pour laquelle la France s’en va, jette un peu le discrédit sur cette décision française.
Et comme je le dis, cela oblige nos Etats à faire quelque chose, oblige nos Etats à se prendre eux-mêmes en charge. La question n’est pas de savoir si c’est une défaite.
De toute façon, la France est là selon ses dires pour nous aider. Nous sommes toujours en difficulté et elle fait marche arrière. Chacun peut commenter mais je dis que le plus important, c’est que l’heure n’est pas au commentaire, l’heure est aujourd’hui à la reprise en main de notre sécurité, c’est-à-dire notre souveraineté en matière de sécurité.