Le premier janvier 2022, les Burkinabè ont été informés de la mort de 28 personnes à Nouna, chef-lieu de la province de la Kossi, région de la Boucle du Mouhoun. Des organisations de la société civile comme le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) et le Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP), citant des sources, pointent du doigt des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) de la ville comme étant les responsables de ce massacre.
En attendant que la lumière soit faite sur ce triste événement, Libreinfo.net a recueilli le témoignage d’une femme, témoin des évènements.
Cette rescapée raconte comment elle a assisté à la mort de son mari.
Par Adrien Djiguemdé
Douleur, amertume et questionnements sont les mots qu’il convient d’utiliser pour qualifier l’état d’âme de Binta (nom d’emprunt), que j’ai pu percevoir pendant l’entretien que j’ai eu avec cette veuve, rescapée de la récente tuerie de Nouna.
Des sanglots, des interjections (hé !, hum!…) ont ponctué son témoignage débité d’une voix pleine de tristesse.
Selon elle, les événements de ce jour fatidique ont commencé dans la matinée du vendredi 30 décembre 2022, aux environs de 8 heures le matin. Deux hommes armés de fusils, parlant français et dioula ont fait irruption dans sa maison.
« Nous nous sommes (Ndlr : sa famille composée d’elle-même, de son mari et une fillette de moins de 10 ans) réveillés le matin et nous avions pris notre petit-déjeuner. Ensuite, nous sommes sortis (Ndlr : dans la cour de la concession), puis nous nous sommes mis à causer et à parler de notre menu de midi. Nous parlions aussi d’une somme d’argent que le vieux avait et qu’on devrait aller déposer en banque. Rien ne présageait de ce qui allait nous arriver.
A un moment donné, je me suis levée pour aller aux toilettes. » raconte mon interlocutrice.
C’était donc une matinée ordinaire pour elle et sa famille qui se déroulait ce jour-là jusqu’à ce que tout bascule.
A en croire Binta, « c’est depuis les toilettes que j’ai entendu des gens frapper au portail de la cour qui était fermé à l’aide d’un simple crochet. Sans patienter, ils sont entrés dans notre concession par la petite entrée. C’est lorsque je sortais des toilettes que je les ai croisés dans la cour, hélant le « vieux » (Ndlr : son mari). J’ai couru vers eux et je leur ai demandé de ne rien lui faire car il n’avait rien fait. Ils ne m’ont même pas adressé la parole ; ils m’ont juste repoussée et je suis tombée ».
Ce dernier s’est alors levé pour se diriger vers eux. « Au vu du vieux », ils lui ont intimé l’ordre de se mettre à genoux, ce qu’il a fait.
« L’un d’entre eux lui a demandé de se relever et ils l’ont emmené dans une petite maison située dans la cour. Une fois dans la maisonnette, ils lui ont bandé les yeux et l’ont ramené dans la grande maison. J’ai tenté de m’interposer une seconde fois, mais ils m’ont de nouveau jetée au sol et ils ont emmené le vieux dans sa chambre.»
Selon notre témoin, « c’est lorsqu’ils sont ressortis avec l’homme de sa chambre que les bourreaux ont procédé à son exécution par balles en face de la concession».
« Lorsqu’ils l’ont tué, ils sont partis. Je suis donc rentrée dans la maison pour prendre un pagne afin de couvrir le corps avant d’aller chercher de l’aide. Mais à ce moment précis-là, je ne voyais personne aux alentours. J’ai donc appelé un Monsieur vivant dans la cour pour lui demander d’alerter la gendarmerie. De son vivant, mon mari était ami à un gendarme qui avait l’habitude de venir chez nous. » raconte Binta.
Après avoir alerté la gendarmerie, quelques instants après, des éléments de la gendarmerie sont arrivés et ont effectué le constat de ce qui s’était passé.
Dans les échanges Binta a affirmé que, dans son quartier, ce sont six (6) personnes, toutes d’ethnie peulh, qui avaient été tuées au cours de ces évènements.
« Ils ont fouillé la maison et emporté une somme d’argent et des documents d’identité » poursuit la dame Binta
En plus de l’assassinat du « vieux Sidibé », les visiteurs, que Binta dit n’avoir pas reconnus, sont repartis avec leur butin.
« Une fois dans la chambre du vieux, ils ont refermé la porte. Dès lors je n’ai plus rien entendu. Mais ils ont fouillé la maison. Dans les fouilles ils ont retrouvé et emporté l’argent que le vieux avait obtenu de la vente d’une de ses parcelles ; c’était environ 800 000 FCFA. En plus de cette somme, ils ont emporté son portefeuille contenant ses pièces d’identité, les pièces de sa moto et 50 000 FCFA. » a expliqué cette femme, témoin des faits.
Convaincue que notre écrit touchera les auteurs des faits, notre témoin lance : « Je les supplie, qu’ils épargnent les Peulhs qui n’ont rien fait. C’est ce que nous demandons. »
Souhaitons que l’enquête sur ce drame, annoncée par le gouvernement, aboutisse et que toute la lumière soit faite, non seulement sur la mort du mari de dame Binta mais aussi sur celle des 27 autres victimes.
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