Bonne humeur de Frank Pougbila
Mon voisin est décidément génial. En cette matinée du 12 mai, alors que les musulmans du Burkina Faso font une rallonge du jeûne parce que la lune n’a pas été vue la veille, mon voisin se retrouve devant un copieux petit déjeûner. El Hadj de surcroit, il ne se gêne pas pour manger en public. Si certains colocataires de notre célibatorium se contentent de l’observer du coin de l’œil avec un air de reproche, en tant que journaliste, je n’ai pas pu freiner ma curiosité.
– « Voz, mais pourquoi manges-tu en cette période de jeûne », ai-je questionné.
– « Mais voz, tu oublies que j’ai la double nationalité. Je profite des avantages qu’offre ma nationalité nigérienne. La lune a été vue hier au Niger. Donc c’est la fin du carême. En tant que nigéro-Burkinabè, mon jeûne a pris fin », me retorque mon voisin, tout en brisant un os, probablement une cuisse de poulet.
Sacré voisin. Sa logique a fini par semer le doute dans mon esprit, moi qui ai jeûné aujourd’hui. Comment la lune peut apparaitre au Niger, au Mali et partout en Côte d’Ivoire et oublier de se montrer aux fidèles burkinabè ? Ne sommes-nous pas tous des pays sahéliens ? Le terrorisme ne nous a-t-il pas réuni dans le G5 Sahel ?
Avant que je ne réalise l’énormité de mon geste, j’avais déjà avalé ma salive et arraché la cuisse de poulet matinale de mon voisin.
– « Voz, tu oublies que moi aussi je suis un sahélien et comme la lune a été vue dans plusieurs pays du Sahel, mon carême ne tient plus aussi »
*Voz : voisin en langage populaire