Le Président nigérien Mohamed Bazoum a analysé l’insécurité qui prévaut dans certains pays du Sahel, dont son pays, à l’occasion du 7e forum international sur la paix et la sécurité de Dakar au Sénégal.
C’est une analyse plutôt qu’un discours. De la manifestation du terrorisme en passant par son financement, son armement et la capacité des armées étatiques à se réadapter, le président Bazoum ‘’s’érigeant en expert’’, à fait le tour de ces questions.
Pour le Président nigérien, le terrorisme dans le sahel se caractérise par « des formes d’organisation qui s’apparentent singulièrement à celles observées dans les guérillas en Amérique latine au cours des années 1960-70. »
« Lorsque je lis les fiches des renseignements qui se rapportent au mode d’organisation de ces mouvements, j’y découvre une description de la réalité qui me rappelle mes lectures de Régis Debray et de Che Guevara. »
Mais pourquoi ce modèle de guerre qui n’avait pas fait long feu dans les années 1960-70, a pu avoir du succès de nos jours avec les terroristes ? Mohamed Bazoum donne la réponse.
Pour lui, ce succès réside au fait que les organisations terroristes d’aujourd’hui, ont un accès facile à la technologie et à l’armement.
Les avancées technologiques « permettent aujourd’hui aux groupes rebelles d’accéder à nombre de moyens, qui à l’époque [années 60-70] étaient l’apanage des forces étatiques. »
Pareil pour les moyens de communication. « Les groupes armés non étatiques utilisent en effet les téléphones mobiles GSM, les téléphones satellitaires, et possèdent leurs propres fréquences de Talkies walkies.
Ils ont même à cet égard un certain avantage sur les armées qui est de pouvoir détruire les antennes des téléphones mobiles partout où elles considèrent qu’elles sont gênantes pour leur action. »
L’autre chose, est l’accessibilité à l’armement par des groupes armés terroristes. Les groupes criminels au Sahel sont alimentés en armes à partir de la Libye. Un pays qui était selon le Président du Niger, « une véritable poudrière » au temps du colonel Kaddafi.
A en croire Bazoum, les circonstances de la chute du régime Kaddafi ont rendu ces armes accessibles aux groupes armés qui ont généré des réseaux de trafics qui ont inondés les pays sahéliens.
Le résultat poursuit le successeur de l’ex-président Mahamadou Issoufou, « est que jamais, nulle part au monde des groupes rebelles n’ont pu avoir accès aux mêmes armes que les forces légales qu’elles combattent, comme c’est le cas aujourd’hui au Sahel. J’ai même la faiblesse de penser que pour certaines armes, la proportion chez les terroristes est supérieure à celles détenues par les forces régulières. »
C’est le cas notamment des lance- roquettes RPG et des fusils mitrailleurs M80, qui sont les armes vedettes de ces guerres. Les mouvements révolutionnaires des années 60 étaient connus pour la pauvreté de leur armement et le déséquilibre caractéristique du rapport de forces vis-à-vis des troupes régulières en la matière.
« C’est véritablement la moto qui confère à cette guerre son caractère asymétrique »
L’autre grande vedette de cette guerre dira le Président Mohamed Bazoum, est la moto à deux roues.
La moto permet aux terroristes d’être tactiquement opérationnels. Elle leur confère une « extrême mobilité. », selon le Président qui ajoute que « c’est véritablement la moto qui confère à cette guerre son caractère asymétrique. »
A lire: Sahel : où les terroristes gagnent tant d’argent pour leurs œuvres criminelles ?
Dans un environnement où les routes sont inexistantes avec une densité de la végétation par endroit, la moto « qui allie petite dimension, rapidité, rusticité et sobriété » permet aux terroristes d’être plus rapides.
Pendant ce temps, « les forces régulières utilisent des moyens mécanisés très peu commodes du fait notamment de leur lourdeur et de leur lenteur. »
Il y a aussi la maîtrise du terrain par les terroristes. Et leur « mode de vie pastoral » fait d’eux, « des hommes rompus à la souffrance due aux privations et la pénibilité de la vie au quotidien. »
« Pour un jeune berger, passer de la marche à pied à la moto procure confort et prestige. Exactement comme passer du bâton à la kalachnikov. Les jeunes qui intègrent les organisations terroristes se sentent exaltés par les merveilles auxquelles ils accèdent, ce qui leur confère un sentiment de valorisation de soi fantasmatique. », analyse le président Bazoum.
Que faire ? Le Président du Niger pense que « les pays du Sahel ont besoin de ressources financières exceptionnelles dont l’accès commande une dérogation aux règles de financements traditionnels consacrés par les institutions financières internationales faute de quoi leur action restera toujours très insuffisante. »
A lire: Burkina-Niger: une centaine de terroristes tués dans l’opération conjointe Taanli 2