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Burkina Faso : à Nagréongo les femmes s’organisent en coopérative contre les problèmes d’accès aux terres cultivables

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L’accès des femmes à la terre reste un défi majeur au Burkina Faso. Face à cette situation, des femmes de la commune de Nagréongo, dans la région du Plateau-Central ont créé la Société coopérative simplifiée (SCOOPS) Wend-La-Sida. Grâce à cette initiative, ces femmes disposent désormais d’une superficie de plus de trois hectares sur laquelle elles cultivent du Niébé.

Par Daouda Kiekieta

Elles sont au nombre vingt- cinq (25). Elles, ce sont des femmes de Nagréongo, membres de la SCOOPS Wend-La-Sida du village de Malgrétenga, une bourgade située à une vingtaine de kilomètres de la ville de Ziniaré. Face aux difficultés des femmes à accéder aux terres cultivables, elles ont décidé d’avancer en rang serré.

Leur objectif, faciliter l’acquisition des intrants et équipements agricoles, et accéder aux terres. Avec cette association, ces femmes arrivent à gagner la confiance de leurs maris ainsi que celle de tout le village.

Ce lundi 25 juillet, La cité Naaba Oubri se réveille. Pour les habitants, c’est le train-train quotidien. De part et d’autre, chacun s’apprête à aller à son lieu de travail. Dans les causeries matinales qui alimentent les « kiosques » et les cafétéria, la question de la pluviométrie fait la Une des débats.

« Cela fait six jours que nous n’avons pas reçu une goutte d’eau”, déclare un homme venu prendre un café au bord de la route nationale n°3 de la ville de Ziniaré. “Cette saison fera plus de dégâts que la saison dernière », entérine un autre, s’adressant au premier.

C’est dans cette ambiance empreinte de pessimisme que nous prenons la route pour Nagréongo, commune située à près de 20 km au sud de la ville.

Là, nous sommes informés qu’une dizaine de femmes, membres de la coopérative, nous attendaient depuis une heure de temps dans leur champ collectif. Finalement, nous n’avons pu rencontrer que six membres.

« Aujourd’hui c’est jour de marché, certaines sont allées vendre et d’autres sont déjà dans leur champ familial », nous confie Poko Viviane Dayamba, présidente de la SCOOPS Wend-La-Sida, entourée de quelques membres de l’association.

Sur ce champ qui s’étale sur 3,5 hectares, Madame Dayamba et ses co-agricultrices entendent semer du niébé. Mais, l’herbe a déjà pris le déçu. « Comme il y a trop d’herbe, il nous faut un tracteur. A défaut, on doit utiliser de l’herbicide », nous confie Asséta Ouédraogo, membre de la coopérative.

La campagne dernière, ces femmes disent avoir récolté plus de 20 sacs de 50 kg de niébé. Leur association existe formellement depuis 2019. “Pour la première année de l’existence de notre coopérative, nous avons emblavé un hectare. Cette année nous sommes à plus de 3 hectares. Grâce au bon rendement agricole l’année dernière, le propriétaire terrien à céder plus de superficie au profit de la coopérative”., souligne Dame Dayamba.

Une vraie prouesse dans un contexte de spéculation foncière. En effet, l’affairisme autour de la terre ou l’accaparement des terres réduit de plus en plus les superficies cultivables. «Si vous avancez un peu, vous allez trouver des bornes délimitant un terrain vendu », ajoute-t-elle. Des champs ont été récupérés par des propriétaires terriens pour les vendre, selon certains témoignages.

Selon, Boukaré Taonsa, agent d’agriculture dans la commune de Nagréongo, « c’est rare de voir quelqu’un, de nos jours à Nagréongo, qui dispose de plusieurs hectares à lui seul ». En tout cas, ces femmes, par leur bravoure, ont réussi à tirer leur épingle du jeu en obtenant plus de 3 hectares.

Des démarches pour gagner la confiance des époux sceptiques

Afin de convaincre les hommes qui s’opposent souvent à la liberté de la femme de disposer d’un lopin de terre pour cultiver, cette coopérative a entrepris plusieurs démarches. C’est ainsi qu’elles partent, à chaque début de saison, demander la bénédiction des notables du village.

« A chaque début de saison, nous partons informer les notables du village avant de commencer à semer », question de demander leur soutien et leur accompagnement.

« J’invite les femmes à s’unir. Parce que si nous sommes unies, même si nos maris ne veulent pas, ils finiront par accepter », conseille la présidente de la SCOOPS Wend-La -Sida.

