Au moment où s’est ouverte, le 25 novembre 2024 à Kampala, en Ouganda, la Semaine de l’industrialisation de l’Afrique, il est important de mesurer le chemin parcouru pour établir des projections porteuses de développement. Mais le discours doit laisser effectivement la place à des actions concrètes afin que s’accomplissent les promesses d’un meilleur devenir collectif.
L’un des défis que doit relever l’Afrique pour son développement effectif est celui de son industrialisation. Maintes fois proclamée, la matérialisation de cette volonté reste toutefois assez timide, alors que le continent dispose d’un énorme potentiel économique qui attire les investisseurs.
Pourtant, tous les discours, rapports et études s’attachent à affirmer que l’industrialisation constitue un moteur de développement pour l’Afrique.
Le plan d’action de l’Union africaine pour le développement industriel accéléré de l’Afrique et la troisième décennie du développement industriel pour l’Afrique (2016-2025) soulignent ainsi clairement l’importance de ce secteur.
Du reste, « l’Agenda 2063, cadre stratégique de l’Union africaine pour la transformation socioéconomique, préconise le développement des chaînes de valeur régionales et de produits de base pour appuyer la mise en œuvre de politiques industrielles à tous les niveaux ».
On comprend donc qu’à l’appui de la Journée de l’industrialisation africaine, commémorée, à partir de 1989, le 20 novembre de chaque année, les réflexions, stratégies et initiatives se développent désormais pendant une semaine, depuis 2018, autour de cette question.
La capitale de l’Ouganda, Kampala, abrite ainsi, toute cette semaine, la septième édition de la Semaine de l’industrialisation de l’Afrique.
Renforcer le plaidoyer politique
Et cette fois-ci, les échanges se mènent, du 25 au 29 novembre 2024, autour de la problématique de l’Intelligence artificielle (IA) et de l’industrialisation verte.
Comment alors… « tirer parti de l’intelligence artificielle et de l’industrialisation verte pour accélérer la transformation structurelle de l’Afrique» ? Cette interrogation qui peut sembler futuriste vise, indique-t-on, à « renforcer le plaidoyer politique, à exploiter le pouvoir de l’IA pour relancer les secteurs industriels africains, à améliorer l’efficacité, à stimuler la productivité et à favoriser l’innovation dans le programme d’industrialisation de l’Afrique».
Un programme et une perspective des plus alléchantes si ce n’est que les sommets, conférences, journées et semaines n’ont souvent pas su, jusque-là, sublimer les intentions par des actions concrètes qui produisent un réel changement.
La question de l’industrialisation de l’Afrique n’est en effet pas nouvelle et de nombreuses voix ont porté le plaidoyer pour sa prise en compte efficace et efficiente. « Nous devons adopter une approche stratégique et pragmatique face à l’industrialisation », avait ainsi déjà conseillé, en octobre 2013, Patrick Osakwe, alors chef de la section Afrique de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced).
Onze après, l’Afrique semble toujours à la quête de cette… « approche stratégique et pragmatique ».
En effet, le défi de la transformation de l’Afrique par l’industrialisation et les échanges commerciaux, posé en 2013 par la huitième Conférence économique africaine (CEA) tenue à Johannesburg, en Afrique du Sud, reste entier ! La troisième édition du Rebranding Africa Forum, tenue en octobre 2016 à Bruxelles, s’est même fait le porte-flambeau et le porte-voix de la promotion de cet important levier du développement du continent. Mais où en est-on aujourd’hui ?
Où est le chemin ?
Il est plus qu’urgent de donner du sens aux discours et d’élaborer des politiques hardies qui produisent les résultats escomptés.
Il n’y a pas jusqu’à l’institution onusienne qui ne soit pénétrée de cette implacable réalité : « L’industrie crée des emplois, accroît les revenus, augmente la valeur des produits agricoles, favorise le progrès technologique, ouvre des perspectives économiques aux femmes et produit des recettes qui permettent aux gouvernements de réduire et d’éliminer la pauvreté. »
D’ailleurs, le Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté le 25 septembre 2015 par les États membres de l’Organisation des Nations unies, intègre cet impératif.
Il s’agit d’un cadre d’action international qui s’articule autour d’un ensemble ambitieux de 17 Objectifs de développement durable (ODD), 169 cibles et plus de 230 indicateurs.
L’Objectif 9 de ce vaste programme — « Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation » — est assez suggestif en la matière.
Il n’y a pas à dire, « une industrialisation inclusive et durable contribuerait pour beaucoup à aider l’Afrique à surmonter ses graves problèmes de développement ».
Mais comment fait-on pour y arriver au moment même où le continent doit aussi faire face à des défis aussi sérieux que ceux de la sécurité, du terrorisme et des déplacements massifs de population ? Comment sortir de l’impasse alors que la faim, la maladie et l’éducation restent des préoccupations majeures sur le continent ?
Il y a certes encore loin de la coupe aux lèvres, mais les petits pas d’aujourd’hui peuvent contribuer à briser le cercle vicieux qui fait que le bien-être des populations africaines dépend aussi de l’industrialisation et donc, que le continent en a besoin pour mettre en valeur son potentiel agricole, économique et stratégique.
De ce point de vue, relever le défi de l’industrialisation du continent n’est pas antinomique avec ses problèmes actuels. Tout devrait donc se construire et se reconstruire de concert dans le laboratoire des idées et sur le terrain de la mise en œuvre stratégique…
Travailler les prérequis !
Pourrions-nous alors reprendre à notre compte la belle exhortation de l’ancien Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, qui a affirmé en 2015 que « l’Afrique doit investir dans la formation et l’éducation des femmes et des jeunes pour s’industrialiser, développer son secteur privé et parvenir au développement durable » ?
La Semaine de l’industrialisation de l’Afrique qui se tient cette semaine à Kampala n’aura que plus de sens si elle contribue à tracer davantage les sentiers déjà identifiés afin de s’inscrire dans une voie d’espérance pour le continent.
Pas de discours, pas de promesses inutiles et jamais tenues alors que la question énergétique, paramètre essentiel du défi industriel, reste insoluble depuis des décennies.
« Il me semble que les prérequis de cette industrialisation sont là. Le contexte est favorable, notamment parce que l’urbanisation croissante, qui permet une rationalisation des facteurs de production, et les dynamiques démographiques, qui permettent une main-d’œuvre abondante, sont alignées. Mais ce n’est pas tout. Je crois aussi que, malgré les nombreux obstacles qu’il nous reste à franchir, les trois prérequis indispensables sont en train de se mettre en place. Je veux parler des infrastructures, des marchés communs et de la formation », a notamment indiqué, en mars 2016, le Nigérien Ibrahim Mayaki, alors secrétaire exécutif du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad).
Alors, que faisons-nous de nos prérequis et pourquoi ne travaillons-nous pas à les transformer en acquis ?