La société de transformation de l’acier au Burkina (SITAB) et son ex Directeur général Youssef Omaïs ont une fois de plus comparu le 25 avril 2022, devant la Cour d’appel de Ouagadougou. Après plus d’une heure de débats, l’affaire est de nouveau renvoyée au 27 juin 2022.
Par Nicolas Bazié
C’est une bataille judiciaire qui oppose la SITAB à son ex directeur général Youssef Omaïs. Le 25 avril, l’audience a repris. Elle commence avec les avocats de la partie civile, (la SITAB). L’un des avocats ouvre les débats. Pour lui, Youssef Omaïs, ex DG de la SITAB, a bien détourné des fonds, pour ses propres intérêts, par conséquent, il est coupable des faits qui lui sont reprochés.
A la SITAB indique l’avocat, parmi les actionnaires, il y a M. Omaïs résident à Ouagadougou et trois autres qui résident à Dakar au Sénégal. C’est après que les autres actionnaires aient remarqué « une hausse vertigineuse des charges de la société qu’ils ont décidé de faire un audit ». Mais, poursuit le conseil, le prévenu n’a pas facilité la tâche à l’auditeur.
« Il est rentré dans son bureau, ramasser tout ce qui est dossier, mettre dans des cartons ensuite dans son véhicule et il est parti. Mais bien avant, monsieur le Président, il a pris soin de fermer la porte à clé », explique-t-il. Et de signifier : « Nous avons dû avoir une autorisation judiciaire pour ouvrir la porte, question de permettre à l’auditeur de faire son travail ».
A l’écouter, dans les fouilles, l’auditeur est tombé sur un dossier dans lequel les points faibles de la SITAB, les créanciers ont été répertoriés par le prévenu. C’est ce qui a attiré l’attention de l’auditeur, dit l’avocat, qui confie que 12 millions de francs CFA ont même été retrouvés dans les tiroirs. « Il a eu tellement d’argent, qu’il a oublié 12 millions de francs CFA dans son bureau », ironise l’avocat.
« Il voyageait même avec sa bonne en classe business…»
Il continue en indiquant que l’ex DG de la SITAB avait jusqu’à cinq véhicules immatriculés à son nom et une résidence en plus de la principale, au bord de l’eau dans la commune de Loumbila. « Il s’est fait construire une résidence à Loumbila, pour prendre de l’air frais », a-t-il soutenu.
Aux membres de la Cour, le conseil confie que même pour aller en voyage, le prévenu était toujours en classe business. « Il voyageait même avec sa bonne en classe business monsieur le Président », a-t-il déclaré.
L’avocat de la partie civile poursuit que le prévenu, avait d’autres sociétés dont IBAFER qui ont toutes signé des contrats avec la SITAB dont lui-même, en est le directeur général et actionnaire. « Nous avons vu que tous les contrats, les statuts de ces sociétés ainsi que les chèques sont signés à son nom », fait savoir l’avocat.
L’avocat semble convaincu que les faits contre Youssef Omais sont constitués, et qu’il ne devrait pas avoir de soucis pour le condamner. « C’est un abus de confiance », a clamé l’avocat de la partie civile.
Cependant, il dit ne pas comprendre pourquoi en première instance, le juge a prononcé la relaxation, en faveur du prévenu, le 16 mars 2021, pourtant tout porte à croire qu’il est coupable.
C’est un dossier qui pose un problème juridique selon lui. De ses explications, au moment où la partie civile déposait le dossier au Tribunal de grande instance Ouaga I, contre M. Omaïs, pour « abus de confiance », le nouveau code pénal n’était pas encore entré en vigueur.
Ainsi, après son entrée en vigueur, le juge a fait comprendre que l’infraction ne doit plus être « abus de confiance », mais « abus de biens sociaux » et ce, conformément au nouveau code pénal. Partant de là, explique l’avocat de la partie civile, le juge a refusé de statuer sous prétexte que la loi n’a pas prévu de peine pour cette infraction, et que l’infraction n’est pas établie. Une expression que le conseil trouve bancale.
« C’est une affaire qui est à un niveau élevé »
« Si monsieur Youssef Omaïs ne peut pas être condamné pour abus de biens sociaux, mais qu’il soit condamné pour abus de confiance, puisque les faits sont constitués », a-t-il souligné, avant d’affirmer qu’en tant que juriste et avocat, cela heurte sa conscience juridique. A ses dires, le sujet est suffisamment documenté pour que ce procès connaisse enfin son épilogue.
« Mon confrère n’a pas de pièces pour défendre le dossier. Tout ce qu’il a produit comme documents ne sont que des décisions de justice », a lancé le conseil de la partie civile qui avance que ce dossier a suscité beaucoup de procédures.
Les avocats de la partie civile ont suggéré que le dossier soit retiré tout simplement, mais le conseil de Youssef Omaïs a demandé qu’il soit plutôt renvoyé, le temps pour lui de prendre connaissance des pièces fournies par la partie civile, afin de mieux se préparer.
Le président de la chambre après une petite concertation avec les conseillers, a décidé que l’affaire soit renvoyée au 27 juin 2022. Le procureur général de conclure en s’adressant à l’avocat du prévenu : « Nous avons assez renvoyé le dossier à votre demande. Il va falloir que vous nous apportiez des pièces écrites, pour nous permettre d’avancer, parce que c’est une affaire qui est à un niveau élevé ».
L’ancien directeur général de la SITAB a été licencié en 2018, pour détournement présumé de fonds estimés à des milliards fcfa . La décision rendue en faveur de ce dernier par le tribunal arbitral, n’a pas satisfait les avocats de la SITAB qui ont décidé de faire appel. Le 27 juin prochain, le président de la chambre va-t-il enfin pouvoir rendre sa décision ? Affaire à suivre.