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Burkina/Terrorisme : Trois condamnations à vie pour l’attaque d’une brigade de gendarmerie

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Le pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes terroristes a organisé du 22 juillet au 07 août 2024 la deuxième session de l’année des jugements de présumés terroristes. Pour des raisons sécuritaires, la consigne a été donnée aux journalistes qui couvraient les procès de ne faire aucune publication y relative durant toute la session. Après la fin de ladite session, Libreinfo revient dans une série d’articles sur les procès qu’il a couverts. Nous débutons par le procès de quatre auteurs présumés de l’attaque de la Brigade territoriale de gendarmerie de Samorogouan dans la province du Kénédougou (région des Hauts-Bassins). Ils ont été jugés le 22 juillet dernier et trois d’entre eux ont été condamnés à la prison à vie et à payer solidairement 70 millions de FCFA de dommages et intérêts.

Par Prisca Konkobo 

Le 9 octobre 2015, le Burkina connaît l’une de ses premières attaques terroristes. La Brigade territoriale de gendarmerie de Samorogouan est attaquée par des hommes armés. Tout commence le 7 octobre 2015. Trois bergers aperçoivent un groupe d’hommes suspects en brousse. Se sentant découvert, le groupe les enlève. 

La gendarmerie se lance à la recherche des otages et, par ricochet, le groupe suspect. Traqué, le groupe décide d’attaquer en premier la gendarmerie. Au petit matin du 9 octobre 2015, il lance l’assaut. Bilan : trois gendarmes tués. 

Les accusés sont au total 4 à comparaître à la barre le 22 juillet 2024 afin que la vérité sur cette attaque éclate. S.L, D.S, S.D et D.A, sont devant les juges pour répondre des faits à eux reprochés. M.M et S.A, également soupçonnés d’avoir participé à l’attaque, ont été appréhendés au Mali. K.M et O.A, aussi prévenus, sont décédés.

S.L est le premier à comparaître. Il est poursuivi pour « association de malfaiteurs, assassinat, dégradation involontaire de biens ». Âgé de 29 ans, il raconte avoir rencontré son « mentor », O.A, en 2016 (ce dernier a été tué lors de l’opération à Rayongo, un quartier de Ouagadougou). O.A le convainc de rejoindre le Groupe Al Qaïda à l’aide d’une vidéo de prêche. 

« Que disait la vidéo ? », demande le président. « Je ne m’en rappelle plus », répond le prévenu.

« Qu’est-ce qui vous a convaincu exactement dans la vidéo ?», charge encore le président du tribunal. « On y racontait l’histoire de Dieu », rétorque S.L.

« Qu’est-ce qu’on disait de Dieu ?» insiste le président. « Je ne m’en rappelle plus », persiste le prévenu.

S.L ne se reconnaît pas dans l’attaque de Samorogouan. « Je ne suis pas impliqué dans l’affaire de Samorogouan. Quand j’ai intégré le groupe, l’attaque de Samorogouan s’était déjà déroulée », se défend-t-il.

« Qui est-ce que votre groupe combat et qu’est-ce que vous voulez ?», interroge le tribunal. « Je ne peux pas répondre à cette question parce qu’à peine j’ai intégré le groupe que j’ai été arrêté », répond-t-il.

Insatisfait des réponses, le tribunal insiste. Pourquoi avoir intégré le groupe ? En réponse à cette question, le prévenu affirme : « Je voulais avoir un monde islamique ».

Un guetteur inconstant 

C’est lors des enquêtes que D.S, né en 2001, a été appréhendé. A la gendarmerie et devant le juge d’instruction, il dit avoir fait le guet lors de l’attaque de la Brigade territoriale de Samorogouan. Et qu’il aurait aperçu S.L pendant les événements.

Ce 22 juillet, sa version change. « C’est mon grand frère qui m’a remorqué. Il était avec un groupe. Ils nous ont amené en brousse, moi et deux autres. Ils ont garé les motos et on a marché. Arrivés à un certain endroit, ils nous ont dit de nous arrêter ici. Puis, on a entendu des coups de feu. Et ils sont revenus nous chercher après. Je ne sais même pas où on est parti », fait-il savoir.

Quant à la présence de S.L sur les lieux, il dit n’avoir rien remarqué. : « C’est parce que j’ai été battu à la gendarmerie que j’ai dit que je l’ai vu ».

D.A, 64 ans, comparaît également pour cette affaire. Il se veut catégorique. Il affirme n’être au courant de rien. « C’est à la radio que j’ai appris qu’on a attaqué la gendarmerie de Samorogouan. Le jour où l’attaque s’est déroulée, j’étais au champ à 50 km de Samorogouan. J’ai été arrêté parce qu’un des assaillants a séjourné dans ma cour une semaine avant », explique-t-il.

