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Barsalogho : «Tout ce que nous désirons, c’est de pouvoir répartir dans nos villages pour cultiver nos champs» (déplacé)

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La région du centre-nord du Burkina Faso vit dans l’amertume et le désarroi depuis janvier 2019. Après le drame de Yirgou qui a occasionné plusieurs dizaines de morts et des milliers de déplacés internes, beaucoup s’étaient bercés d’illusions à croire que la hâche de guerre était enterrée à jamais et que, les protagonistes du conflit communautaire Yirgou Mossé et Yirgou fulbé allaient finir par fumer le calumet de la paix tôt ou tard. Pardieu! Sur le terrain, on constate des regains de tensions et des velléités de vengeances, en témoignent la croisade meurtrière engagée par des groupes armés que certains déplacés de la localité n’hésitent pas à identifier comme des justiciers solitaires aux desseins inavouables. Dans cette commune de Barsalogho, département relevant de la province du Sanematenga, on constate chaque jour et ce, depuis le mois de juin, des déplacements massifs des populations de plusieurs villages de la localité. En pleine campagne agricole, des milliers d’agriculteurs sont obligés d’abandonner leurs champs pour fuir un holocauste de grande envergure dont les morts se comptent par centaines depuis début janvier 2019. Au Burkina, l’agriculture est la principale activité de la population rurale. Cette activité emploie plus de 80% de la population active selon les estimations des structures habilités du pays telles que l’institut national de la statistique et de la démographie (INSD) et le ministère de l’agriculture et des aménagements hydro-agricoles (MAAH). La région est une grande productrice de céréales comme le mil, le sorgho, le niébé,… les agriculteurs de la régions contribuent fortement à accroître la production nationale en terme de céréales. Ce qui implique que le déplacement des populations de cette zone aura une incidence et une grave répercussion sur la production nationale au cours de cette saison agricole.

Barsalogho 12 juillet 2019, il est 7h à la gare située entre l’hôtel de ville et le district sanitaire, aux abords de la route qui mène vers Foubé par le nord et Ouagadougou par le sud. Des centaines de personnes qui se déplacent pour des raisons d’insécurité due aux récentes attaques qui ont touchées la zone embarquent dans un camion.

La plupart de ces gens vont vers une destination jusque-là inconnue où les y attendent un avenir sur lequel ils n’en savent pas plus.« je vais aller à Kaya et de là-bas, je vais voir à tête reposée ce que je vais faire» explique Ali Bamogo , un ressortissant du village de Bangmiougou qui se réjouit déjà à l’idée de quitter la commune de Barsalogho où règne terreur et souvenir amère.

Les routes sont bondées, des femmes emportent sur leurs têtes des nattes, des plats, des spatules, des marmites, des vêtements, parfois elles portent un bébé au dos et tiennent par la main un autre qui tente de marcher avec d’énormes difficultés car, pris de fatigue et d’incompréhensions.

Les hommes sont parfois devant avec toutes leurs familles qui les suivent en file indienne tenant comme ils peuvent, le peu de choses qu’ils ont pu emporter de leurs villages lors de leur fuite.

Des fois,l’on les voit qui tiennent en laisse une chèvre ou un mouton et se rendent à la gare ou au marché. Pendant que d’autres quittent la ville chargés à bloc dans des camions, d’autres font leurs entrés.

Barsalogho est une ville sous le choc!

Nous avons échangé avec des gens de cette petite bourgade (qui fut autrefois un îlot de paix et de stabilité), pour saisir au mieux les mobiles qui sous-tendent cet effrois et cette pusillanimité qui se dessine sur leurs visages et qui se ressent dans chaque parole qui sort de leurs bouches.

Beaucoup d’entre eux pensent que les tensions sociales occasionnées par le drame de Yirgou ne semblent pas être éteintes pour autant. Dans une interview accordée à www.libreinfo.net dans le mois de juillet à Barsalogho, le bourgmestre de cette localité Abdoulaye Pafadnam a évoqué la question avec une étincelle d’amertume, la gorge nouée et les yeux pleins de tristesse.

Tous les villages relevant de la commune de Barsalogho situés dans l’extrême nord du territoire entre les villages de Bangmiougou et de Kassaye se sont déplacés.
De même, des populations des régions du Sahel et du Nord se sont également déplacés. A ce jours, il n’est pas connu avec certitude le nombre exact des déplacés internes au Burkina Faso. Certaines sources parlent de cent mille et d’autres evoquent plus de deux-cent mille.
Ce que l’on sait par contre, c’est que ces populations qui se déplacent sont pour la majorité des agriculteurs. La production agricole local est considérée comme le principal levier de développement des zones rurales au Burkina Faso.

Une saison agricole incertaine pour les déplacés?

Selon les chiffres donnés par le ministère de l’agriculture et des aménagements hydro-agricoles (MAAH), l’agriculture contribue pour 40% au PIB national et emploie 80% de la population active. 90% des ménages dans les zones rurales ont l’agriculture pour principale activité de subsistance.
Au regard de ces données, il est évident que le déplacement des populations aura une grave incidence sur la campagne agricole 2019-2020.
La production nationale en terme de céréales en ce qui concerne l’année 2018 a été estimée à plus de cinq millions de tonnes selon le (MAAH).
Même si la part contributive de la région du centre-nord par rapport à ce taux de production n’est pas connue, il faut cependant noter que c’est une zone de production stable qui ne présente aucune déficience alimentaire selon un rapport du (MAAH) exposé au cours d’une conférence de presse du dit ministère le 28 décembre 2018.
Cette région qui ne présentait pas de nécessité alimentaire risque fort bien de perdre ce statut si toutefois ces milliers d’agriculteurs n’arrivent pas à produire au cours de cette saison agricole. « Nous avons déjà semé, mais nous n’avons pas encore cultivé, puisqu’il fallait fuir pour ne pas se faire tuer » explique un déplacé responsable d’un des camps de la ville.

