Le secteur de la Culture fait partie des ministères ayant le plus faible budget lors du transfert budgétaire de l’Etat. Un phénomène qui impacte l’organisation des activités culturelles.
Par Frank Pougbila
La contribution du secteur de la culture au Produit intérieur brut (PIB) et à la création d’emplois décents a atteint 6 % en 2020, selon les chiffres du ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme. Pourtant, le département n’a obtenu que 0,34% du budget national alloué durant cette même année. Chose qui pousse des acteurs du monde de la culture à s’interroger sur les raisons de ce faible budget affecté à leur département.
Sans être dans «le secret des dieux », l’Administrateur du Carrefour international du théâtre de Ouagadougou (CITO), Martin Zongo voit trois raisons. La première, selon lui, est l’insuffisance de volonté politique. Il regrette que ce soit le ministère en charge de la Culture qui ait une faible dotation financière : « S’il y avait une suffisante volonté politique, on aurait pu trouver les voies et moyens pour que ce ministère, qui est un véritable foyer d’activités et un incubateur d’industrie culturelle, puisse avoir des ressources nécessaires pour mieux accomplir sa mission », a-t-il lâché. Et de rappeler que la culture joue un rôle important.
Il précise aussi que sur le terrain, le Burkina est un pays de culture dont les acteurs culturels produisent dans la musique, le cinéma, le livre, le théâtre. Il reconnait que dans les référentiels développement depuis le Programme populaire de développement (PPD) en passant par la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD) jusqu’au Plan national de développement économique et social (PNDES), la culture occupe une place prépondérante. Mais, ce n’est que de simples textes.
Comme deuxième raison, il note un déficit de cohérence dans l’action des autorités Burkinabè. Il rapporte que les instances comme l’UEMOA et la CEDEAO ont invité leurs Etats membres à porter le budget alloué à la culture à au moins 1% mais cela n’est pas effectif au Burkina. C’est pourquoi, l’Homme de la culture dit observer une sorte de paradoxe entre les louanges à l’endroit des acteurs culturels et le soutien manifeste qui est octroyé aux acteurs. « Dans les discours des autorités, ce sont des termes qui louent ce que notre pays présente comme productions culturelles», a–t-il fait savoir.
Absence de fibre culturelle
La troisième raison est «l’absence de fibre culturelle de certains dirigeants». Selon M. Zongo, les autorités sont pour la plupart des scientifiques ou des économistes qui n’ont pas eu à se frotter avec la culture. « Quand on ne maitrise pas les rouages d’un secteur, les tenants et aboutissants, et qu’on ignore les problèmes du secteur, c’est difficile d’être un bon avocat pour défendre ledit secteur », se désole-t-il. Les conséquences de ce faible budget alloué au ministère en charge de la Culture sont notamment l’insuffisance d’infrastructures solides et pérennes. Le peu existant est abimé et ne répond pas aux exigences du milieu.
A cela, s’ajoute l’absence d’équipements de qualité dans les centres de spectacles. « Si vous regardez les projecteurs et le matériel sonore du CITO, ils sont délabrés. S’il y avait un accompagnement, on aurait pu avoir de l’assistance pour avoir du matériel adéquat », affirme Martin Zongo. Il est persuadé que la solution se trouve dans les réalisations solides et pérennes. Sans un budget conséquent, la consommation de la production culturelle se trouve limiter. « Le CITO est soutenu par le Bureau de la Coopération Suisse. Nous n’avons pas un accompagnement suffisant de notre département pourtant notre contrat de partenariat avec le Bureau de la Coopération Suisse finit en 2022 », explique l’administrateur du CITO.
Tout comme lui, l’artiste-musicien et promoteur culturel, Abraham Abassagué alias Abraham Wez trouve que la culture n’est clairement pas une priorité pour les gouvernants. Pour s’en convaincre, il demande de parcourir le PNDES. « La prise en compte de la culture est dérisoire pourtant au Burkina, l’État demeure le principal financeur des activités culturelles », a-t-il noté. Abraham Wez précise que la faible intervention du ministère affaiblit la chaine de l’industrie culturelle et met en danger la sauvegarde et la promotion de l’identité culturelle.
Il préconise les formations pour pérenniser le patrimoine culturel : « Le »Festival Tiébélé Guigana’’, dont je suis le promoteur, prévoit des formations des jeunes filles et jeunes garçons dans des domaines tels que l’art culinaire et le tir à l’arc ». Et de renchérir que si l’État ne peut pas soutenir adéquatement l’activité, elle n’atteindra pas les objectifs et c’est l’État qui aurait échoué. Autre issue, au regard de la puissance financière limitée du département, M. Abassagué souhaite que l’Etat aille beaucoup plus vers les partenaires étrangers. « Les gouvernants doivent accorder un budget conséquent et prendre conscience que la culture est l’essence et le sens même de notre vie ».