Au Burkina, des productions de journalistes sont récompensées chaque année à travers un concours dénommé « Prix Galian », initié par le Ministère de la Communication en 1997. En 2017, soit 20 ans après, il a institué le « Super Galian » qui octroie à son gagnant, en plus des autres récompenses, une villa. Mais quel est l’impact réel de ce prix sur la carrière et la vie sociale du journaliste ?
Par Nicolas Bazié
La 27e Nuit des Galian est prévue dans la soirée du 14 juin 2024 au Centre national des arts, du spectacle et de l’audiovisuel (CENASA). A cette occasion, il sera décerné le Super Galian au lauréat qui se sera le plus illustré avec ses œuvres.
En attendant, Libre info a rencontré des lauréats de ce prix le plus prestigieux et le plus convoité chaque année par plusieurs professionnels de médias qui soumettent leurs œuvres à cette compétition.
Depuis son institution il y a de cela 7 ans maintenant, six journalistes ont eu le privilège de le remporter. Ils ont été récompensés avec des villas clés en main, des chèques et de bien d’autres lots.
Parmi eux, il y a Hugues Richard Sama, journaliste reporter à L’Observateur Paalga, un quotidien privé.
Le journaliste Sama a remporté le Super Galian en 2019, à 24 ans, avec ses œuvres, « Échangeur du Nord : Pour aller à Larlé, on monte ou on descend ? » et « Maladies mentales dans la région du Nord : le sacerdoce fou de « vagabonds de la charité ».
Il a été récompensé d’un trophée, d’une attestation, d’une villa d’une valeur de plus de 20 millions de FCFA ainsi que de 3 millions de FCFA en numéraire, d’une moto et d’un billet d’avion.
C’est avec humilité que la plume d’or de L’Observateur Paalga soutient que le Super Galian ne fait pas de l’heureux-gagnant un super journaliste. Bien au contraire !
« Il faut relativiser ce prix. Il y a de bons journalistes qui n’auront pas le Super Galian. Nous faisons un métier où l’humilité est très importante. Il faut tout le temps se remettre en cause et se dire qu’on est dans une école permanente où on ne cesse jamais d’apprendre », a dit le prodige de l’Institut panafricain d’études et de recherche sur les médias, l’information et la communication (IPERMIC) qui fait savoir que le Super Galian n’a pas fait de lui un « journaliste particulier ».
Selon lui, le prix a tout simplement changé l’image qu’il projette auprès des autres. « C’est une grande distinction qui vous met sur un piédestal. Le prix crée quelque chose de particulier, il nous fait avoir une bonne image auprès des confrères dont certains nous voient comme un modèle, un exemple à suivre. Je pense que je suis bien vu par mes confrères et bien d’autres personnes », fait-il comprendre.
Hugues Richard Sama affirme que le Super Galian est « très bien vu » sur le curriculum vitæ (CV). « Je dois avouer qu’il ouvre beaucoup de portes. Je crois parfois qu’on me fait appel pour ce prix. Ce n’est pas dit quelque part mais, je sais parfois qu’on demande mes services parce que j’ai eu le Super Galian. Les gens présument certainement que je peux faire un bon travail. Je le sens au quotidien dans le fait que mes chefs me font aussi confiance dans un certain nombre de boulots », poursuit-il.
La particularité du Super Galian c’est qu’il est accompagné de ce que Richard Sama appelle «une récompense suprême » qu’est la villa. « C’est très important pour qui connaît le niveau de salaire et de vie des journalistes. Il faut beaucoup d’années pour se payer une terre. Lorsqu’on a la chance d’avoir une garantie avec une villa, c’est quelque chose d’énorme. C’est un bien impérissable », indique-il.
Par-dessus tout, il y a un impact sur la famille. Le journaliste Hugues Richard Sama se souvient encore de ce qui s’est passé en 2019 lorsqu’il a remporté le prix.
« Le plus heureux, n’était pas moi », déclare le plus jeune journaliste burkinabè de l’histoire à avoir remporté cette prestigieuse distinction. « Les plus heureux étaient mes parents », ajoute-t-il avec une anecdote à l’appui : « Au lendemain de la remise du prix, pendant que j’étais au boulot et que j’avais la tête ailleurs, papa et maman se sont invités pour prendre un pot à l’honneur de ce super Galian. »
Le Super Galian, une bonne dose de pression
Tout comme Hugues Richard Sama, Tiga Cheick Sawadogo, en service au Studio Yafa, est aussi lauréat du Super Galian.
Un prix qu’il a remporté en 2020 alors qu’il venait de quitter le journal en ligne Lefaso.net après y avoir passé 7 ans. « À Titao, de la résilience en attendant la résistance » et « Burkina : Djibo, la ville qui refuse de sombrer », ce sont ces reportages qui lui ont valu le prestigieux prix.
Il a aussi remporté la cagnotte de 3 millions de francs CFA, une villa d’une valeur de plus de 20 millions de francs CFA, un trophée et une attestation.
Quatre ans après, Tiga Cheick Sawadogo, le sourire aux lèvres, revient sur les retombées de ce prix. Il note que le prix a contribué à rehausser l’image de la presse en ligne en général.
Une preuve, selon lui, qu’il y a des bons journalistes dans tous les médias qu’ils soient de la radio, de la télé ou de la presse en ligne.
Le premier Super Galian de la presse en ligne reconnaît également que le prix ouvre certaines portes dans la récolte de l’information.
Et, dans son cas, « on me fait surtout confiance sur la manière dont je vais traiter l’information. Du coup, les sources sont beaucoup plus enclines à te fournir certaines informations, à te confier leurs histoires. Autres temps, ça aurait été plus difficile de traiter certains sujets. Tout cela est à mettre à l’actif du Super Galian ».
Le Super Galian, d’après lui, est une bonne dose de pression : « C’est un important prix. On a l’impression que chaque fois quand on écrit quelque chose, il faut que ce soit à la hauteur de la confiance placée au gagnant du prix. On fait plus attention parce qu’on signe de son nom. Ce nom-là qui est d’une manière ou d’une autre arrimé à l’excellence. Moi je le prends comme une consécration, une mission qu’on m’a confiée ».
Il arrive que le journaliste Tiga reçoive des sollicitations de médias surtout étrangers, soit pour traiter un sujet majeur, soit pour une mise en contact.
Nécessité d’un suivi…
Avec ce même sourire, Tiga Cheick Sawadogo a appelé les organisateurs du concours à mieux faire certaines choses de sorte à ce que les annonces qui sont faites publiquement lors des cérémonies « concordent avec la réalité du terrain ».
Tout en relevant un manque de suivi après la proclamation du résultat, le journaliste estime qu’il y a un hiatus important, notamment entre l’annonce de la remise du type de villa et celle qui est réellement remise.
« Quand habituellement vous vendez un produit à 1000 F et que dans le cadre d’un partenariat vous dites que le même produit fait 10 000 F, il y a un problème ». Cheick parle, en effet (pour son cas, ndlr), de la villa d’une valeur de plus de 20 millions de francs CFA qui, en réalité, a besoin d’un investissement conséquent pour être habitable.
Voilà pourquoi il suggère un suivi de la part du ministère de la Communication. « C’est pour s’assurer que le produit qui a été promis aux yeux de tout le monde est en adéquation avec la valeur qu’on lui a attribuée », insiste-t-il.
Comme Hugues Richard Sama, Tiga Cheick Sawadogo dit avoir aménagé dans sa villa, mais au prix de plusieurs investissements.