Ils étaient 4 à comparaître dans le même dossier le 19 septembre 2024 devant le Pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes terroristes. Il s’agit de B.A, D.I, D.A et de B.D. Le premier est poursuivi pour des faits d’ association de malfaiteurs terroristes et recrutement à des fins terroristes. Les trois autres, pour association de malfaiteurs terroristes. Libreinfo.net a suivi leur procès qui s’est conclu par des condamnations à de lourdes peines d’emprisonnement ferme et à des amendes.
Par Prisca Konkobo
Les quatres compères ont été appréhendés en 2020 à bord d’un car de transport en commun. Ils ont été arrêtés après un contrôle d’identité effectué généralement sur les axes routiers. B.A est le premier à s’expliquer à la barre
« Le 13 août 2020, on quittait Tamalé pour Dakola, Le 14 août, on a quitté Dakola pour Ouagadougou. Le 15, on a quitté Ouaga pour se rendre à Din. On partait étudier le Coran. On a vu un contrôle et on est descendu pour montrer nos CNIB (NDLR: carte nationale d’identité burkinabè). A mon tour, on m’a dit d’aller voir le chef. Ce dernier m’a demandé d’où je viens. J’ai dit que je pars à Din étudier chez D.H. Ils ont pris son numéro et l’ont appelé. Il a dit qu’il ne me connaît pas. Ils m’ont dit de chercher mes bagages. J’ai dit à mes trois autres compagnons de dire qu’ils ne me connaissent pas. Mais les FDS (NDLR: forces de défense et de sécurité) ont pris leurs CNIB et c’est ainsi qu’on a tous été interpellés».
«Quelle est cette coïncidence que vous quatre, vous décidez au même moment d’aller étudier le Coran ? », demande le Tribunal . «Ça seulement, je ne sais pas», répond B.A
«Pourquoi vous avez dit aux autres de ne pas dire qu’ils vous connaissent ?», continue le Tribunal. «C’est parce qu’ on allait les arrêter aussi», répond le prévenu.
«Pourquoi on va les arrêter ? C’est parce que vous n’êtes pas quelqu’un de clair ? On n’interpelle pas quelqu’un comme ça», relève le Tribunal.
D.I, cultivateur et berger de 54 ans, à son tour de s’exprimer, ne reconnait pas les faits. «J’ai dit que j’avais envie d’apprendre le Coran. Et D.A a dit qu’il connaît quelqu’un à Din qui peut me l’apprendre. On s’est entendu. On partait apprendre le Coran», fait-il savoir.
«Qu’est-ce qui peut vous pousser à votre âge à abandonner tout ce que vous faites pour aller jusqu’à Din? », s’étonne le Tribunal. «À n’importe quel âge, on peut étudier. Et je voulais apprendre pour enseigner à mes enfants», répond le prévenu. «L’explication ne tient pas. Car il y a plusieurs personnes à Tamalé qui peuvent vous enseigner», relève le Tribunal.
D.A, lui aussi, ne reconnait pas les faits à lui reprochés. «Ma femme a accouché. Pour faire le baptême, c’était compliqué parce qu’ils ont dit que je n’ai pas des connaissances du Coran. Je partais à Hamdallaye pour apprendre le Livre saint. Et à Dakola, j’ai croisé D.A qui m’a proposé d’aller étudier à Din. J’ai dit que je ne connais pas Din mais il m’a dit qu’il connaît là-bas. J’ai accepté de le suivre parce que nous sommes de la même localité. Mais sur la route, on a été interpellé par les FDS qui ont vérifié les CNIB. Puis, elles ont affirmé que nous sommes des terroristes. Sinon, je ne suis pas terroriste», se défend-t-il.
«C’est la première fois que j’entends qu’on refuse de baptiser un enfant parce que son père ne connaît pas le Coran», s’étonne l’un des juges . «Moi, j’ai vécu ça», répond le prévenu, tout nerveux.
B.D aussi nie les faits. «J’ai croisé D.A la veille du voyage. On s’est connu pour la première fois à Dakola. Quand on a causé, il m’a dit qu’il partait avec les deux autres étudier le Coran à Din. Moi, je partais à Nionkora au Mali. Je me suis retrouvé dans le car des trois autres parce que le mien est parti me laisser. »
Le procureur, en prenant la parole pour ses réquisitions, a éclairci certains points. «Le 15 août 2020, un car a été arrêté par les FDS dans le cadre d’un contrôle routier. Au début, les 4 compères ne voulaient pas dire qu’ils se connaissaient. Sur insistance, ils ont révélé qu’ils se rendaient à Din pour rejoindre un groupe terroriste», fait-il savoir.
Selon les explications du procureur, B.A a affirmé avoir été contacté par un leader terroriste avec qui il était déjà en contact. Ce dernier lui aurait dit qu’ils voulaient installer une nouvelle base et qu’ils avaient besoin de nouveaux adhérents. Il a promis une récompense à B.A qui a accepté la mission. En vue de la réussir, il a multiplié les prêches dans le village et a pu recruter ses 4 compères.
«Aujourd’hui, ils ne reconnaissent pas les faits. Mais on a noté beaucoup de contradictions. Si c’était un simple voyage pour apprendre le Coran, pourquoi demander à ceux-là de dire qu’ils ne se connaissent pas », s’est demandé le procureur.
Il a requis que B.A soit condamné à une peine d’emprisonnement de 21 ans ferme assortie d’une période de sûreté de 18 ans et d’une amende ferme de 2 millions de F CFA. Pour les autres, il a demandé une période d’emprisonnement de 21 ans dont 17 fermes et 10 ans de sûreté, assortie d’une amende ferme de 2. millions de F CFA.
Le Tribunal, dans sa décision, a reconnu les quatres compagnons de voyage coupables des faits à leur reprochés. B.A a écopé de 21 ans d’emprisonnement ferme assortis d’une période de sûreté de 15 ans et d’une amende ferme de 2 millions de F CFA.
Les trois autres ont écopé de 21 ans de prison dont 10 fermes, une période de sûreté de 8 ans, et d’une amende de 2 millions de F CFA.