Ceci est une tribune du journaliste Issoufou Ouédraogo parvenue à Libreinfo.net.
De plus en plus, parce que accusés d’être allergiques aux critiques, les journalistes sont l’objet de tirs à boulet rouge par une certaine opinion qui s’est donnée pour tâche de réinventer le métier du journalisme. Or, ce métier a des exigences qui n’ont pas besoin d’être réécrites. Et ce n’est pas parce que nous sommes journalistes que nous le disons. Nous avons tous intérêt à ne pas démanteler le rempart !
Depuis quelques temps, l’opinion dite « dominante » ne reconnait plus à la presse que de nombreux devoirs, sans pourtant lui assurer son soutien. Demandons-nous ce que serait notre pays si la presse se mettait à la botte de tout groupe qui arrive au pouvoir.
Bien sûr, nul ne dit que la presse est irréprochable à tout point de vue. Mais à quel niveau aurait été la liberté d’expression, socle de toutes les libertés, sans une presse qui, dans le respect de sa déontologie, est libre de toutes autres entraves ?
Il y’en a même qui se permettent d’affirmer sans la moindre preuve que les journalistes inventent les faits étant assis à Ouagadougou. Eh oui ! Pas moins que ça !
Tous ces propos et critiques trop souvent faciles et incongrus faits aux médias et aux journalistes sont donc la preuve de l’ignorance par certains du rôle du journaliste dans le processus de collecte, de traitement et de diffusion de l’information.
Avant de critiquer et de railler les pratiques d’un corps de métiers et en particulier celui du journalisme, il faut d’abord prendre beaucoup de recul. En ce qui concerne la presse, il faut tenir compte de son évolution dans ce pays depuis un certain nombre années.
Les journalistes jouent leur rôle et il appartient à toutes les autres entités de la société de jouer le leur également afin que dans l’harmonie, nous puissions impulser le développer de ce pays si cher à tous.
Celles et ceux qui aujourd’hui s’érigent en donneurs de leçons, sont les mêmes qui ne jouent pas réellement leur partition dans ce sens. Quand la presse s’évertuait dans les interpellations sur les prémisses de la situation que nous traversons aujourd’hui, ce sont les mêmes qui disaient que « les révélations de la presse sont vraies mais on ne peut rien faire ».
Naïvement, on balance aux journalistes, en plein visage : « C’est le pays, on va faire comment ?» Voici, un peu caricaturé, l’attitude de certains citoyens vis-à-vis du travail des journalistes et de la presse en général.
On est tenté de leur dire : « Chers moralistes, vous qui êtes si prompts à donner des leçons de journalisme, songez aussi à mieux vous cultiver. Cela aide à ouvrir les yeux.
Ne perdons pas de vue que si la presse devait se soustraire de la bonne marche du pays, le système s’écroulerait sans doute. Certes notre nation en construction traverse actuellement, une situation difficile et son peuple (tout son peuple y compris les journalistes) souffre énormément de la situation. Nous devons donc nous tenir par la main, rester soudés autant que faire se peut.
En tant que journalistes, nous avons besoin de ce soutien. Si sur la base de l’émotion on tente de nous museler sans chercher à cerner notre rôle, notre travail, alors le risque est grand de contribuer ainsi à tuer l’information.
Soyons clairs : Il est tout à fait normal et logique que l’opinion publique réclame plus de rigueur à sa presse. Nul ne conteste cela. Cependant, il faut aussi que sa portion dite « opinion dominante » cherche à mieux comprendre les règles du métier avant de condamner.
La presse n’a pas pour rôle d’apporter un soutien aveugle sans un effort de contrôle et vérification. Elle a devoir de prudence, d’esprit critique concernant les actions posées et qui sont censées concourir à la bonne marche de la cité. C’est pourquoi elle doit se méfier des vérités toutes faites et surtout vérifier et ouvrir l’enveloppe des apparences.
S’il n’en était que des donneurs de leçons, la presse ne souffrirait pas tant, elle peut même s’en passer. Mais il y a surtout l’indifférence des citoyens par rapport aux questions abordées. Ils sont nombreux ces journalistes qui ont perdu la vie pour avoir dit au monde qu’un drame se préparait et que cela risquait de menacer la paix globale.
C’est aussi grâce à eux à l’action de ces acteurs de la presse que la nécessité de dialoguer pour mettre un terme aux conflits est devenue une réalité. Ils sont donc des agents de paix.
Le journaliste, où qu’il soit, est toujours sur un champ de bataille contrairement à ceux qui pensent qu’écrire un article, ce n’est pas prendre un risque. Dans certaines circonstances, le journaliste est toujours en danger, pour peu qu’il veuille faire son travail dans le strict respect de la déontologie du métier.
Aux donneurs de leçons, nous vous demandons de revoir vous-même votre propre liberté sur le graphique de la liberté dans le monde. Vous comprendrez le rôle de la presse. Entre la démocratie et l’état d’exception, il n’y a qu’un rempart, c’est la presse.
Ne laissons pas briser cette serrure. Pour en trouver une autre, il nous faudra encore un long temps. Ce qui pourrait permettre à n’importe quelle « bête » d’y entrer pour semer ce qu’elle sait faire le mieux : le désordre et le chaos.
Travaillons à être utile pour notre société et non à briser les socles sociaux déjà en place pour contribuer à l’ancrage du vivre ensemble. Rêvons d’un Burkina où le respect et la protection de la dignité humaine sont la norme.
Et travaillons-y !
Issoufou Ouédraogo
