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[Interview]:raffinerie d’or au Burkina « nous saluons cette vision du président de la transition », syndicat d’orpailleur

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Avec 57 tonnes d’or produits en 2022, le Burkina Faso est l’un des grands producteurs d’or en Afrique de l’Ouest. Cependant, le secteur de l’exploitation artisanale d’or, qui occupe près de 2 millions de personnes, échappe toujours au contrôle de l’Etat. Lors du lancement de la construction d’une usine de raffinerie d’or, le chef de l’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré a invité les orpailleurs à « ramener l’or vers l’intérieur ». Dans cette interview avec Libreinfo.net , le secrétaire général du Syndicat national des exploitants miniers artisanaux du Burkina (SYNAMAB), Koutiga Kouama, salue la démarche des autorités et demande leur accompagnement pour mieux organiser le secteur.

Propos recueillis par Daouda Kiekieta

Libreinfo.net : Quel bilan faites-vous de l’exploitation artisanale de l’or aujourd’hui ?

Koutiga Kouama : L’exploitation n’est pas au beau fixe en raison de l’insécurité. Sinon comme le président l’a dit lors de son entretien, on peut estimer, selon les sources de l’État, que chaque année, l’orpaillage enregistre plus de 9 tonnes d’or.  En réalité, cela peut être vérifié si tout est bien organisé et ordonné.

Libreinfo.net : Comment expliquez-vous la fuite d’or artisanal du Burkina Faso vers d’autres pays ? 

Koutiga Kouama : L’explication est simple. Quand tu sers trop l’étau, les gens cherchent d’autres moyens pour s’en sortir. Dans les affaires de la vente d’or, c’est qui dit mieux. L’argent que l’exploitant va investir pour l’exploitation de l’or, le produit revient à ce dernier.

Un exemple, moi je suis commerçant et bailleur. L’artisan est là, il n’a pas l’argent pour pouvoir chercher l’or. Moi je finance et en retour, l’or m’appartient. J’ai eu la chance de participer à une rencontre des pays membres de l’UEMOA sur l’harmonisation des taxes parafiscales.

Aujourd’hui, chaque pays a ses taxes et certaines sont moins chères par rapport à celles du Burkina. Je prends un pays voisin, dont je ne vais pas citer le nom, où des gens partent vendre leur or exploité au Burkina, parce qu’il y a des avantages.

Libreinfo.net : Comment faire pour remédier à ce problème de fuite d’or ?

Koutiga Kouama : à la rencontre de l’UEMOA, on était en train de voir comment mettre en place une fiscalité qui va répondre au besoin de ceux qui font ce travail. Quand tu vas dans un pays de l’espace UEMOA, le prix sera le même. C’est déjà une vision que les pays membres ont trouvé pour essayer de remédier à cela.

Libreinfo.net : le président Ibrahim Traoré a procédé à la pose de la première pierre de l’usine de raffinerie d’or le 23 novembre 2023, comment avez-vous accueilli cette initiative ?

Koutiga Kouama : Nous avons accueilli cela positivement parce que c’était l’une de nos préoccupations. Parce qu’un pays qu’on classe 4e dans la production d’or, qui n’a pas cette usine, c’est un problème. D’autres diront que ce n’est pas la peine de faire une usine de raffinerie mais nous, nous trouvons que c’est bon.

Donc, nous saluons cette vision du président de la transition, vraiment, nous accueillons favorablement ce qu’il a donné comme idée. Nous allons l’accompagner dans ce sens. Nous demandons à nos artisans miniers de voir dans le même sens. Parce que c’est pour l’intérêt général du Burkina Faso.

Libreinfo.net : Au même moment, il a lancé un appel aux orpailleurs de « ramener l’or vers l’intérieur pour être raffiné », vous pensez que cet appel sera entendu par vos militants ?