Au-delà de l’agriculture, les membres de l’association se soutiennent lors des événements sociaux et dans d’autres domaines d’activité. C’est ainsi qu’à la fin de la campagne agricole, certaines s’investissent dans le commerce et d’autres dans la transformation du niébé.

Selon la présidente, les récoltes issues de leur production du niébé sont vendues et reversées dans la caisse de la SCOOPS. Toutefois, les semences sont redistribuées gratuitement à chaque membre, pour leurs champs individuels.

« A la fin de la saison, nous conservons nos récoltes pour vendre les semences avec les agriculteurs de la commune à l’approche de la nouvelle saison pluvieuse. L’argent issu de ces ventes est utilisé pour financer (sous forme de prêt) les projets des membres de la coopérative », soutient notre interlocutrice.

Des difficultés fréquemment rencontrées par ces femmes

Dans la quête de leur autonomie, elles font souvent face à des contraintes qui freinent leur élan d’émancipation. « En plus de la mauvaise répartition des pluies, nous avons un sérieux problème de matériels. Pour avoir un tracteur pour le labour, c’est tout un problème. Nous n’avons pas encore semé à cause de ce problème », affirme-elle, ajoutant que « chaque année, nous n’avons pas suffisamment accès aux engrais chimiques subventionnés, alors que sur le marché, les prix sont élevés ».

accès aux terres cultivables
Viviane Dayamba, présidente de la SCOOPS

Pour faire face à certaines de ces difficultés récurrentes, ces femmes s’organisent avant chaque saison pluvieuse. Déjà, dès la fin de l’hivernage, elles commencent à réunir les matières nécessaires à la fabrication de l’engrais organique, notamment le compost.

Ces femmes bénéficient du soutien des responsables de la commune

Selon Boukaré Taonsa, agent d’agriculture de la commune, l’initiative de ces femmes est à encourager. « Quand on parle de production de niébé ici, je peux dire que c’est la seule société coopérative qui ne manque pas aux rendez-vous lors des séances appui-conseil en matière de production de semences améliorées », a-t-il dit.

Tegawindé Gaetan Dianda est chef du service départemental de l’agriculture, des aménagements hydro-agricoles et de la mécanisation de Nagréongo. Pour lui, ces femmes ont forgé une place pour leur autonomie dans ce village.

« A Malgrétenga ici, la pression foncière fait que la plupart des femmes manquent de terre pour exercer l’agriculture. Mais au vu de leur dynamisme et de leur bravoure, les femmes de cette coopérative sont arrivées à se faire octroyer plus de 3 hectares », a-t-il confié.

Pour ce spécialiste de l’aménagement agricole, ces braves femmes sont très attentives à tout ce qui concerne les nouvelles technologies d’agriculture notamment les équipements agricoles modernes, les semences adaptées à la saison. Il ajoute qu’au-delà, de la production, elles font la transformation et la commercialisation. Beaucoup d’entre elles font des beignets, par exemple, pour diversifier leurs sources de revenus.

accès aux terres cultivables
Moïse Dayamba

Du côté de la famille, les maris affichent leur soutien à la coopérative. « Lorsqu’une femme décide de se lancer dans un projet quelconque, elle doit avoir le soutien de son époux, parce que la réussite de la femme contribue beaucoup dans les dépenses familiales », affirme Moïse Dayamba, époux de la présidente de la SCOOPS Wend-La-Sida.

« Il arrive souvent que nous ne gagnions pas de tracteur. En ce moment, nos époux mettent à notre disposition des bœufs pour le labour. A l’heure où je parle, ce sont eux qui poursuivent le propriétaire du tracteur pour que nous puissions labourer notre champ », reconnaît Asséta Ouédraogo, membre de la coopérative.
Un bel exemple de complémentarité et d’entraide, en écho au nom du village, Malgrétenga, « la terre où tout se résout ».

Nagréongo est une commune de la province de l’Oubritenga, région du Plateau-Central. Elle compte 20 villages répartis sur 8 aménagements de la vallée de Volta (AVV) en abrégé V. Cette commune est encerclée de part et d’autre par des grands cours d’eau, notamment le Massili, le Nakambé, le Ziga.

“Pendant la révolution des années 80, Thomas Sankara a créé ce qu’on appelle les aménagements de la vallée de Volta (AVV), en abrégé V1, V2, V3. Cela visait à repeupler la zone désertée par les populations. C’est ainsi que huit (8) villages ont été créés, portant le nombre total des villages à 20. Le village de Malgrétenga, est logé dans le V5 avec les 7 autres villages”, raconte Tegawindé Gaetan Dianda.

Lire aussi: Burkina Faso : les déplacés internes face aux difficultés d’accès aux terres cultivables  

www.libreinfo.net

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