Au Burkina Faso, les autorités ont donné un mois à la force française Sabre pour quitter le territoire. Cela n’est pas surprenant car la présence de ces soldats a fait couler beaucoup d’encre et de salive, dans le Parlement français qu’au sein de l’opinion publique au Burkina Faso. Libreinfo.net fait le rappel de l’arrivée et des actions de la force spéciale Sabre.
Par Daouda Kiekieta
La relation franco-burkinabè bat de l’aile et les forces spéciales françaises basées Kamboinsin, sortie nord de la capitale burkinabè, vivent leurs derniers jours sur le territoire.
Initialement appelé Commandement des Opérations Spéciales (COS), l’opération Sabre s’est installée au Burkina Faso en 2009 dans l’objectif premier de former l’armée nationale. En son temps, le Mali et le Niger, qui ont été contactés pour l’implantation de cette force, ont refusé.
Cependant, le chef d’état-major particulier d’alors de Nicolas Sarkozy, le général Benoît Puga, avait réussi à convaincre le Président burkinabè Blaise Compaoré pour recevoir Sabre sur son territoire. Blaise Compaoré est un camarade de promotion du général Benoît Puga.
Ce motif initial de formation a été muté pour mener des actions « beaucoup plus engagées sur tout le territoire sahélien», surtout avec l’éclatement de crise sécuritaire liée au terrorisme dans des pays du Sahel.
C’est ainsi que la plupart des chefs terroristes éliminés ces dernières années au Sahel l’ont été dans le cadre des opérations menées par cette unité forte d’environ 400 hommes.
À l’actif de Sabre, l’élimination d’Abdelmalek Droukdel, en 2020, le chef du groupe terroriste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et celle d’Abou Walid al Sahraoui, le chef du groupe État islamique au grand Sahara en 2021.
Depuis 2016, le Burkina Faso est menacé par des attaques terroristes. Dans cette lutte contre le terrorisme, les forces spéciales françaises sont régulièrement sollicitées en appui à l’armée burkinabè.
Mais depuis juillet 2022, ces soldats français n’avaient plus reçu de demande de la part des autorités.
«Sabre», une force pour protéger les autorités burkinabè?
Les soldats de l’opération Sabre sont suspectés de protéger les autorités burkinabè quand ils sont en difficultés, notamment face à des contestations populaires.
C’est le cas de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 où les forces françaises basées à Ouagadougou ont exfiltré l’ancien président Blaise Compaoré.
« Blaise Compaoré est d’abord acheminé par hélicoptère vers Fada N’Gourma, dans l’Est du Burkina Faso, qui dispose d’un aérodrome ; et dans un deuxième temps, vers Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, par avion », relatait Radio France internationale (RFI).
Lorsque des militaires avaient pris les armes pour renverser l’ancien président Roch Kaboré le 24 janvier 2022, « Sabre » se serait proposée d’exfiltrer ce dernier qui aurait refusé.
Le 1er octobre 2022, les capitaines qui ont pris le pouvoir par les armes annonçaient sur les antennes de la télévision nationale que le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba aurait trouvé refuge au camp français situé au quartier Kamboinsin, «l’état major» de la force spéciale Sabre.
Cette information a été relayée par plusieurs médias locaux et internationaux mais démentie par l’ambassade de France, quelques heures après l’annonce.
Sabre, une force spéciale «illégale» décriée en France
L’objectif de la lutte contre le terrorisme annoncé pour justifier la présence des forces spéciales françaises au Burkina Faso et dans d’autres pays saheliens ne passe pas au sein de l’opinion publique française. La question n’a jamais été débattue au Parlement français.
Pourtant, l’article 35 de la Constitution française stipule explicitement que « le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote ».
Depuis 2009, la présence de l’armée française au Burkina Faso, n’a jamais été portée au Parlement, malgré l’interpellation de certains députés.
De plus, le même article 35 stipule aussi que « lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement ».
Là encore, l’article en question a été violé. Puisque Sabre est présent depuis 2009 et un accord a même été signé en 2018 avec les autorités d’alors pour légitimer sa présence. C’est cet accord qui a été dénoncé le 18 janvier 2023 par les autorités de la Transition.
À la décharge de l’Etat français, le Premier ministre, d’alors, François Fillon a, à deux reprises, indiqué que les forces spéciales, qui interviennent en Afrique, comme les forces clandestines de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE), resteraient exclues de tout contrôle parlementaire.
Le départ demandé de l’opération Sabre du Burkina Faso par les autorités de la transition n’est donc pas une surprise ni en France ni au Burkina Faso où des manifestations n’ont eu de cesse d’exiger son retrait.
Selon plusieurs sources, c’est le pays voisin, la Côte d’Ivoire qui s’apprête à accueillir cette force française dans sa partie Nord.
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