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Exploitation minière: Namissiguima (Nord) pleure sans fin la destruction de sa mare aux caïmans sacrés

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La mare aux caïmans sacrés de Barelgo, un village situé dans la commune de Namissiguima, province de Yatenga, était un véritable réceptacle de plusieurs rites cultuels et culturels. Elle est considérée comme l’une des plus vieilles de la région du Nord. Selon les habitants, cet autel est l’héritage de plusieurs siècles. Cet héritage a été sacrifié, en 2014, au profit de la recherche du métal jaune, l’or, au grand dam des populations locales. 

Par Daouda Kiekieta

Le développement du secteur minier au Burkina Faso n’a pas fait que des bienheureux, il a emporté dans son sillage la dégradation de sites liturgiques et la destruction de patrimoine culturel.

C’est le cas, par exemple, de la mare aux caïmans sacrés de Barelgo située dans la commune de Namissiguima, province de Yatenga, région du Nord.

Considérée comme le dépositaire d’une valeur historique, cette mare a été détruite en 2014 par la société minière True Gold (qui exploitait la mine d’or de Karma, rachetée par Endeavour mining puis Néré mining).

Allongé sur un canapé devant sa maison, M. Sékou Ouédraogo est actuellement le chef de la famille qui veillait sur la mare. Âgé de 63 ans, cet homme  de taille moyenne, à la barbichette blanche, reste nostalgique de la mare, un héritage de plusieurs siècles.

« Une partie de cette mare était réservée aux pratiques liturgiques. A chaque début de campagne agricole, mes grands-parents pratiquaient des rituels avant de commencer les cultures» se souvient-il.

Pourtant, en 2015, suite à un mouvement de colère des riverains contre ladite mine qui était en construction, le gouvernement avait adressé une lettre officielle aux autorités locales, garantissant la sanctuarisation des lieux sacrés à l’origine du différend ainsi que la protection du village. Malheureusement, selon les riverains, ces promesses n’ont pas été tenues.

Un site touristique condamné à disparaître

Du fait de la présence d’une centaines de caïmans sacrés, M. Ouédraogo affirme que le site avait été transformé en barrage dans les années 60. Il recevait alors des visiteurs nationaux et internationaux chaque année ; c’était devenu un site touristique. 

« Les populations et les reptiles vivaient en toute symbiose. Toute personne qui s’en prend aux caïmans s’en prend à la population» explique M. Ouédraogo.

Et  M. Adama Belem, âgé de 34 ans, de soutenir  : «Quand on était enfant, nos parents nous disaient de ne pas faire de mal aux caïmans. Des étrangers venaient visiter les caïmans et prenaient des photos».

Contre toute attente, les riverains se sont retrouvés face à ce qu’ils qualifient d’horreur : «ils ont détruit la mare et l’eau s’est écoulée pendant une semaine. Des caïmans restés dans les trous ont été tués. Tout était rasé», se lamente M. Ouédraogo. Et M. Belem d’ajouter  : « Ce jour-là, mon père a coulé de chaudes larmes comme un enfant.»

Cette destruction n’a pas que des conséquences néfastes sur le patrimoine culturel, avec ses caractéristiques spirituelles ; elle était aussi une vache à lait pour les communautés locales qui profitaient des sources d’eau intarissables de la mare pour mener des activités économiques vitales.

Un secteur économique vital décapité

Les abords de la mare était un véritable oasis pour les agriculteurs et horticulteurs de la localité. De la culture maraîchère et de contre-saison y étaient pratiquées tout autour. Des exploitants d’une centaine d’hectares de terre et d’arbres ont été déguerpis pour la construction de cette mine industrielle.

M. Sékou Ouédraogo y a cédé, «malgré lui», plus 60 hectares dont toute la superficie de la mare, sur laquelle il veillait, et plusieurs autres hectares de terres cultivables .

Il ne cesse de dénoncer l’occupation de ses terres malgré le fait que lui, ses frères et sœurs aient été indemnisés en 2016 et en 2020. Cinq villages ont été touchés par ce déguerpissement : Barelgo, Kononga, Nogo, Koswendé et Wagin. 

A la fin de la saison pluvieuse qui ne dure que quelques mois, les communautés se tournaient toujours vers le barrage (mare) intarissable pour les cultures de contre saison. Actuellement, plusieurs jeunes se retrouvent désormais sans occupation à la fin de la campagne agricole d’hivernage.

mare aux caïmans sacrés Namissiguima
Un marigot construit en compensation de la mare aux caïmans sacrés

Adama Belem fait partie de ces jeunes qui dépendaient des activités de contre-saison. Il raconte : « Juste avant sa destruction, mon père avait monté un prêt de plus 600 000 F CFA pour faire le jardinage.

Et tout est parti dans l’eau (Ndlr : le père ayant été déguerpi)”. La vie est devenue très chère avec l’arrivée de la mine dans la localité».

Jusque-là, le sentiment d’hostilité, qui avait conduit à l’arrêt des activités de la société minière en 2015, demeure au sein des populations majoritairement paysannes. Ces derniers s’estiment dépossédés de leurs terrains par la société minière.

Selon M. Sékou Ouédraogo, la mine leur a imposé de payer 200 000 FCFA par hectare occupé. «Nous n’avons pas été consultés. Ça été une pure dictature de la part de la société minière et de l’Etat qui a donné l’autorisation d’exploitation» s’insurge-t-il.

S’il y eu des dédommagements pour les terres cultivables occupées par la mine, la destruction de la mare qui abritait plus de cent (100) caïmans n’a pas été dédommagé, selon Sékou Ouédraogo.

La mine de Karma, qui s’étend sur une superficie de 36,77 km2, a débuté sa production le 1er avril 2016 pour une durée de vie de 8 ans et 6 mois. En 2020, elle a produit 3,06 tonnes d’or dont la vente a rapporté 96,51 milliards FCFA. La somme de 1,516 milliard FCFA a été versée en 2020 au titre du Fonds de réhabilitation et de fermeture des mines.

mare aux caïmans sacrés Namissiguima
Une vue du site de production d’or dans la commune de Namissiguima

En 2021, la mine de Karma a livré 88 000 onces d’or avant d’être rachetée en mars 2022 par le consortium burkinabé Néré Mining.

Actuellement, ces populations riveraines mécontentes ne demandent qu’une prise en charge à la hauteur des dégâts causés par la mine.

Ils s’attendaient à voir de nombreux jeunes de la localité embauchés par la société : «J’ai 14 enfants et aucun d’eux ne travaille dans la mine», indique celui qui dit avoir cédé, malgré lui, plus de 60 hectares de terres à la mine.

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