Il ne manque normalement plus que la Namibie, le Ghana et la Guinée-Bissau pour que l’Afrique boucle son cycle électoral de 19 rendez-vous inscrits à l’agenda de cette année 2024 ! À part le Burkina, la Guinée et le Mali, finalement non-partants en raison des transitions en cours, ainsi que le Soudan du Sud où l’élection a été reportée, tous les autres scrutins se sont déroulés avec des fortunes et infortunes diverses…
C’est journée d’élection présidentielle ce 13 novembre au Somaliland, une République autoproclamée en quête de reconnaissance internationale ! Les urnes devront ainsi départager le chef de l’État sortant, Muse Bihi, le président de Waddani, le principal parti d’opposition, Abdirahman Mohamed Abdullahi dit « Irro », et le leader du Parti de la justice sociale (Ucid), Faysal Ali Warabe.
Plus d’un million d’électeurs (1,22 million) prennent part à ce scrutin avec la volonté de donner une belle image démocratique de ce pays qui a fait sécession de la Somalie depuis 1991. « Nous devons montrer au monde la coexistence pacifique au Somaliland. Nous devons montrer que la manière dont nous votons est un processus démocratique. Nous devons montrer au monde que le Somaliland peut être reconnu en toute sécurité », explique Hamza Moussa Ali, un travailleur humanitaire de 32 ans qui considère ce 13 novembre comme un « jour très important ».
Un imposant agenda électoral
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Afrique exécute, avec des ombres ici et des lumières là, son imposant agenda électoral de cette année. Et à moins de 50 jours de son terme, les populations se sont exprimés dans la grande majorité, voire dans la quasi-totalité des dix-neuf rendez-vous programmés pour 2024. Les Comores ont ainsi donné le ton le 14 janvier, suivi du Sénégal le 24 mars (en léger décalage), du Tchad le 6 mai, de l’Afrique du Sud le 29 mai, de la Mauritanie le 29 juin, du Rwanda le 15 juillet, de l’Algérie le 7 septembre et de la Tunisie le 6 octobre…
Si dans la plupart des cas, les chefs d’État en poste ont été reconduits dans leurs fauteuils, on note cependant déjà, et en attendant les rendez-vous prochains de la Namibie (27 novembre), du Ghana (7 décembre) et de la Guinée-Bissau (en décembre), quelques alternances au sommet des États.
Ainsi, après le Libéria l’année dernière, le Sénégal a signé, le premier cette année, la volonté exprimée dans les urnes d’une nouvelle alternative pour le pays. On attend d’ailleurs les résultats des élections législatives du 17 novembre prochain dans ce pays pour juger de l’impact du désir de changement et de rupture proclamé le 24 mars dernier à travers l’élection du duo Ousmane Sonko-Bassirou Diomaye Faye.
La belle Afrique de l’alternance !
Cette alternance politique au Sénégal vient de se renforcer sur le continent avec les exemples du Botswana et de l’Ile Maurice, deux pays dans lesquels les présidents en place ont perdu les élections, l’ont sagement reconnu et cédé, avec un fair-play remarquable, la place à leurs successeurs.
L’élection générale du 30 octobre dernier au Botswana restera dans les annales de l’histoire africaine comme une douce révolution dans ce pays plutôt tranquille mais dominé depuis son indépendance, en 1966, par le Botswana Democratic Party (BDP). C’est donc la première fois que ce parti perd le pouvoir, après 58 ans de règne ! « Nous sommes tout à fait heureux de nous retirer pour devenir une opposition loyale qui demande des comptes au gouvernement », s’est d’ailleurs réjoui le président sortant, Mokgweetsi Masisi, on ne peut plus élégant dans la défaite.
Un président parti sans histoire après des résultats nullement contestés, qui a appelé son adversaire pour le féliciter, avant même la proclamation officielle de la Commission électorale. Et un nouveau président élu, Duma Boko, leader du Umbrella for Democratic Change (UDC, Opposition), qui a prêté serment avec beaucoup de modestie. « C’est avec beaucoup d’humilité que je leur promets [aux électeurs botswanais qui ont fait le choix de l’alternance] de faire de mon mieux », a-t-il sobrement réagi.
Suite au Botswana, l’Île Maurice a également choisi, le 10 novembre dernier, le chef de l’opposition, Navin Ramgoolam, pour diriger le pays « après la victoire éclatante de sa coalition aux élections législatives ». Il a d’ailleurs déjà été désigné, ce 12 novembre, Premier ministre de cet archipel de l’Océan Indien. Navin Ramgoolam, 77 ans, remplace ainsi Pravind Kumar Jugnauth, 62 ans, qui « occupait cette fonction depuis 2017, après avoir succédé à son père ».
On en attendait pas moins de l’Île Maurice, un modèle de stabilité et de prospérité sur le continent africain, même si la dernière campagne électorale a « mis en lumière des inquiétudes économiques et démocratiques, sur fond de scandales d’écoutes qui ont entaché la campagne du parti au pouvoir ». C’est donc, ainsi que l’a noté le tout nouveau Premier ministre, « une nouvelle Maurice (qui) se réveille » !
Déplorable spectacle postélectoral
Lumières d’alternances pacifiques et assumées au Botswana et à Maurice, mais pesantes ombres démocratiques au Mozambique où l’épilogue des élections présidentielle et législatives du 9 octobre dernier s’écrit dans la violence et dans le sang. L’opposant Venancio Mondlane, président du Parti optimiste pour le développement du Mozambique (Podemos), n’en démord pas ! Revendiquant la victoire contre le Front de libération du Mozambique (Frelimo), au pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1975, il vient d’appeler à trois nouvelles journées de manifestations. « Mercredi 13, jeudi 14 et vendredi 15, nous allons paralyser toutes les activités », a-t-il ainsi annoncé sur les réseaux sociaux, depuis l’étranger où il s’est réfugié.
Triste et déplorable en effet, ce spectacle postélectoral qui a déjà tué plus de trente personnes, tandis que deux figures de l’opposition ont été assassinées dans une embuscade en pleine rue à Maputo, la capitale.
Ces contestations et ces violences sont consécutives à l’annonce de la Commission électorale qui a… « crédité l’opposant de 20% des voix aux élections du 9 octobre et attribué plus de 70% des suffrages au candidat du Frelimo », Daniel Chapo. Et pour l’ONG anticorruption Public Integrity Center (CIP), ces élections sont « les plus frauduleuses depuis 1999 » !
Entre les ombres et les lumières, l’Afrique électorale fait son chemin et multiplie les expériences. Il faut toutefois espérer que les violences désertent le forum et que les prochains rendez-vous, en Namibie, au Ghana et en Guinée-Bissau notamment, se déroulent sans heurts.
Après le Libéria l’année dernière, le Sénégal, le Botswana et l’Île Maurice en 2024, on ne peut pas dire que l’Afrique manque de bons exemples d’alternances pacifiques. Chacun doit donc œuvrer pour vaincre la fatalité des violences postélectorales…