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Entretien : l’Association des femmes divorcées est en quête de financement pour ses activités

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L’Association des femmes divorcées et des femmes et des enfants en difficultés (AFEDI), est l’une de ces associations qui œuvre dans la sensibilisation contre les violences faites aux femmes. Créée en 2007, l’AFEDI a été décorée à deux reprises, d’abord par le ministère chargé de la Promotion de la femme et ensuite par le ministère chargé des Droits humains. L’association bat aujourd’hui de l’aile et a besoin d’aide pour continuer ses activités en guise de réduire le taux de divorces toujours croissant au Burkina Faso. Mme Suzanne Ilboudo explique à Libreinfo.net, les difficultés que connaît son association.

Propos recueillir par Joël Thiombiano

Libreinfo.net : Qu’est ce qui a motivé la création de cette association ?

Suzanne Ilboudo : Ce qui a motivé la création de cette association, c’est la marginalisation des femmes divorcées. Parce que moi-même, je suis une femme divorcée. Et en son temps, la marginalisation était rude.

Ça fait que j’ai approché mes sœurs qui étaient dans la même situation que moi et nous avons trouvé des points communs dans nos situations. Nous savions qu’il y avait la marginalisation parce qu’une femme qui divorçait était marginalisée dans la société que ce soit en famille, au travail, etc.

Libreinfo.net : Comment s’effectue l’intégration de ces personnes dans l’association ?

Suzanne Ilboudo : Avant, pour intégrer l’association, l’adhérent avait l’obligation d’acheter une petite carte de la structure d’un montant de 500 F. CFA comme permis d’entrée. Également, par mois, elle versait 250 F. CFA. Maintenant que nous n’avons plus de financement, chacun « se cherche ».

Néanmoins, nous continuons les activités d’alphabétisation malgré le manque de financement du Fonds national d’alphabétisation et de l’éducation non formelle.

Actuellement, chaque femme se débrouille ; mais c’est lorsqu’on a des financements qu’on sent qu’on a des membres. Lorsqu’il n’y en a pas, c’est compliqué.

Libreinfo.net : Qui sont ceux qui viennent dans cette association ?

Suzanne Ilboudo: L’association est constituée de femmes divorcées, de femmes célibataires et même des femmes au foyer qui veulent lutter contre les violences faites aux femmes. Généralement, quand ces femmes viennent, la plupart du temps, ce sont des gens démunis, qui ont des problèmes psychologiques.

Libreinfo.net : Dans quels domaines l’association intervient-elle ?
Suzanne Ilboudo : Nous intervenons dans 4 domaines, dans les droits humains, puisque nous traitons des causes juridiques ; dans le domaine de la santé VIH/SIDA ; de l’alphabétisation et des activités génératrices de revenus. Notre domaine principal d’intervention, ce sont les droits humains.

Libreinfo.net : Comment cela se matérialise-t-il sur le terrain ?

Suzanne Ilboudo : Nous faisons de notre mieux. Nous guidons les personnes qui ont besoin d’une orientation. Parce qu’il y a des femmes qui ne savent pas que lorsqu’elles ont des difficultés, elles peuvent aller vers les services de l’action sociale ou de la justice.

Nous ne faisons pas la promotion du divorce mais, vous voyez ce qui se passe sur le terrain…Nous aidons et nous travaillons à réduire le taux de divorce. En sensibilisant les gens par des actions fortes, nous pourrions arriver à réduire le taux de divorce.

Pour nous, le mariage est sacré. Si nous faisons des enfants dans le mariage pour après divorcer et les enfants deviennent des laissés-pour-compte, c’est quelle société voulons-nous ? Le divorce pour nous se fait uniquement lorsque la vie d’un des conjoints est en danger.

Nous disons aux femmes de toujours se défendre, de travailler pour être autonomes financièrement.

Ainsi, même si le mariage échoue, elles ne vont pas souffrir et elles pourront prendre soin de leurs enfants. Parce qu’il y a, parfois, des femmes qui se lancent dans la prostitution pour pouvoir s’en sortir.

Nous leur demandons de trouver une activité car se baser sur un homme pour vivre, c’est la catastrophe.

Libreinfo.net : Ces dernières années, on assiste à une croissance du nombre de divorces. Qu’est ce qui peut bien expliquer cela ?

Suzanne Ilboudo : Les raisons sont nombreuses. Les gens ne prennent pas le temps de bien se connaître avant de se marier.

De plus, les gens ne se tolèrent plus. Avec l’ouverture d’esprit, les conjoints n’acceptent plus de se faire violenter à tout bout de champ ; parce que le mariage est sacré et il faut le respect mutuel.

Car, quand il y a le respect, vous arrivez à tout réaliser ensemble et à avoir confiance l’un en l’autre. Le manque de confiance entraîne des jeux de cache-cache.

Il y a aussi l’infidélité. L’infidélité est criarde. Nous avons l’impression que c’est un phénomène qui est à la mode au niveau des hommes et chez les femmes. Moi, souvent, quand j’apprends que des femmes sont infidèles comme les hommes, ça me fait un peu mal.

Sur le plan culturel, nous ne pouvons pas être comme les Européennes qui veulent faire comme les hommes. Par exemple, c’est la mère qui s’occupe de l’éducation des enfants car elle est plus proche d’eux.

Imaginez si cette femme ne sait pas se respecter et se livre à l’infidélité, quel conseil peut-elle donner à ses filles ? Quand ses filles grandiront et feront pareil que leurs mères celles-ci n’y pourront rien.

