Plusieurs avocats, magistrats et bien d’autres agents de l’administration judiciaire ont rendu un hommage, ce 13 novembre 2024, à Me Titinga Pacéré au Tribunal de grande instance Ouaga I. Une cérémonie d’hommage organisée par l’Ordre des avocats du Burkina.
Par Nicolas Bazié
8 h ! La dépouille mortelle de Me Titinga Pacéré, escortée, est arrivée devant le Tribunal de grande instance Ouaga I. Le cercueil est transporté et d’abord déposé devant la Maison de l’avocat avant d’être conduit devant la Chambre correctionnelle n°1 du palais de justice. Et ce, tout en traversant une haie d’avocats vêtus de leur robe noire.
Plusieurs personnalités sont présentes. Ainsi, on a aperçu Me Barthélemy Kéré, président du Conseil constitutionnel ; Me Halidou Ouédraogo, président de la CODEL (Coalition pour l’observation domestique des élections) et membre de l’équipe de rédaction de la Constitution du 2 juin 1991 ; le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance Ouaga I, Blaise Bazié et bien d’autres autorités judiciaires. Sans oublier la famille du défunt et des personnalités venues de la Côte d’Ivoire comme ce chef coutumier qui a fait le déplacement à Ouagadougou pour assister à la cérémonie.
Les hommes de droit s’inclinent par la suite devant la mémoire d’un « intrépide combattant » qui a exercé sa fonction d’avocat pendant 51 ans, formant dans la foulée avocats et magistrats comme, par exemple, Me Prosper Farama, Me Apollinaire Kyélem (actuel Premier ministre du Burkina), etc. « Une prouesse », reconnaît Me Antoinette Ouédraogo, première femme avocate et Bâtonnière du Burkina.
Les hommages….
« Vous êtes ce condensé de savoir être, de savoir faire , vous êtes celui que l’on aime avoir comme père, comme repère », affirme-t-elle dans son discours d’hommage, comme si elle s’adressait à la dépouille mortelle de celui-là même qui a été son maître de stage.
« Reposez en paix parce que ceux que vous avez formés sont de véritables imitateurs, allez en paix ! Nous prions pour que la terre libre du Burkina vous soit légère. Bon voyage dans l’au-delà !», a déclaré Me Antoinette Ouédraogo qui ajoute ceci à propos du disparu : « Vous avez un lourd et dense héritage dans le domaine judiciaire». L’ancienne Bâtonnière fait comprendre que Me Pacéré a formé au moins 80 avocats.
Le représentant de la première promotion Pacéré au niveau du Centre de formation professionnelle des avocats, Me Mouhamadou Paré, soutient que le défunt restera immortel.
Il déclare : « Nous ne sommes pas ici pour nous plaindre, mais pour renouveler notre engagement. Nous voilà debout, mais lui couché. Couché mais prêt à bondir contre les injustices…Vous n’êtes point couché, vous resterez debout avec nous et en nous. Vous resterez immortel ! ».
À son tour, le Secrétaire général du ministère de la Justice, Harouna Kadio, a salué l’engagement d’un « défenseur des droits de l’Homme, d’un valeureux et digne fils, d’un guerrier » pour qui, fait-il savoir, « la nation sera éternellement reconnaissante».
Me Batibié Benao, actuel Bâtonnier du Burkina, a aussi reconnu que l’homme que lui et ses confrères pleurent était spécial. « Vous étiez l’ancêtre, un économe dans vos mouvements avec les mots bien placés », dit-il.
« En fait, vous n’aviez pas la parole, vous étiez la parole avec la magie du verbe. Adieu ! Adieu Papa ! », conclut Me Benao.
Une telle reconnaissance, Jérémie Tinga Ouédraogo, représentant la famille du défunt, la salue à sa juste valeur. « Votre accompagnement nous traduit toute la reconnaissance de la nation pour un homme qui a donné sa vie pour celle-ci», explique-il, poursuivant que Me Titinga Pacéré a joué un rôle sur le plan coutumier et culturel.
« C’est avec beaucoup d’émotions que nous apprécions cet hommage », ajoute Jérémie Ouédraogo qui rappelle que le défunt leur a formellement interdit de verser des larmes sur son corps.
D’après les témoignages lors de cette cérémonie d’hommage, si aujourd’hui il y a un Barreau, un Ordre des avocats, c’est parce que des devanciers et particulièrement Me Pacéré y ont contribué. « Ils se sont battus pour cela », a-t-on pu noter.
À un moment donné de l’histoire, l’homme qui a quitté définitivement la terre le 8 novembre 2024 à 81 ans a affronté le politique à telle enseigne qu’en 1986, il avait été suspendu sans conseil de discipline parce qu’il a plaidé pour l’ensemble de la corporation.
Homme de culture et des lettres ayant fondé l’un des plus grands musées privés de culture d’Afrique de l’Ouest, Me Pacéré est un «humaniste», qui semble avoir toujours préféré la paix.
À noter que c’est le 9 novembre 1973, qu’il a prêté serment pour la première fois en tant que premier avocat de l’ex- haute Volta.