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Burkina/Procès terroristes : « Ne parlez plus madame, c’est fini ! »

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K.A a été accusée de financement du terrorisme courant 2023 à travers la livraison de marchandises alimentaires, des vêtements, des chaussures, à des terroristes par l’intermédiaire de Mariam et Djénéba (noms d’emprunt) dans la région du Centre-Est. Elle a été présentée, le 2 août 2024, au pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme. Libreinfo.net vous fait le compte rendu. 

Par Nicolas Bazié

K.A est une commerçante de profession. Elle vend des chaussures et des vêtements pour enfants dans la région du Centre-Est. Elle est mère de six enfants. Elle aurait vendu et livré des marchandises à des terroristes à l’aide d’une charrette par l’intermédiaire de deux dames, Mariam et Djénéba (noms d’emprunt). C’est suite à des dénonciations concernant un ravitaillement de terroristes que cette mère de 41 ans a été interpellée pendant qu’elle était à des funérailles. 

À la barre avec sa fille au dos…

Le 2 août dernier, K.A est appelée à la barre pour répondre des faits de financement du terrorisme. Avec sa fillette au dos qui semble ne se soucier de rien, la dame plaide non coupable. 

« Mariam et Djénéba sont venues acheter des marchandises chez moi trois fois. La première fois, elles ont acheté des vêtements et des chaussures pour enfants, le tout à 50 000 francs CFA. Deux semaines après, ce sont des marchandises de 75 000 francs CFA qu’elles ont achetées. Mais, elles ne m’ont pas dit qu’elles travaillaient avec des terroristes. Je ne pouvais pas le savoir », déclare K.A qui répond aux questions des magistrats au siège tout en essayant de calmer sa fille qui ne reste pas tranquille. 

K.A dit bien connaître Mariam avec qui elle aurait grandi dans le même village. Selon elle, Mariam s’est mariée dans un autre village et elle y vend aussi des vêtements et chaussures pour enfants. 

« Elle vient chez moi avec sa camarade Djénéba pour acheter les articles et repartir vendre chez elles au village. J’ai donc compris que c’était dans ce sens qu’elles sont venues de nouveau pour acheter ces articles», explique la prévenue devant le tribunal. 

Elle poursuit en ces termes : « troisièmement quand elles sont revenues acheter les vêtements, Mariam m’a dit qu’elle veut aussi du sucre et de l’huile. Ce sont des produits alimentaires que je ne vends pas. J’ai donc parlé à mon voisin qui en vend. Elles ont remis 13 000 FCFA pour l’huile et 20 000 FCFA pour le sucre et elles sont parties faire un tour à l’intérieur du marché. C’est le boutiquier lui-même qui a pris l’argent. Lorsqu’il a enlevé l’huile et le sucre, je les ai pris et déposé juste à côté». 

Mariam et Djénéba reviennent. Mais, ces marchandises appartiendraient à un certain B.O. Ce dernier voudrait que les articles soient envoyés vers une position des Forces de défense et de sécurité où son frère devrait aller les chercher. 

« Ma sœur et moi avons pris une charrette pour convoyer les marchandises. Là où nous sommes allées les déposer, il y avait effectivement des FDS. Nous leur avons dit que nous sommes venues déposer des marchandises. Les FDS nous ont demandé si c’est pour B.O. Nous avons répondu par l’affirmative. Nous les avons donc déposées et nous nous sommes retournées. Nous avons vu Mariam et Djénéba là-bas. B.O nous a donné 40 000 FCFA pour le travail et nous avons partagé 20 000 FCFA chacune », relate la prévenue. 

Elle affirme que sa maman lui avait dit de faire attention avec l’achat du sucre et de l’huile parce qu’elle pourrait donner des marchandises à de mauvaises personnes. 

Vous avez dit que c’est un business lucratif ? C’est le juge qui rappelle cet aspect. « Non, je n’ai jamais dit cela », répond K.A. 

Quand la parole lui a été donnée, le procureur a d’abord voulu savoir pourquoi il y a une contradiction entre les déclarations faites à la police et celles faites devant le magistrat instructeur. 

« A la police, ils m’ont sommé de dire la vérité sinon ils vont me frapper ; ils m’ont mise dans une cellule où j’ai souffert avec mon enfant. Quand je parle, ils me disent que je ne dis pas la vérité. Ils m’ont fait souffrir et j’ai dû mentir. J’ai même expliqué au juge d’instruction qu’à la police, j’ai dû mentir sous l’effet de la pression et de la peur », fait savoir K.A qui, visiblement, se rappelle de ce qui s’est passé comme si c’était hier. 

Les réquisitions…..

Lorsqu’il s’est levé pour faire ses réquisitions, le procureur a fait observer qu’il ne peut pas considérer la déclaration supposée fausse faite à la police comme telle parce que la prévenue a donné, d’après lui, beaucoup de détails notamment sur le mode opératoire de Mariam et de Djénéba. Selon le parquet, K.A aurait même affirmé que c’est son frère qui l’a dénoncé. 

« Le parquet est fondé à dire que l’infraction reprochée à K.A mérite amplement d’être caractérisée», estime le procureur qui fait remarquer qu’en ce qui concerne l’élément moral, « K.A savait très bien que la zone était infestée par les groupes armés terroristes, elle savait ce qu’elle faisait ». 

Le procureur a demandé aud magistrats au siège de maintenir la prévenue dans les liens de la prévention. Il a requis à son encontre la peine de 10 ans de prison dont 5 ans fermes et une amende de 10 millions de francs CFA dont 2 millions fermes. 

La plaidoirie de l’avocat…

Dans sa plaidoirie, l’avocat de K.A avoue qu’il est « un peu perdu sur les dispositions sur lesquelles le parquet s’est basé pour requérir».

« Il est reproché à ma cliente d’avoir livré des marchandises à des terroristes. Nous pouvons retenir trois actes : le premier c’est d’avoir convoyé les marchandises de B.O, le second d’avoir vendu des effets à Mariam et à Djénéba, le troisième d’avoir acheté et remis de l’huile et du sucre à ces dernières», démontre le conseil de K.A.

Dans le cas d’espèce, l’avocat soutient que si financement de terrorisme il y a, il faudra arriver à établir de façon matérielle que B.O est un terroriste ; que Mariam et Djénéba sont des terroristes. 

« Nous sommes en matière pénale et il faut montrer les preuves», indique l’avocat qui trouve qu’on ne peut pas se fonder sur des approximations ou des déductions. 

« Dans ce dossier, on veut nous faire croire que celui qui vend des marchandises avec des gens qui sont dans une zone non déguerpie est automatiquement terroriste. On ne nous montre pas clairement que ma cliente est terroriste », poursuit-il. 

Pour lui, il y a un doute dans le dossier. Or, en droit, le doute profite à l’accusé. C’est pourquoi il plaide pour que K.A soit relaxée pour infraction non constituée. « Au pire des cas, je plaide pour sa relaxe au bénéfice du doute», dit l’avocat. 

Le jugement…

C’est en pleurs que K.A a prononcé ses derniers mots : « Je demande pardon, j’ai des orphelins, leur père est décédé ; je ne vais plus recommencer». 

Des pleurs qui semblent n’avoir pas produit un effet parce que dans la décision du tribunal, K.A a été reconnue coupable des faits à elle reproché.

En répression, elle a été condamnée à une peine d’emprisonnement de 5 ans dont 3 ans fermes et à une amende de 10 millions de francs CFA, assorti de sursis. 

K.A se met de nouveau à pleurer dans la salle d’audience en demandant pardon. « Ne parlez plus madame, c’est fini ! », déclare l’interprète. 

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