Le pôle de croissance de Bagré situé dans la province du Boulgou, région du Centre-Est du Burkina, est devenu un refuge pour bon nombre de jeunes Burkinabè, autrefois immigrés. Revenus au bercail les mains vides, ces jeunes tentent, actuellement, de reconstruire leurs vies dans la culture maraîchère. Quelques-uns d’entre eux ont accepté de raconter à Libreinfo.net leurs mésaventures.
Par Daouda Kiekieta
Il est environ 12h lorsque, accompagné de mon guide, un agent technique du pôle, nous arrivons au petit marché situé près des terres aménagées de Bagrépôle.
Wendyam Sawadogo, un jeune revenu de l’immigration clandestine, nous accueille près de sa boutique où il vend des produits de première nécessité.
Après quelques minutes d’échanges, nous nous rendons dans son champ de bananes d’un hectare situé à environ 4 km du petit marché. C’est là que se joue désormais l’avenir du jeune Wendyam.

Il raconte avoir passé plusieurs années à la recherche de l’or. De N’Dorola dans la province du Kénédougou à Fada N’Gourma dans la région de l’Est du Burkina, en passant par Moussodougou dans les Cascades, Wendyam dit avoir parcouru plusieurs sites d’orpaillage en vain.
A cette heure où le soleil est au zénith, l’ancien émigrant venait juste de finir l’irrigation du jour de son champ de bananiers.
Soudain, il devient froid et mélancolique, lorsque nous avons évoqué la question de l’émigration. Les souvenirs lui reviennent à la mémoire. Wendyam raconte sa mésaventure au Niger, au Mali et en Côte d’Ivoire
« Nous avons connu toutes sortes de tracasseries lors de nos voyages. Arrivé à destination, les autochtones vous considèrent comme des gens qui sont venus voler leurs ressources » dit-il, les yeux rivés dans le néant.
Il se souvient, comme si c’était hier, de ses co-immigrés qui ont été expropriés de l’or et de l’argent qu’ils ont eus dans la douleur et la souffrance. D’autres ont même perdu leur vie dans des scènes de violence et de braquage, regrette-t-il.
Il évoque aussi la souffrance des parents restés au pays qui n’ont presque pas des nouvelles de leur frère, parent ou ami partit en aventure.
Dans son propre pays, il a été aussi aventurier. Il dit avoir parcouru toutes les régions du Burkina à la recherche de l’or qu’il ne trouvera nulle part. « Il y eut des moments où on pouvait faire deux jours sans manger dans les sites d’orpaillage ; c’était pénible » explique le jeune Wendyam
Après tout ce périple, il s’est résolu depuis deux ans maintenant, à s’installer définitivement à Bagré pour reconstruire sa vie.
Bagrépôle, terre d’espoir
À 39 ans, Wendyam Sawadogo, natif de Pissila, dans la province du Sanmatenga, affirme gagner sa vie dans la production de la banane. Un choix qui est fait grâce à l’expérience acquise en Côte d’Ivoire. « Durant mon aventure en Côte d’Ivoire, je cultivais le cacao, le café, la banane et bien d’autres produits.»
Pour chaque campagne à Bagrépôle, le désormais entrepreneur agricole estime son chiffre d’affaires à plus de trois millions de F. CFA.

Grâce à cette activité, il a ouvert une boutique où il vend des produits de consommation courante. Il a également construit sa maisonnette et vit avec une femme. « Je rends grâce à Dieu ; je ne compte pas repartir à l’aventure » dit-il, l’air visiblement soulagé.
Tout comme Wendyam Sawadogo, Madi Zoungrana, 23 ans, est parti également à l’aventure loin de sa patrie mère. Il dit être récemment rentré de Guinée où il avait passé plusieurs années dans un site d’orpaillage.
Madi Zoungrana nous raconte s’être intéressé à Bagrépôle grâce « à la réussite » de certains de ses amis : « J’ai appris que des gens ont gagné leur vie ici » nous a confié l’aventurier d’hier devenu producteur d’oignons.
Tout souriant, Madi Zoungrana donne les raisons qui l’ont poussé à l’aventure : « A l’époque, je voulais m’acheter un modèle de moto, alors à la mode sur le marché. Un ami m’avait donc conseillé d’aller sur un site d’or en Guinée ».
Revenu de la Guinée, il y a à peine un an et demi, Madi Zoungrana s’est lancé dans la production maraîchère avec l’objectif de se bâtir un avenir meilleur au pays natal.
« J’ai trouvé mieux d ‘investir dans la production maraîchère, ici, à Bagrépôle. Je travaille avec mon patron dans la production de l’oignon. À chaque récolte, nous partageons le bénéfice » explique Madi.
Cependant, ces jeunes convertis à la terre, ex-aventuriers, rencontrent des difficultés dans leurs activités agricoles.
Des difficultés freinent le rêve de ces jeunes
Les jeunes font face au problème d’accessibilité des intrants (notamment les engrais chimiques) et aux équipements agricoles.
« Ces difficultés font que nous n’arrivons pas à récolter dans l’intervalle du cycle prévu. Pour des bananes qui devraient mûrir en 6 mois, nous allons souvent jusqu’à 8 mois voire plus » déplore Wendyam Sawadogo qui dit solliciter un accompagnement des autorités.
Pour sa part, Madi Zoungrana déplore la mévente de certaines productions : « En ce moment, le prix du sac d’oignons tourne autour de 15 000 F.CFA. Cela ne nous arrange pas, parce que nous avons investi beaucoup dans l’entretien des plantes. ».
Malgré ces difficultés, ils s’en sortent au point de susciter l’envie chez de nombreux autres jeunes qui tentent de leur emboîter le pas.
