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Burkina-Prix du sucre : « Si les choses continuent ainsi, je crains que les commerçants arrêtent de vendre le sucre », Ousséni Boundaogo commerçant

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Le gouvernement burkinabè a décidé que le prix du sucre en poudre soit de 600 F et le sucre en morceaux de 750 F le kilogramme, à Ouagadougou et à Bobo Dioulasso. Un communiqué du ministère du Commerce datant du 16 mars, a appelé les commerçants au strict respect de ces prix. 15 jours après, soit ce 31 mars 2022, Libre info a décidé de faire un constat dans la ville de Ouagadougou, pour voir si la mesure est respectée ou pas et l’effet que cela fait.

Par Nicolas Bazié

Il est 9h50 ce jeudi 31 mars, lorsque nous démarrons notre mobylette, direction les 1200 logements. Déjà au quartier Kalgondé, nous garons devant une grande boutique.

A l’intérieur, se trouve un homme de taille moyenne et la quarantaine bien sonnée. L’homme est un grossiste. Nous procédons aux salutations d’usage, puis notre présentation avant de lui dévoiler l’objet de notre visite.

« Je vais parler mais je ne veux pas de photo et je ne compte pas me présenter », nous a-t-il prévenu.

Comment vous vous débrouillez avec les prix du sucre fixé à 600 et 750 F le kilogramme par le gouvernement ? Avons-nous cherché à savoir.

« Je vous assure que nous souffrons », a-t-il répondu, avant de nous faire savoir que cette mesure du gouvernement est suicidaire et qu’il est difficile de la respecter à la lettre.

« Nous rencontrons de sérieux problèmes avec ces prix fixés par les autorités. Il ne suffit pas de s’assoir dans un bureau et de donner des ordres. La réalité sur le terrain est toute autre », a-t-il déclaré, signifiant qu’il est difficile d’avoir du bénéfice.

Pour nous montrer qu’il ne gagne vraiment rien du tout dans cette histoire, il nous a invités à faire un cours de mathématiques : « Moi je suis grossiste. Quand je vais à GENEDIS-BURKINA, j’achète 25KG de sucre morceaux à 18 750 F et 25KG de sucre granulé à 15 000F. Lorsque vous prenez 18 750 et que vous divisez par 25, vous obtiendrez exactement 750 ».

« Combien moi je peux gagner comme bénéfice ? », s’est-il interrogé. Et la réponse la plus immédiate qu’il a trouvée, c’est « rien ». Pourtant, il faut impérativement avoir un bénéfice, soutient-il.

Il poursuit que ce n’est pas une manière de contester la décision. Seulement, indique-t-il, quand on prend une mesure, il faut créer des conditions pour que l’on puisse la respecter.

A l’entendre, personne n’est contente quand il y a une augmentation des prix des produits, surtout les produits de grande consommation. « Même nous, commerçants, sommes des consommateurs avant tout », dit-il.

Les commerçants n’excluent pas la vente du sucre

Nous prenons congé de lui. Nous redémarrons notre moto, pour aller faire escale devant une autre boutique au quartier Zogona.

Là, c’est un détaillant. Nous entrons dans la boutique et c’est un apprenti qui nous accueille. Nous lançons la même question après notre présentation. Sans surprise, c’est toujours le même son de cloche.

« Le commerce du sucre est devenu un problème, depuis la mesure prise par le gouvernement », a-t-il laissé entendre. Il n’a même pas fini de parler quand le patron est arrivé avec le portable collé à l’oreille. « Ah voilà, je vous laisse avec le patron pour qu’il vous explique mieux », nous fait comprendre l’apprenti.

« Si les choses continuent ainsi, je crains que les commerçants arrêtent de vendre le sucre », a lancé le patron de la boutique du nom de Ousséni Boundaogo. Nous nous sommes rendu compte qu’il nous écoutait depuis notre arrivée.

« Lorsque je pars prendre le sucre à GENEDIS-BURKINA pour revenir vendre en détail, j’achète 25KG de sucre morceaux à 18 750 F et 25KG de sucre granulé à 15 000F. En réalité, le paquet fait 600 et 750 F. De retour dans ma boutique, il faut que j’ajoute quelque chose pour avoir un bénéfice. Je suis obligé de vendre à 650 et 800F », expliqué M. Boundaogo qui nous a montré les reçus de ses achats.

« Si je prends le kilogramme du sucre à 750 F et que je dois vendre à 750, vous conviendrez avec moi que je ne vais pas m’en sortir. Il disent que le bénéfice doit être de 40 F, mais malgré ça, c’est compliqué ».

« Moi j’ai décidé de ne plus vendre le sucre »

Ousséni Bandaogo fait noter que : « Quand un client vient acheter du sucre, ce n’est pas dans ses mains qu’on lui sert, c’est dans un sachet qu’on met le sucre. Et le sachet coûte 10F, 25F. Qui assure donc les frais du sachet ? Le gouvernement ? ». Pour lui, aucun commerçant ne fait du commerce pour perdre, c’est toujours pour avoir du bénéfice.

Au quartier Samandin, un boutiquier qui a préféré garder l’anonymat nous a confié qu’il a arrêté de vendre le sucre, car ne pouvant pas supporter les pertes.

« Moi j’ai décidé de ne plus vendre le sucre. Je ne prendrai pas le risque de vendre un produit qui me fait enregistrer des pertes. La mesure du gouvernement a un impact sur nous», se justifie le boutiquier, la mine froissée.

« Pourtant, si tu as augmenté de 50 F les prix du sucre et que les autorités te prennent, ce n’est pas intéressant. Donc pour éviter tout ça, j’ai préféré laisser tomber », nous raconte-t-il.

Néanmoins, comme le carême est proche, il dit être allé prendre quelques cartons de sucre pour vendre. « C’est juste ça », a-t-il affirmé, en nous fixant droit dans les yeux.

« On ne peut pas venir dire à des petits commerçants de vendre le sucre à 600 et 750 F le kilogramme, pourtant les grossistes ne nous font pas du cadeau », a-t-il martelé.

Justement, le carême des musulmans commence le 3 avril prochain, pour une durée d’un mois. C’est une période où le sucre est beaucoup consommé, et les fidèles musulmans seront sans doute confrontés à une augmentation du prix de ce produit de grande consommation.

Car, ils sont nombreux ces commerçants qui ne respectent pas les prix du sucre fixés par le gouvernement.

Tous les commerçants que nous avons eu à interroger sont unanime sur une chose : la concurrence. Pour eux, la concurrence est telle dans ce pays, qu’il faut se battre pour s’en sortir.

Ils souhaitent que le gouvernement comprenne d’abord cela, et tenir compte des réalités du terrain, avant de prendre souvent des mesures, qui peuvent s’avérer compliquées pour certains.

Le Général du négoce et de la distribution du Burkina (GENEDIS-Burkina), est un réseau de quatre agences d’import/export. La Société est spécialisée dans la distribution des produits de grande consommation et des matériaux de construction, depuis une quinzaine d’année.

Lire aussi: Burkina Faso : le prix du sucre en poudre est de 600 FCFA et en carreaux 750 FCFA

www.libreinfo.net

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