Chez les garçons, il y a moins de conséquences parce que lorsqu’une fille tombe enceinte on peut la bannir, mais on n’a jamais vu une famille bannir un garçon parce qu’il a engrossé une fille.

Du coté pécuniaire, généralement, la femme voit que l’homme change de fille parce qu’il considère que celle-ci n’est plus de sa gamme et ça crée des divorces.

Mais s’il y a de la tolérance on peut se parler, s’accepter et puis avancer. Nous ne pouvons pas accuser les femmes ou les hommes. Chacun a sa part de responsabilités. Tout le monde est coupable.

Généralement, ce qui détruit les foyers, ce sont les violences. Elles ne sont pas seulement physiques, il y a également les violences morales et les violences psychologiques.

J’ai eu des cas de femmes qui sont venues à l’association et malheureusement je n’ai pas eu de retour par manque de moyens pour assurer le suivi.

Par exemple, nous avons reçu une dame qui est venue une nuit et nous avons échangé. Elle a dit cette nuit-là : « Madame, la nuit, si je suis sur le lit je ne veux même pas que le gars s’approche de moi ; Je ne veux même pas le sentir. »

Donc, il y a souvent une certaine haine qui naît et si on n’y prend pas garde, ça peut conduire à des crimes et autres.

Libreinfo.net : Depuis la création de l’association quel est le bilan que vous pouvez présenter ?

Suzanne Ilboudo : Avec les émissions que nous avons réalisées et les causeries, nous avons quand même pu sensibiliser et nous avons pu constater un changement de comportement.

Je sais qu’au moment où nous avons réalisé la première émission télévisée avec Mme Benjamine Douamba, c’était au temps de Mme Fatou Diendéré.

Elle m’avait dit qu’elle avait suivi notre émission depuis les Champs Élysées, à Paris, en France. À l’époque, j’ai reçu de nombreux coups de fil d’encouragement et de félicitations.

Après j’ai eu beaucoup de témoignages d’amélioration dans de nombreux couples. Et depuis que nous avons créé notre association, il y a eu d’autres personnes qui ont fait comme nous et qui ont débattu surtout dans la région de l’Ouest.

En tout cas c’est parce que nous n’avons pas eu de moyens pour mesurer si non nous constatons un changement de comportement.

C’est à partir de nos émissions, que certaines femmes ont accepté d’afficher leur nom de jeune fille. (…) Nous avons eu en tout cas une satisfaction morale.

Nous avons fait de notre mieux même si nous n’avons pas eu des millions pour travailler sur les droits humains. (…) L’essentiel est que nous avons pu changer les comportements.

Grâce à nos actions, des femmes ont pu repartir chez leur mari. Quand vous venez ici, ce n’est pas forcément parce que vous avez divorcé.

Il y a des gens aussi ou ça n’allait pas et avec les appuis conseils, ils ont retrouvé leur foyer. Nous avons de très bonnes idées pour faire marcher les choses mais lorsque vous n’avez pas de financement c’est difficile.

Libreinfo.net : Qu’est-ce qui arrive quand une femme vient à vos coté avec son enfant ?

Suzanne Ilboudo : C’est en fonction de ce que nous gagnons, que nous pouvons aider. Nous n’avons plus eu de financement mais, dans le temps, nous avons eu à donner des vêtements, des layettes, des crédits, des vivres, des endroits à loger et d’autres appuis.

Mais avec l’insécurité, tout s’est arrêté. Tout ce que nous avions à portée de main nous les appuyions. Présentement, nous n’avons plus rien.

Si un individu en détresse vient vers nous, c’est de ma propre poche que je puise pour l’aider. Cette année nous n’avons pas reçu d’aide.

Si non nous recevons toujours des personnes de temps en temps malgré le ralentissement des activités.

Libreinfo.net : Qu’est ce qui constituent les difficultés de l’association ?

Suzanne Ilboudo: Pour la prise en charge psycho sociale, nous faisions appel à des psychologues et d’autres, qui commençaient par le bénévolat, mais par la suite s’en allaient par manque d’accompagnement.

Depuis le départ de l’ex président Blaise Compaoré, nous n’arrivons plus à avoir des financements pour nos autres activités.

Nous faisons ce que nous pouvons seulement. Pour les questions de droits humains, nous recevons des appels d’institutions pour des formations mais nous n’arrivons pas à avoir de financement.

Même dans le domaine de l’alphabétisation, cette année nous n’avons pas été financés. J’ai dit aux animateurs de continuer d’aider les apprenants puisqu’à travers l’enseignement, il y a des thèmes des droits humains, des activités génératrices de revenus.

Normalement, nous devrions commencer en janvier. J’ai demandé aux enseignants et formateurs qui nous appuient d’habitude pour qu’ils accompagnent mais c’est resté sans suite. D’autres par contre ont commencé. C’est difficile quand il n’y a pas d’argent et que c’est moi qui supporte les charges.

Libreinfo.net : Quelles sont les projets à venir de l’association ?

Suzanne Ilboudo : Si nous gagnons des financements, nous allons réveiller de vieux projets. Je crois que je n’ai pas pu réaliser mon rêve.

Mon rêve n’a pas été réalisé. Si nous arrivions à accompagner les jeunes et que nous faisions le suivi, cela changerait les comportements. Les jeunes n’allaient pas se marier juste pour la forme puis divorcer 2 ou 3 ans après.

Lire aussi: Burkina Faso: l’Association des femmes albinos collecte du sang pour le Centre national de transfusion sanguine (CNTS)

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