Cependant, D.A dit appartenir au mouvement sunnite. Selon lui, la prise de photos   est interdite dans sa religion. Pour cela, il n’a pas de carte d’identité. En outre, D.A affirme n’avoir aucun problème avec le fait que le Burkina soit un État laïque. 

Selon les informations du tribunal, D.A se livrait à des prêches dans des villages en appelant la population à ne pas se faire établir des cartes d’identité, des passeports et des actes de naissance. Des faits que le prévenu rejette catégoriquement. Il dit n’avoir prêché qu’une seule fois. 

S.D, 52 ans, est le dernier à comparaître. Il ne reconnaît pas les faits à lui reprochés à savoir « association de malfaiteurs terroristes, complicité d’assassinat, complicité de dégradation involontaire de biens, détention illégale d’armes à feu ».

« Je fais de la pharmacopée. M.M (arrêté pour des faits similaires au Mali) a pris des médicaments contre les hémorroïdes. Et un an après, il est venu régler ce qu’il me doit. Il m’a dit de l’accompagner et m’a amené voir son chef S.A. Pendant la rencontre, mon téléphone sonnait beaucoup. S.A a dit que nous sommes des espions et que si on s’amuse à les dénoncer, ils vont casser notre tête sur le goudron. Je ne suis pas au courant de l’attaque de Samorogouan. C’est un de mes amis qui m’en a d’abord parlée le lendemain des faits. J’ai un autre ami qui est venu me raconter deux jours après qu’il a fait partie de l’attaque. Il m’a dit qu’on l’a forcé. C’est tout ce que je sais », dit-il.

« Pourquoi vous détenez par devers vous l’information sans informer une autorité ?», demande le président.

« C’est parce qu’il nous a menacé. J’ai eu peur. Et on avait peur de l’autorité aussi. C’est la peur sinon il n’y a rien. Y a aucun lien entre nous. Je n’ai jamais appris le maniement des armes, je n’ai jamais fait ça », fait-il savoir.

Appréhendés au Mali pour des faits au Burkina

M.M et S.A ont été appréhendés au Mali pour des faits similaires. Interrogés par les autorités maliennes, ils expliquent ce qu’ils savent de l’attaque de la Brigade territoriale de Samorogouan. Leurs déclarations sont consignées et ont été lues à l’audience par un des juges.

« Il dit qu’ils étaient dans une forêt aux alentours de Samorogouan au nombre de 13. Des bergers ont découvert leur cachette et ils craignaient qu’ils les dénoncent. Ils préparaient l’attaque dans la forêt et en ont parlé au berger. L’un des bergers a accepté, un autre a refusé et le troisième s’est échappé. Celui qui a accepté leurs idéaux a été relâché après et celui qui a refusé a été égorgé. C’est après ces événements qu’ils se sont dirigés vers la Gendarmerie. Neuf d’entre eux étaient armés. Aux environs de la Gendarmerie, ils ont ouvert le feu avec des fusils kalachnikov et un avait un fusil mitrailleur ». Telles sont les déclarations de M.M.

Néanmoins, « il présente ses excuses, expliquant s’être égaré comme tout être humain. Qu’il pensait faire le djihad mais à présent il sait que ce n’est pas le cas. Il s’est excusé ».

S.A, lui aussi, a été entendu par les autorités maliennes. Sa déclaration est lue par l’un des juges. Il est le fondateur du groupe. Il explique que l’objectif est d’instaurer le gouvernement d’Allah. Il dit que l’Homme ne peut pas vivre comme un animal ; il doit vivre selon le Coran. Il affirme également que c’est lui qui a égorgé le berger dans la brousse car il a informé les gendarmes de leur présence.

Réquisitions du procureur et verdict du tribunal

Pour le procureur, les faits reprochés aux prévenus sont caractérisés. Il a requis la perpétuité contre S.L, D.A et S.D. Contre D.S, mineur au moment des faits, il a demandé une peine d’emprisonnement de 15 ans ferme avec une peine de sûreté de 10 ans.

Appelés à la barre pour leur dernier mot, les prévenus ont tous, une fois de plus, nié leur implication dans les faits.

Dans son verdict rendu le 31 juillet 2024, le tribunal a reconnu les prévenus coupables des faits à eux reprochés. En répression, le juge a condamné S.L, S.D et D.A à la prison à vie. D.S, mineur au moment des faits, a été condamné à 5 ans de prison.

Les condamnés doivent solidairement payer la somme de 70 millions de francs CFA au titre des dommages et intérêts aux victimes ayant fait des réclamations. 

Un mandat d’arrêt a été décerné contre M.M et S.A.

Le tribunal a, en outre, déclaré l’action publique éteinte à l’encontre des prévenus décédés.

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