Koutiga Kouama : Tout à fait. Si le secteur de l’orpaillage est bien contrôlé et que les acteurs sont bien accompagnés surtout, il n’y a pas de raison pour que cet appel ne soit pas entendu. Par exemple, on ouvre une banque où les gens auront l’argent pour acheter l’or, cela facilitera la tâche.

Si quelqu’un n’a pas l’argent, il ne peut pas acheter l’or. Donc ce sont des éléments qu’il faut prendre en compte. Si c’est accompagné, suivi et contrôlé, l’or ne va pas sortir du Burkina.

Ce sont des risques d’aller vendre son or ailleurs. Mais si c’est sur place ici, il n’y a rien de tel. Nous allons, tous, gagner. L’objectif final, c’est de savoir où va l’or. Il faut qu’on ait l’œil sur notre or.

Si l’État va nous accompagner, nous sommes prêts à aller dans ce sens. Organiser les sites, donner des zones dédiées à nos artisans miniers pour qu’on puisse revendre l’or à la raffinerie.

Libreinfo.net : Que dites-vous si certains orpailleurs semblent opposer une résistance lorsque l’Etat veut appliquer les règlements en matière d’organisation et d’encadrement de l’orpaillage ? Je prends par exemple, pendant les saisons pluvieuses, l’ultimatum de cesser les activités d’orpaillage n’est pas respecté.

Koutiga Kouama : Quand vous parlez de saison pluvieuse, souvent, c’est un problème de compréhension. La suspension des activités n’est pas l’arrêt total des activités parce qu’il y a d’autres activités qui se mènent hormis l’exploitation de l’or. Les gens font d’autres activités sur le terrain.

Mais les gens parlent de fermeture de site. Non, c’est la suspension des activités d’exploitation de l’or. Cela fait un amalgame entre fermeture et suspension. Quand on dit fermeture, personne ne rentre sur le site donc la suspension des activités de l’extraction.

Quand vous parlez de quitter les lieux, il faut au préalable prévenir les acteurs. Les gens ne savent pas ce qu’on appelle anticiper. Cela me permet d’aborder la question des conflits entre orpailleurs et exploitants industriels.

Les conflits on peut les anticiper si réellement on prend en compte les avis des acteurs concernés. Mais les gens sont là dans les bureaux, ils donnent un feu vert : tu peux les déguerpir et c’est parti. Ce n’est pas comme cela.

Les artisans miniers sont des géologues locaux. Ce sont eux qui devancent les industriels pour la recherche de l’or. Lorsqu’on veut les déguerpir, au moins un minimum de respect parce que ces orpailleurs ne sont pas venus comme cela. Ils sont passés par des voies notamment celles de l’approbation des propriétaires terriens. Maintenant, on vient avec un papier, on nous a donné l’autorisation. Quelqu’un a dit si on t’envoie, il faut savoir t’envoyer aussi.

Je vais profiter de votre micro pour interpeller nos forces de l’ordre. Souvent, quand on t’envoie, il faut savoir t’envoyer. Ce sont des êtres humains comme vous, surtout les artisans miniers.

Comme je l’ai dit, ce sont des gens « durs » mais il faut souvent dialoguer. Dans certains conflits, quand nous arrivons, on se rend compte qu’il n’y a pas eu de dialogue au préalable. Donc on dialogue, on trouve des solutions et cela évite beaucoup de choses.

Libreinfo.net : Est-ce que la faute ne revient pas aussi aux artisans miniers, parce qu’il faut avoir des autorisations pour exercer sur certains sites ? Si des gens ne veulent pas avoir ces papiers pour exploiter, cela pose un problème non ?

Kouama Koutiga : Quand vous parlez de cela, renseignez-vous auprès de l’ANEEMAS qui a été remplacé par la société nationale des substances précieuses (SONASP). Au niveau de cette agence, ils vont vous dire ce qu’il y a. Combien de demandes d’autorisation n’ont pas connu de suite ?

Le problème quand vous demandez, on dit, il faut demander l’autorisation à celui qui a le permis de recherche. C’est ce dernier qui décide de vous donner ou pas. Pourtant, celui qui a le permis de recherche n’a pas le droit de faire l’exploitation semi-mécanisée ou artisanale.

