L’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS) du Burkina et le projet Target Malaria ont organisé un atelier d’échanges sur le projet de moustique génétiquement modifié dans le cadre de l’élimination du paludisme. Ce projet qui est vulgarisé dans plusieurs pays du monde, se présente comme une solution alternative aux limites des autres outils conventionnels de lutte contre le paludisme.
Par Daouda Kiekieta
S’il y a un sujet qui fait polémique au sein de l’opinion publique burkinabè, c’est bien celui du projet de moustique génétiquement modifié pour lutter contre le paludisme de Target Malaria.
Cette polémique a été envenimée par le récent regain de l’épidémie de la dengue où certains pointent du doigt, à tort ou à raison, le lâcher des moustiques génétiquement modifiés en 2019 à Bobo-Dioulasso.
Lors d’un atelier d’échanges avec les professionnels des médias le mercredi 22 novembre 2023 à Ouagadougou, les premiers responsables de ce projet de recherche ont tenu à mettre les points sur les “i” : les moustiques responsables du paludisme, l’Anophèle, est différent de celui de la dengue communément appelé Aedes.
Selon Emmanuel Nanema, délégué général du Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST), le débat qui se mène actuellement sur la poussée de la dengue qui serait liée au lâcher des moustiques génétiquement modifiés en 2019, résulte d’une incompréhension.
«Cependant, les moustiques qui transmettent la dengue sont de nature différentes de ceux qui transmettent le paludisme. Ils ne doivent pas être confondus. Par exemple, on ne peut pas transformer une vache en chèvre. Des pays qui n’ont même pas mené de lâcher de moustiques connaissent une poussée de la dengue comme le Togo», soutient-il.
Que fait exactement Target Malaria?
Le projet d’impulsion génétique pour combattre les espèces de moustiques responsables du paludisme est la nouvelle tendance dans plusieurs pays d’Afrique et d’Europe et d’Amérique du Nord.
Ainsi, Target Malaria est implanté au Mali, en Ouganda et au Ghana avec une forte demande d’autres pays comme le Nigéria, le Sénégal et le Rwanda, indique Pr Abdoulaye Diabaté, chef du service d’entomologie médicale et de parasitologie de l’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS) et instigateur principal de Target Malaria.
L’approche de ce projet est de contrôler les moustiques responsables du paludisme à travers des technologies comme l’Agent Biocontrôle, la para-transgénèse, la Wolbachia et le moustique génétiquement modifié.
Au Burkina Faso, les chercheurs ont choisi l’approche de suppression des moustiques responsables du paludisme.
« Comme ces moustiques transmettent le paludisme et d’autres maladies, en réduisant leur densité, vous affectez non seulement le paludisme mais aussi les autres maladies », explique Pr Abdoulaye Diabaté.
Pour lui, les outils conventionnels de lutte contre le paludisme notamment les moustiquaires imprégnés ont montré leur limite d’où la nécessité d’explorer d’autres outils innovants.
«Si l’un a un moustiquaire, l’autre n’en a pas, ce dernier n’est pas protégé. Alors que si on lâche le moustique dans un village et que cela marche, que tu sois riche ou pas, cela protège tout le monde. L’autre avantage de cette technologie, est que c’est le moustique génétiquement modifié qui se charge de propager le gène d’intérêt au-delà de la zone où il a été lâché », ajoute-t-il.
Le rôle des moustiques lâchés en 2019
Contrairement aux rumeurs répandues au sein de l’opinion, les moustiques mâles stériles qui ont été lâchés en 2019 dans le village de Bana à Bobo-Dioulasso n’avaient pas pour objectif immédiat d’éliminer le paludisme. Cela constitue la phase d’un long processus qui a pour finalité de réduire les moustiques vecteurs du paludisme.
«Ce lâcher avait d’abord pour objet d’estimer la survie journalière des moustiques mâles stériles, ensuite la capacité de ces insectes d’identifier les essaims de moustiques en vue de leur reproduction et enfin leur rayon de dispersion», a souligné le premier responsable de Target Malaria, précisant que cette phase étant concluante, le projet poursuit son cours avec l’avant-dernière étape. Le moustique mâle biaisé représente la phase actuelle de la recherche au Burkina Faso.
Contrairement aux moustiques mâles stériles au niveau de la première phase, il s’agit d’un moustique mâle fertile qui est génétiquement modifié sans la technologie d’impulsion génétique pour produire une progéniture essentiellement mâle jusqu’à 95 % lorsqu’il s’accouple avec des femelles sauvages
Par ailleurs, Pr Abdoulaye Diabaté a souligné qu’une demande d’autorisation d’importation et d’études en milieu confiné a été soumise à l’Agence Nationale de Biosécurité (ANB), pour pouvoir commencer toute activité avec les moustiques mâles biaisés