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Burkina Faso : Le conseil de sécurité des Nations Unies attendu fin mars à Ouagadougou (HRW)

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Les atrocités commises par les groupes armés dans la région du Sahel, située dans le nord du Burkina Faso, et par les forces de sécurité lors de leurs opérations antiterroristes, ont coûté la vie à plusieurs dizaines de personnes et entraîné de nombreux déplacements dans un climat généralisé de peur, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Depuis le début de l’année 2019, la violence force des dizaines de milliers de villageois à s’enfuir.

Le rapport de 65 pages, intitulé « Nous avons retrouvé leurs corps plus tard ce jour-là : Atrocités commises par les islamistes armés et par les forces de sécurité dans la région du Sahel au Burkina Faso », analyse plus de 40 meurtres commis par des groupes armés islamistes et ciblant surtout des personnes suspectées de collaborer avec le gouvernement, mais aussi l’exécution par les forces de sécurité burkinabées de plus de 115 hommes accusés de soutenir ou d’héberger les islamistes armés. Le gouvernement burkinabé a promis d’enquêter sur ces allégations. Les acteurs internationaux clés, comme le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui doit se rendre au Burkina Faso fin mars, devraient presser le gouvernement d’aller jusqu’au bout de cet engagement.

« Plusieurs dizaines de personnes ont été tuées dans le cadre de ce qui constitue une brutale détérioration de la situation des droits humains dans le nord du Burkina Faso », a déclaré Corinne Dufka, directrice pour le Sahel à Human Rights Watch. « Les villageois vivent dans la peur alors que les forces du gouvernement, tout autant que les islamistes armés, ont démontré leur mépris total à l’égard de la vie humaine ».

Human Rights Watch a interrogé 92 victimes et témoins des abus, ainsi que des leaders communautaires, des responsables du gouvernement et des analyses en matière de sécurité, entre autres. Les abus décrits se sont produits dans 32 villages de la région du Sahel, entre le milieu de l’année 2018 et février 2019. Ce travail s’appuie sur de précédentes recherches menées par Human Rights Watch au Burkina Faso en 2018.

Depuis 2016, des groupes islamistes armés liés à la fois à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et à l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) ont attaqué au Burkina Faso des bases de l’armée, de la police et de la gendarmerie, ainsi que des cibles purement civiles. Même si la violence et l’insécurité se sont propagées à travers tout le pays, l’épicentre demeure la région du Sahel, au nord, frontalière du Mali et du Niger.

Les témoins ont décrit le meurtre présumé de 42 civils par des islamistes armés, apparemment en raison de leurs liens, véritables ou supposés, avec le gouvernement, ou parce qu’ils avaient appuyé la formation d’un groupe d’autodéfense. La plupart des victimes appartenaient aux communautés ethniques foulsé ou bella. Les témoins ont déclaré que les islamistes avaient enlevé et intimidé les chefs locaux, dérobé du bétail et réquisitionné des ambulances. Ils ont également rapporté que les islamistes interdisaient aux villageois de célébrer les mariages et les baptêmes, et parfois aux femmes d’avoir une vie sociale ou de vendre au marché.

Un villageois a déclaré que les islamistes armés avaient ouvert le feu à l’intérieur de sa maison, tuant trois membres de sa famille et en blessant deux autres, lors de l’attaque du village de Gasseliki qui a coûté la vie à 12 personnes en janvier.
« Ils ont enfoncé la porte, sont allés d’une pièce à l’autre et nous ont trouvés en train de nous cacher », a déclaré cet homme. « Puis ils ont fait feu, dans un déluge de balles qui a tué trois hommes. » Un autre témoin a décrit que les islamistes avaient tué neuf hommes, dont deux frères, lorsqu’ils ont attaqué le village de Sikiré le 27 janvier.

« Les gens sont envahis par la peur », a déclaré un agriculteur du village. « Aucun homme de plus de 18 ans n’ose plus dormir chez lui, de peur d’être enlevé, ou pire. » De nombreux villageois ont décrit des vols de bétail à grande échelle qui mettent en péril les moyens de subsistance de villages entiers.

Les témoins ont également décrit 19 incidents au cours desquels les forces de sécurité du Burkina Faso ont sommairement exécuté un total de 116 hommes. D’après leurs récits, presque tous ces incidents impliquaient un détachement d’une centaine de gendarmes posté depuis fin août dans la ville d’Arbinda.
Toutes les victimes, lorsqu’on les a aperçues pour la dernière fois, étaient détenues par les forces de sécurité gouvernementales. Quand on a retrouvé leurs corps par la suite, on notait que la majorité avait reçu des balles dans la tête ou dans la poitrine. La plupart appartenait au groupe ethnique peul.

Les témoins ont décrit de vastes opérations impliquant des dizaines de membres des forces de sécurité qui se déplaçaient sur des motos et des véhicules et qui, dans plusieurs cas, faisaient voler de petits drones. Les témoins ont fourni des listes de victimes et des cartes indiquant l’endroit où les corps des hommes tués avaient été trouvés et celui où ils sont enterrés.

« Nous avons trouvé Hamadoun, 72 ans… sous un arbre, les deux genoux et le front à terre », a rapporté un homme qui, en février, est parti à la recherche de neuf hommes détenus par les forces de sécurité et qui par la suite a enterré leurs corps. « On aurait dit qu’il avait demandé à prier avant d’être abattu ».

Un témoin de l’arrestation par les forces de sécurité, en octobre, de 14 hommes qui plus tard ont été retrouvés morts, a déclaré : « Ils ont déchiré leurs turbans pour leur bander les yeux et leur ligoter les mains, puis leur ont ordonné de monter dans le camion. Quelques minutes après leur départ, nous avons entendu les coups de feu et crié : ‘Oh mon Dieu, les nôtres sont morts’ ».

Les villageois ont systématiquement dénoncé le fait qu’ils sont pris en étau entre d’un côté les islamistes armés, qui menacent d’exécuter ceux qui collaborent avec le gouvernement, et de l’autre les forces de sécurité, qui attendaient d’eux des renseignements sur la présence de groupes armés et leur ont infligé une punition collective parce qu’ils n’en avaient pas fourni.
« Ces meurtres sont en train de pousser les gens dans les bras des djihadistes et feront en sorte que ce problème dure des années et des années », a résumé un responsable de la société civile.

Le 8 mars, Human Rights Watch a adressé au gouvernement burkinabé une lettre détaillant ses conclusions et recommandations principales. Le 18 mars, le ministre de la Défense a répondu au nom du gouvernement en promettant d’enquêter sur les abus présumés.

Le gouvernement devrait effectuer une enquête minutieuse sur ces violations supposées des droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Les groupes islamistes armés devraient cesser toute exécution extrajudiciaire, tout enlèvement et s’abstenir de toute atteinte aux droits humains. Les partenaires internationaux du Burkina Faso devraient, en privé et en public, presser le gouvernement de mettre fin aux abus des forces de sécurité et d’ouvrir des enquêtes crédibles.

« Faire face à l’expansion de l’islamisme armé au Burkina Faso en exécutant des suspects ne pourra qu’alimenter le cycle de violence et d’abus », a conclu Corinne Dufka. « Le gouvernement devrait y mettre fin et s’engager dans une stratégie de lutte contre le terrorisme qui respecte la loi et les droits des personnes ».

Déclaration : Human Right Watch

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