Je prends par exemple les mines d’or de Poura et  Essakane. A Essakane , il n’y a pas de problème avec les exploitants miniers. Ils ont un couloir pour les artisans miniers avec un comptoir bien établi. Les orpailleurs travaillent sans problème. C’est cet exemple qu’on veut que les sociétés minières fassent.

S’ils trouvent qu’il y a des artisans miniers sur le site, ils trouvent un couloir pour eux. Hormis cela, nous avons demandé à l’Etat de nous donner des zones dédiées à l’orpaillage. Là, on ne se dérange pas. Mais du moment que le propriétaire du permis de recherche a trouvé les géologues locaux sur le terrain, qui ont cherché et qui trouvé leur site, ce sont les propriétaires terriens qui ont eu.

Quand on parle, on ne veut pas aller loin. Quand on part sur le site, il y a d’abord le propriétaire terrain et les chefs coutumiers qui donnent le terrain aux artisans miniers. Il n’y a pas d’autorités là-bas. Mais est-ce qu’eux-mêmes sont au courant que leur terrain appartient à quelqu’un. ?

S’ils étaient au courant, ils n’allaient pas donner. L’artisan minier ne peut aller dans un village trouver qu’il y a l’or et commencer à exploiter. Les autochtones, les chefs coutumiers et les chefs de canton sont tous là. Ils donnent leur accord. Tous ces gens sont au courant de leur arrivée. Donc, il y a toutes ces choses qu’il faut prendre en compte quand on veut déguerpir des exploitants miniers artisanaux.

Libreinfo.net : Quels sont les défis actuels auxquels le secteur est confronté ?

Koutiga Kouama :  Nous rencontrons beaucoup de difficultés. Nous demandons qu’il y ait une concertation, des rencontres périodiques avec les structures des artisans miniers et la chambre des mines pour anticiper les conflits. Qu’il ait une rencontre avec les différentes parties prenantes qui interviennent dans le secteur minier.

C’est un secteur porteur, c’est un secteur qu’il faut regarder avec un bon œil. Donc c’est un secteur qui a besoin d’organisation. Un artisan, s’il est bien organisé, gagne beaucoup plus que dans le désordre. Ceux qui ont compris cela veulent qu’on organise. On est prêt pour l’organisation. Je crois qu’il y a des réformes qui sont en cours et le désordre va finir.

Libreinfo.net : L’orpaillage est accusé d’être une source de financement du terrorisme, à votre niveau comment vous travaillez à éviter cela ?

Koutiga Kouama : Certains sites d’orpaillage peuvent être source de financement pour les terroristes comme on l’entend un peu partout. Mais je vais dire qu’un vrai artisan minier, un vrai orpailleur, n’a jamais pensé à faire ce genre de truc.

On dit qu’il y a des brebis égarées partout. Il peut y avoir des brebis égarées dans le rang des orpailleurs, sinon un vrai orpailleur burkinabè n’ose pas faire ces choses-là.

Mais bon je ne peux pas défendre ce dossier, parce que partout il y a des brebis égarées. Notre sensibilisation à l’endroit des militants, c’est d’éviter cela. Nous, en tant que responsable, on les sensibilise sur ce côté.

Libreinfo.net : Comment résoudre tous ces problèmes ?

Koutiga Kouama : Les solutions sont simples. Il faut qu’il y ait des rencontres permanentes avec la chambre de commerce, le ministère et les acteurs qui interviennent dans ce secteur. Je crois que la chambre de mine est en train de faire ce travail.

L’autre aspect, c’est de trouver des couloirs dédiés à l’orpaillage. Des couloirs juteux, des couloirs qui donnent. Je pense qu’ils sont en train de faire ce travail. Lors de la rencontre à Gaoua, ils sont revenus là-dessus. Ils ont dit qu’ils sont prêts à ouvrir la porte pour dialoguer et trouver des solutions.

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