Tout comme dans d’autres domaines, les entrepreneurs agricoles font face à d’énormes risques liés, notamment à la pluviométrie, à la pauvreté des sols, au manque d’outils modernes. Il a emblavé 3 hectares de Soja en juin dernier. Par manque de pluie après la semence, la germination a tourné en catastrophe. Il était obligé de ressemer à plusieurs reprises. Lui, c’est Ablacé Sebgo, étudiant en 7e année de médecine à l’Université Joseph Ki-Zerbo et résident à Ziniaré dans la région du Plateau-Central.
Par Daouda Kiekieta
Il avait vainement cherché un tracteur pour labourer son champ de 3 hectares. Il a donc fini par utiliser des bœufs pour labourer une partie, et creuser du Zaï pour l’autre partie. Plus d’une semaine après avoir tout semé, pas une seule goutte de pluie n’est tombée. Ses semences partent en fumée.
Autant le dire, l’entrepreneuriat rime avec stress, perte, échecs, succès. Les entrepreneurs agricoles ne font donc pas exception à cette règle. Des risques liés à la pluviométrie, à la composition des sols, au choix des outils de travail. Tous ces risques font partie du quotidien des producteurs agricoles parmi lesquels le jeune Ablacé Sebgo.
Du haut de ses 27 ans, ce jeune étudiant en médecine a choisi de s’investir dans l’entrepreneuriat agricole. Et pour ce choix, il n’entend pas abandonner si facilement, malgré les vicissitudes de la nature et les moyens limités.
Il nous raconte son calvaire en ce début de campagne agricole. En effet, l’étudiant en médecine a dû semer plusieurs fois le même champ à cause des séquences sèches. Après trois semis (séance de semence) successifs sans succès, changer la semence a été l’alternative de Monsieur Sebgo. “On a ressemé une troisième fois et cela n’a pas donné. Donc j’ai préféré remplacer la partie qui n’a pas bien germé par le mil”, relate-il.
Ces séquences sèches que connaissent bon nombre de producteurs agricoles rendent difficiles le développement des cultures, selon Issa Simporé, Technicien supérieur d’agriculture et chef de service départemental des aménagements hydro-agricoles de Ziniaré. La commune de Ziniaré a connu jusqu’à trois séquences sèches de mai à juillet 2022, regrette Issa Simporé.
Pour lui, les poches ou les séquences de sécheresses sont dues en grande partie au déficit d’eau et aux températures élevées.
Malgré les difficultés, Ablacé Sebgo ne baisse pas les bras
Le soja est une spéculation ultra sensible à la sécheresse. “En une semaine de poche de sécheresse, les dégâts sont énormes”.
Mais pas question de jeter l’éponge. Il décide de transformer une partie du champ de Soja en champ de mil. Là aussi, la nature ne semble toujours pas clémente, bien que le mil ait germé, la pluie se fait toujours attendre. Certains agriculteurs comme Amado Sebgo craignent une “année agricole blanche”.
En cette matinée du mardi 26 juillet, le temps est beau dans la cité de Naaba Oubri. Quelques nuages s’amoncellent, laissant une lueur d’espoir chez les agriculteurs qui attendent depuis six jours la pluie. À quelque 17 kilomètres à l’Est de la ville, le champ de Soja transformé en champ de mil de Ablacé Sebgo attend aussi la pluie.
Sur le champ, on pouvait apercevoir quelques tiges de Soja disperser ça et là, qui ont réussit à pousser malgré les séquences sèches. De l’autre côté, ce sont des semences du mil qui germent. Les pertes liées à cette situation de manque de pluie sont énormes.
Le propriétaire explique qu’il a perdu, pour chaque séance de semi, plus de 90 000 FCFA. Pour les graines semences améliorées, ce sont près de 80 kg qui ont été cramés à cause des poches de sécheresses. «Les pertes sont inestimables », déplore M. Sebgo.
Pour remédier à ces risques liés à la pluviométrie, Issa Simporé préconise l’utilisation des modèles d’exploitations équipés de forage et de kits d’irrigation. Pour lui, les agriculteurs doivent toujours penser à la réalisation des cordons pierreux, des demi-lunes, des zaï ainsi que la production du compost pour pallier les poches de sécheresse.
«Il faut que les producteurs arrivent à réaliser des bassins de collecte des eaux de ruissellements pour irriguer leur champs quand il y a des séquences sèches », conseille M. Simporé.
L’entrepreneur agricole reçoit le soutien de sa famille
Derrière ce jeune dynamique et ambitieux, se cache une famille qui met tout en œuvre pour accompagner leur fils dans ses projets. Amado Sebgo, son père, affirme qu’un agriculteur n’est pas celui qui abandonne lorsqu’il subit une perte, aussi énorme soit-elle. « Les risques sont partout. Être agriculteur, c’est accepter les pertes et les succès que l’on peut rencontrer ».
Marié en décembre 2021, Ablacé Sebgo bénéficie aussi du soutien de son épouse Asseta Koala. Elle dit partager la même vision que son époux surtout dans le domaine de l’entrepreneuriat agricole.
«C’est quelqu’un qui se bat. Nous partageons la même vision. Il a toujours fait de l’entrepreneuriat son ambition. Sur ce point, je l’encourage et je le soutien de mon mieux », a ajouté Asseta Koala.
Pendant que nous quittions ce champ de 3 hectares le 26 juillet, nous apprenions que l’étudiant en médecine possède un autre champ de sorgho de 3,5 hectare de sorgho à environ 4 km à l’Est de la ville. Ce deuxième champ du jeune entrepreneur est clôturé à l’aide d’un grillage pour empêcher les animaux d’accéder aux cultures. Sur les lieux, on voit les tiges de sorgho bien poussées au milieu des herbes. « J’ai utilisé les semences améliorées subventionnées », a-t-il dit.
Dans la commune de Ziniaré, région du Plateau central, située à une quarantaine de kilomètres de Ouagadougou la capitale du pays, les jeunes s’adonnent de plus en plus à l’agriculture. Ablacé Sebgo est l’un des exemples palpables de jeunes ambitieux, désireux d’apporter leur touche au développement du pays.
La faible modernisation de l’agriculture burkinabè constitue un grand obstacle pour ces entrepreneurs agricoles. Cette faible modernisation a pour conséquences immédiates, la non maîtrise du cycle de la pluviométrie, l’insuffisance des équipements agricoles mécanisés.
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