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Sénégal : Faye-Sonko à la présidence de la république

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En football, on parlerait d’un coaching gagnant ! Ousmane Sonko vient indéniablement de donner une belle leçon de réalisme politique à Macky Sall, son meilleur ennemi sur le terrain de la succession à la présidence de la République du Sénégal. Faute de pouvoir s’asseoir lui-même dans le fauteuil suprême, c’est son poulain, Bassirou Diomaye Faye, qui rafle la mise dans les urnes et gagne, avec panache, le match pour un Pastef dissout. Finalement, Macky Sall, dont le mandat à la tête du pays prend fin le 2 avril prochain, aura donc fait… tout ça pour ça !

Par Serge Mathias Tomondji

Le Sénégal s’est donné un nouveau président de la République le 24 mars dernier dans les urnes de la démocratie. Et avant même la proclamation des résultats officiels de ce scrutin qui aura fait bouger tout le pays, chacun s’incline devant la victoire sans bavure, et dès le premier tour, de… Bassirou Diomaye Diakhar Faye, propulsé de la prison au palais de l’avenue Roume à Dakar.

Tout le monde applaudit le nouvel élu, jamais élu auparavant sur l’échiquier politique national : les autres candidats en compétition, qui n’ont finalement pas pesé grand-chose aux yeux des électeurs ; le meilleur d’entre ces prétendants au fauteuil, le poulain du camp présidentiel, Amadou Ba, élégant dans la défaite avec cette courtoisie républicaine qui fait tant de bien à la vie des institutions ; Macky Sall, président sortant — et sorti —, grand perdant de cette bataille électorale qui aura fait couler beaucoup d’entre et de salive. 

Président de la rupture

Phare de la démocratie africaine, le Sénégal, qui n’a enregistré le moindre coup d’État depuis son indépendance en 1960, vient d’élire son cinquième président de la République et de signer une troisième alternance de rang à la tête du pays.

Et quel président ! Un jeune homme qui a soufflé sa 44e bougie ce 25 mars-là même où les bulletins de vote le plébiscitent à la tête de l’État ! Un président à l’image de la jeunesse de son pays — bouillante, pétillante, virevoltante, mais désabusée — et qui promet la rupture dans la gestion des affaires publiques ! Un président de substitution qui s’est dit prêt à endosser le costume du premier magistrat de son pays pour impulser les changements réclamés par la jeunesse…

Car en effet, Bassirou Diomaye Faye n’est rien d’autre que l’alter ego parfait de… Ousmane Sonko, indécrottable opposant qui a longtemps agité les nuits du déjà ancien président Macky Sall — il quittera ses fonctions le 2 avril prochain — et qui s’est retrouvé embastillé par le système.

Sa candidature invalidée par le Conseil constitutionnel, il a donc porté son choix sur son « frère » Bassirou Diomaye Faye, lui aussi en prison, pour représenter leur parti, Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), entre-temps dissout.

C’est donc de leurs 9 mètres carrés d’isolement, d’où ils ne sont sortis qu’à dix jours du scrutin à la faveur d’une loi d’amnistie, que cette paire incroyable a conquis, dans les urnes, le droit de gouverner le « pays de la Téranga » pour les cinq années à venir.

Au-delà de l’époustouflant parcours de ces deux hommes fusionnels et en attendant de voir à quoi ressemblera leur présidence, chacun ne manque pas de louer la rigueur institutionnelle du Sénégal et de saluer la bonne tenue de « sa » démocratie, presque toujours malmenée mais étonnement résiliente.

Tempérance et appel à l’unité

On parlera encore sans doute longtemps des péripéties de cette inédite élection présidentielle sénégalaise et de la pratique démocratique au Sénégal, au moment où chacun veut voir en l’élection de Bassirou Diomaye Faye le signe d’une nouvelle orientation politique.

Chantre d’un panafricanisme de gauche, on apprend d’ailleurs de la bouche de son père que le nouveau président puise son modèle de gouvernance des exemples du Ghanéen Kwame N’Nkrumah et du Burkinabè Thomas Sankara.

On comprend donc, à travers sa première prise de parole ce 25 mars à Dakar, que le successeur de Macky Sall s’engage à « gouverner avec humilité, dans la transparence, à combattre la corruption à toutes les échelles ». Mais aussi à se consacrer pleinement à… « la refondation des institutions et au renforcement des fondements de notre vivre-ensemble » !

Au final, là où beaucoup attribuaient tous les extrémismes à Ousmane Sonko et son Pastef — et donc aussi à Bassirou Diomaye Diakhar Faye, architecte de l’ombre du projet de société de ce mouvement anti système —, le nouveau président du Sénégal semble plutôt témoigner d’une bonne dose de tempérance et d’appel à l’unité. Ainsi a-t-il lancé « un appel à nos frères et sœurs africains pour qu’ensemble nous consolidions les acquis obtenus dans le processus de construction de l’intégration de la Cedeao tout en corrigeant les faiblesses et en changeant certaines méthodes : stratégies et priorités politiques ». Avant d’indiquer qu’il mènera des « actions similaires avec la même abnégation pour l’unité et l’intégration politique et économique du continent ».

En somme, ce que propose Bassirou Diomaye Diakhar Faye, cinquième président de la République du Sénégal, élu haut la main par des hommes et femmes de toutes les générations, c’est une reprise en main, en Afrique, de notre destin commun, dans la lucidité et la responsabilité. Il faut donc espérer que le discours se traduise rapidement par des faits tangibles, et que les pays africains mesurent et démontrent leur force par leur unité.

Nouveau paradigme

Le « Africa must unite » de Kwame N’Nkrumah dans la tête et les valeurs de la révolution sankariste dans les muscles, le continent doit pouvoir explorer ses propres voies pour compter dans le concert des nations.

Il faut sans doute attendre l’investiture du nouveau président — dont l’élection vient aussi sanctionner les lourdes dérives de Macky Sall — et la composition de son équipe gouvernementale, ainsi que les premières mesures qu’il prendra pour juger de la trajectoire que compte dessiner le Sénégal d’aujourd’hui.

Là-dessus, on se perd déjà en conjectures sur le rôle que jouera Ousmane Sonko dans cet attelage pour l’émergence d’un nouveau paradigme sociopolitique, économique et institutionnel au Sénégal et sur le continent.

Mais il est évident qu’il est le grand gagnant de cette joute électorale qui vient conclure trois longues années de combat politique, face à Macky Sall qui a tout mis en œuvre pour lui barrer le chemin du palais de l’avenue Roume…

Comme quoi, les voies du destin et du cheminement politique sont souvent bien impénétrables. Macky Sall, dont le mandat à la tête du pays prend fin le 2 avril prochain, aura donc fait… tout ça pour ça !

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