La période d’hivernage vient à peine de commencer, les terrains de Barsalogho sont sablonneux, donc riches et propices à la production de certaines céréales comme le niébé, le sorgho, le mil,… Le niébé par exemple est une céréale de forte consommation au Burkina Faso.

Une grande partie de la production nationale du Niébé vient de cette région du centre-nord.
Elle est la deuxième région productrice de cette céréale avec 70 535 tonnes produit au cours de la saison agricole 2008-2009 derrière la region du Nord qui à produit 70 939 tonnes au cours de la même saison, selon les chiffres de l’Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD).

Plusieurs milliers de producteurs de cette céréale se sont déplacés, abandonnant leurs bétails et leurs champs. De même, dans cette région du Nord, des déplacements des populations touchées par l’insécurité sont enregistrés. Ce qui menace également la production céréalière de la zone.

Pour le maire de Barsalogho, si ces populations ne produisent pas cette année, il serait impossible d’évaluer les pertes économiques et la nécessité alimentaire que cela occasionnera.

« Cette zone en termes de céréales et de bétail, c’est le grenier de toute la région. Le niébé est produit en quantité dans les zones de Barsalogho, Dablo, Pensa et autres. Imaginons un seul instant que cette population ne produise pas au cours de cette saison agricole ?» s’interroge Abdoulaye Pafadnam.

« Les populations dans leurs fuites ont pris le strict minimum. Leurs bétails et vivres sont restés derrière eux. Pour le moment, c’est la survie qui l’emporte » a-t-il regretté.

Une survie à plusieurs variables inconnues.

«Quand vous serez de retour à Ouagadougou, dites au président Roch (chef de l’État du Burkina Faso ndlr…) de ne pas nous laisser dans cette situation. Implorez sa clémence pour nous jeune homme» plaide une déplacée les yeux pleins de larmes, la gorge nouée, elle, visiblement frappée par la confusion et l’incertitude. Sacristie! Celle-ci a confiée avoir perdue son époux dans l’attaque de Sago.

Dans les camps de déplacés de Barsalogho, les difficultés sont énormes. Les populations n’ont pas d’abris, certains dorment à l’aire libre, et quand il pleut, tout le monde se retrouvent amonceler dans les salles de classes comme des sardines dans une boîte de conserve en attendant que la rentrée scolaire prévue en octobre ne les rend définitivement des Sans Domicile Fixe (SDF). Mais y aura-t-il rentrée scolaire au regard de cette insécurité que vie la zone? Rien n’est pour le moins du monde sûr.

Les soins de santé sont inaccessibles pour la plupart à cause des problèmes économiques. Aussi, le personnel soignant n’est pas en nombre suffisant pour s’occuper de ce beau monde.

Le côté alimentaire est l’un des plus catastrophiques. Ces déplacés sont à court de vivres. Ils disent en avoir fait la demande à l’action sociale mais, celle-ci n’a pas encore réagi.
La sécurité quand à elle, n’existe qu’en apparence. Une équipe des FDS composée d’environ une dizaine d’hommes et dont les failles du dispositif sécuritaire sautent à l’œil sont chargés de la protection de ce beau monde dispersé un peu partout à l’intérieur de la ville dans les écoles et les zones non lotis pour ceux qui ont pu bénéficier d’une tente avec les ONG humanitaires.
Par contre, beaucoup de ces déplacés ne sont pas des nécessiteux, c’est juste qu’ils ont fui sans pouvoir emporter leurs biens. Certains ont laissé derrière eux, des dizaines de bœufs, de moutons, de chèvres… Beaucoup ont laissé leurs greniers bourrés de vivres.
«si les militaires pouvaient nous accompagner pour qu’on prenne nos biens, on pourra nous même subvenir à nos besoins sans embarrasser qui que ce soit» regrette un jeune, la vingtaine. Celui-ci nous confie qu’il s’est marié il y’a à peine deux semaines et ne voulais que d’une vie tranquille avec sa bien aimée.

«Tout ce que nous désirons, c’est de pouvoir répartir chez nous pour y cultiver. Nous venons du village de Bafina. Là-bas, nous cultivons du Niébé, du Mil, du Sorgh etc.Nous étions en train de semer quand les tueries ont commencé. Nous avons tout laissé là-bas. Aujourd’hui, notre voeu, c’est de pouvoir y retourner le plutôt possible pour nous occuper de nos champs avant que les herbes ne detruisent le mil et le niébé» explique Bamogo Salif un déplacé.

Un problème négligé ?

Il est à noter que jusqu’à ce jour, des dispositions n’ont pas été prises pour que ces populations puissent regagner leurs villages en vue de rattraper la saison d’hivernage. Déjà que beaucoup ont sémé, les champs n’attendent plus que le retour des producteurs.

On déplore également que jusqu’à ce jour, aucune étude n’ait été commanditée sur le terrain pour évaluer l’incidence que cette situation aura sur la production céréalière nationale au cours de cette année. Déjà que la nécessité alimentaire s’installe dans les différents camps, la situation pourrait se compliquer si toutefois elle n’est pas prise au sérieux. Cela d’autant plus qu’aucune autorité ne s’est rendue dans la localité pour constater de visu l’ampleur de la situation.
Cependant, il est important que les structures competentes puissent étudier ce problème en vue de réfléchir sur le développement et l’accroissement la capacité de résilience des populations les plus touchées et de tout le pays en général face à cette situation jamais observée sur le territoire burkinabè.

Nourdine Conseibo de retour de Barsalgho.

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