La polygamie est en baisse continue au Burkina Faso depuis plusieurs années, selon une enquête de l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD). Le pourcentage de femmes en union ayant, au moins, une coépouse est passé de 42 % en 2010 à 37 % en 2021 selon l’enquête réalisée en 2021.
Par Daouda Kiekieta
Au Burkina Faso, la polygamie ne semble pas être la valeur la mieux partagée, bien que la loi ne l’interdise pas.
La courbe de la polygamie décroit d’année en année. Du moins ce que révèle l’enquête démographique et de santé, réalisée en 2021 par l’INSD.
L’enquête de l’INSD montre que le nombre de femmes de 15 à 49 ans vivant en union polygame est passé de 51 % en 1993 à 42 % en 2010 et à 37 % en 2021. Cela concerne aussi bien les mariages religieux, civils ou les couples en union simplement.
Les mariages civils
En 2021, les statistiques des mariages civils dans la commune de Ouagadougou, la capitale burkinabè, ont connu une baisse. Les autorités communales ont célébré 4 947 mariages.
Parmi ces mariages, seuls 429 sont polygamiques. Pour l’année 2022, sur les 3 681 mariages célébrés par la commune de Ouagadougou, seulement 341 sont polygamiques soit une baisse de 88 points par rapport à 2021, a appris Libreinfo.net auprès de la mairie centrale de Ouagadougou.
Ces chiffres illustrent une tendance baissière de la polygamie au Burkina, d’où l’interêt de s’interroger sur les raisons.
Au sein de l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) des raisons ont été esquissées à travers certaines données.
Le pourcentage de femmes en union polygamique tend à diminuer avec le niveau d’instruction, passant de 44 % parmi celles sans niveau d’instruction à 15 % parmi celles ayant le niveau secondaire ou plus.
« Beaucoup de femmes veulent être en union mais ne sont pas prêtes à aller avec une coépouse. Peut-être que beaucoup d’hommes ne sont plus enclins à prendre deux femmes ou plus », interprète Théophile Tapsoba, démographe à l’INSD.
Selon le sociologue Da Sié de Bindouté, cette baisse peut être expliquée par «l’influence d’idées féministes, la pression de certaines ONG» oeuvrant notamment pour l’émancipation de la femme.
De l’occidentalisation
A cela s’ajoute la tendance des jeunes à vouloir vivre à «l’occidental», explique monsieur Da. «De plus en plus les jeunes adoptent la manière de vivre à l’occidental. Ils vont vers la monogamie ».
«La société burkinabè est en pleine mutation, c’est une nouvelle génération, une nouvelle ère. Cela impacte beaucoup de secteurs y compris la famille et même les relations amoureuses » dit-il.
A en croire, le sociologue, les bouleversements sociaux que connaît le Burkina Faso depuis près d’une décennie peuvent également jouer sur le choix des couples.
«Lorsque le pays sera stabilisé à la longue, on pourrait avoir une nouvelle tendance différente de celle d’aujourd’hui », poursuit Sié de Bindouté Da.
Selon l’enquête de l’INSD, les couples polygames sont beaucoup plus représentés en milieu rural avec 23,8 % contre 7,7 % en milieu urbain. Cela veut dire que la polygamie a un visage rural qu’urbain.
«Les contraintes économiques dans lesquelles vivent les citadins ne les motivent pas à opter pour la polygamie. Dans ce contexte économique difficile, et surtout avec la cherté de la vie, prendre une seconde femme en ville est plus une charge qu’un avantage », commente l’étude.
En outre, selon le 5e recensement général de la population et de l’habitation de 2019, parmi les personnes vivant en union au niveau national, la polygamie est plus présente respectivement dans la population animiste, (43,8%), musulmane, (33%) catholique (19,6%) et protestante (18,6%).