Le trafic des ânes est une activité économique qui existe bien au Burkina Faso. Dans le temps, les colporteurs Yarcé (définir Yarcé) menaient ce type de commerce. Aujourd’hui, avec la précarité de l’emploi, certains jeunes s’intéressent à ce trafic. Libreinfo.net a rencontré Wimbiré Karfo sur la route du trafic des ânes de Saaba à Guelwongo, frontière Burkina-Ghana. C’était à dans la commune rurale de Béré (Région du Centre-Sud), le jeudi 7 avril 2022.
De nos jours, l’âne continue d’être un moyen de transport pour les hommes. Il est également utilisé dans les travaux champêtres et de ménage. Cet animal domestique est d’une grande utilité pour l’homme.
Le Burkina Faso exporte le bétail et les peaux d’animaux. Le trafic des ânes autrefois était réservé aux colporteurs Yarcé. Dans les années 2010, les Chinois ont apporté une plus-value dans l’exportation de la peau d’âne. Depuis lors, le coût de l’âne a augmenté et le trafic s’est plus développé.
Aujourd’hui, des jeunes s’intéressent à cette activité. Wimbiré Karfo en est un exemple. Il était en compagnie d’un autre camarade lorsque nous les avons rencontrés. Il a 30 ans tandis que son compagnon a 27 ans. Ces deux jeunes garçons ont été employés par un commerçant.
Leur rôle consiste dans ce trafic, à aller acheter les ânes dans la zone de Markoye puis les convoyer au marché de Guelwongo. Markoye est une localité située à la frontière Burkina –Niger, dans la province de l’Oudalan, région du Sahel. Guelwongo est un centre commercial situé à la frontière Burkina Ghana, dans la commune de Ziou, province du Nahouri, région du centre Sud.
Ainsi, ils procèdent en plusieurs étapes, explique Wimbiré Karfo. D’abord, ils embarquent de Guelwongo à Markoye en passant par Ouagadougou et Dori par les sociétés de transport en commun. Une fois à Markoye, commence alors leur véritable travail. A cette étape, ils vont de village en village pour l’achat des ânes. Le prix est variable. « C’est entre 80.000F et 85.000 F CFA », confie-t-il. Lorsqu’ils auront atteint le nombre voulu, ils chargent les animaux dans un camion –remorque qu’ils convoient à Saaba. Saaba est une commune urbaine de Ouagadougou.
Un grand marché d’ânes existe dans cette localité. De cette localité, ils conduisent enfin les ânes jusqu’à Guelwongo. Ils le font à pieds. Cette marche prend plusieurs jours. De Saaba à Guelwongo, ils font quatre jours de marche après une escale à Manga, chef-lieu de la région du Centre-Sud. « Là, nous prenons des tickets auprès de la structure d’autodéfense Kolwéogo », indique-t-il.
Ils conduisent un troupeau de 50 têtes d’ânes. Sur les lèvres on lisait la soif. Sur leur visage, on sent une fatigue. Leurs yeux étaient rouges. C’était aux environs de 10 h dans la localité de Béré à une trentaine de km de Manga. Sur le dos de chaque âne, il y a une marque. Au cou d’un âne, visiblement le plus en forme, balance un gros sachet noir bien attaché. C’est leur couchette. Ils ont quitté Saaba le 6 avril.
A Guelwongo, ils revendent les ânes à des acheteurs ghanéens et locaux. « C’est au franc ghanéen », confie-t-il. Sur le marché local, le prix de l’âne varie également. Il coûte entre 95000F à 100000F CFA. Selon Wimbiré Karfo, il peut obtenir un bénéfice entre 30 000F à 35 000F CFA par convoi.
« Avec l’insécurité liée au terrorisme dans le sahel, nous risquons notre vie»
Cependant, ils subissent souvent des pertes, déplore-t-il. « Au cours de la marche, il arrive de fois qu’un âne meurt suite à la fatigue et à la soif », fait-il savoir. En saison pluvieuse, ils vendent les ânes en cours de route.
Il a commencé ce trafic il y a une année de cela. « J’ai fait l’aventure au Ghana dans les sites d’orpaillages et en Côte d’Ivoire dans les plantations. Je me suis rendu compte que revenir au pays mener cette activité est meilleur », laisse-t-il entendre.
« Le trafic est rentable. Avec les bénéfices obtenus, nous parvenons à assurer nos petites dépenses », indique-t-il avec un air fier. Wimbiré Karfo a abandonné ses études secondaires en 2015 lorsqu’il était en classe de 4e . « Avec l’insécurité liée au terrorisme dans le sahel, nous risquons notre vie. Mais, c’est parce que nous n’avons pas d’autres choix que nous nous sommes lancés dans cette activité. C’est la lutte pour la survie », déplore-t-il.
Ce commerce, ils le font avec courage malgré la peur. « Nous sommes habitués, sinon c’est très difficile en ce moment de terrorisme », précise-t-il. « Nous devons nous battre pour avoir un travail. Que chacun se batte et soit fier de son métier », lance-t-il. « Souvent, nous voyons des camarades qui refusent de se battre au pays pour préférer aller à l’aventure sur des sites d’orpaillage au Ghana.
« Là-bas, très peu y gagnent, certains perdent et d’autres vont jusqu’à mourir », fait-il remarquer. « Mais, en faisant ce travail ici, nous nous en sortons mieux », estime-t-il. « Un travail que je fais et qui me rapporte de l’argent dans la paix et la dignité, je prie Dieu que ce travail soit béni » conclut-il. « Puisse dieu bénir le pays, lui apporter la paix véritable et nous permettre de mener tranquillement notre activité pour le bonheur de notre famille », souhaite-t-il.