Le chef de l’État burkinabè, le capitaine Ibrahim Traoré a accordé un grand entretien à la télévision nationale diffusé le 3 février 2023. Il a abordé plusieurs questions notamment celles de l’armement, de la formation des VDP (Volontaires pour la défense de la patrie), de l’humanitaire, de la gouvernance, de la diplomatie, etc.
Par Nicolas Bazié
Le capitaine Ibrahim Traoré, président de la Transition et chef d’Etat du Burkina s’est exprimé sur la question de l’armement, dans le cadre de la lutte contre les groupes armés terroristes.
« Nous sommes en plein équipement, a-t-il dit. Nous sommes en train d’acquérir beaucoup de matériels».
Selon lui, les institutions internationales n’ont pas encore répondu à ses demandes de fourniture d’équipements militaires.
« Je lui ai verbalement demandé un appui de la CEDEAO » a dit le capitaine Traoré, en parlant de son récent entretien avec M. Umaro Sissoco Embalo, président en exercice de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest) et président de la Guinée Bissau.
La lutte contre le terrorisme sur le terrain
Le président de la Transition, le capitaine Ibrahim Traoré a dit reconnaître que les attaques terroristes ont multiplié et qu’elles prennent pour cibles les populations civiles.
«Les terroristes sont aux abois et ça fait qu’ils s’attaquent de plus en plus aux civils désarmés.(…). Ça, c’est aussi une manière d’interpeller la population, afin qu’elle garde le moral, parce que ça sera dur. Mais ça ne sera pas pour longtemps.» déclare-t-il.
« La guerre contre le terrorisme n’a pas encore commencé» déclare le capitaine Traoré. Il se dit convaincu que la victoire est certaine et que le pays retrouvera son calme d’antan : «Nous sommes sur le chemin de la victoire. Beaucoup de gens pensent déjà que la guerre a commencé. Ça va commencer dans quelques jours. Actuellement, ce sont des opérations ciblées.»
Il a fait comprendre que le renseignement est très important dans cette guerre. « Nous sommes en train d’élaborer nos bases de données. Nous avons des moyens qui nous permettent d’observer tout. Lorsque que nous découvrons des bases ennemies, s’il y a nécessité, nous les détruisons. Les opérations aériennes et terrestres vont bientôt s’intensifier. On est plus que convaincus, la victoire est certaine. Le pays retrouvera son calme d’antan.».
S’exprimant sur l’attaque récente à Falangountou dans la province du Séno, région du Sahel, le chef de l’État a tenu à faire une précision concernant le retour des terroristes dans la zone : « Revenir est une chose ; revenir et rester est une autre chose. Falangountou est en phase de consolidation. Des combats auront encore lieu avec les groupes armés. Et ça sera comme ça.»
Les soldats burkinabè pourraient poursuivre des terroristes et traverser les frontières. A ce sujet, le chef de l’État se veut rassurant concernant, par exemple, le cas du Niger : « Il y a des protocoles avec les autorités nigériennes qui pourront nous permettre de poursuivre les terroristes jusque sur le territoire du Niger.»
Selon ses explications, il est inutile de négocier avec un terroriste : « Comment peut-on négocier avec des personnes qui arrêtent des gens et les assassinent ? Nous n’allons jamais négocier avec eux.
Tendre la main est différent de négocier. La vocation de notre intervention n’est pas de tuer. Ceux des terroristes qui quittent les rangs, déposent les armes, nous sommes ouverts à les accueillir et à les réinsérer dans la société » a affirmé le capitaine Traoré.
Pour ce qui est des 66 femmes qui été enlevées à Arbinda par des groupes armés, le chef de l’État a affirmé qu’il y a un flou autour de cette affaire».
Du respect des droits humains dans la lutte contre le terrorisme
Sur ce sujet, le capitaine Ibrahim a promis que les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) ne seront plus seuls sur le terrain des opérations. « Nous souhaitons mieux encadrer les VDP ; c’est pourquoi ils ne sont plus seuls, ils sont désormais commandés par des militaires.»
Parlant des supposées exactions contre des civils, le chef de l’Etat a réagi en ces termes : « Lorsque les FDS sont en escorte, il y a des comportements que les gens doivent éviter. Il faut éviter de vouloir les filmer ou de vouloir prendre n’importe quel renseignement. »
Il a aussi parlé du massacre qui a eu lieu à Nouna, dans la province de la Kossi, région de la Boucle du Mouhoun.
« Des enquêtes sont en cours et c’est dans le domaine de la balistique qu’il faut faire les recherches . C’est très facile pour l’ennemi de commettre des exactions et de repartir. Qu’est ce qui prouve que ce sont des VDP qui ont commis ces actes ? Combien de fois les terroristes ont porté des tenues militaires pour s’en prendre aux FDS ? » s’est interrogé le chef de l’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré.
Pour ce qui est de l’enrôlement de 90 000 VDP, le président de la Transition soutient qu’ils auront tous des tâches à exécuter.
« Nous allons tous les prendre et les équiper. Il y a des personnes âgées et faibles physiquement ; il y a aussi des jeunes qui peuvent combattre ; Nous allons employer chacun selon ses capacités à exécuter telle activité ou telle autre. Il y aura du travail pour tout le monde».
De l’intervention des ONG sur le plan humanitaire
Les ONG qui interviennent sur le territoire sont nombreuses a dit avoir constaté le président Traoré : « Il y a assez d’ONG qui agissent sur le territoire. Il n’y en a trop au point où cela pourrait nous créer des problèmes. Mais il faut qu’il y ait un contrôle; nous devons connaître ce qui est dans les sacs, où est-ce qu’ils partent» lance-t-il.
Pour ce qui est du côté de l’État, le capitaine rassure qu’il n’y a pas eu de décélération.
« Les hommes se battent pour faire le ravitaillement et il se poursuit. La véritable difficulté c’est la location des camions , certains sont réticents à cause de l’insécurité. Nous avons ravitaillé beaucoup de localités et il en reste d’autres. Il faut impérativement les ravitailler ».
Des relations diplomatiques
Diplomatiquement, le Burkina Faso n’a aucun souci avec ses partenaires. C’est du moins ce que dit le président Ibrahim Traoré. Il reconnaît néanmoins qu’il y a eu des incidents avec la France mais rassure que cela n’a rien avoir avec les relations entre les deux pays.
« Nous n’allons pas nous asseoir et laisser notre peuple mourir» a déclaré le président Traoré montrant sa volonté d’aller vers des partenaires qui permettront au Burkina Faso de s’armer pour contrer le terrorisme.
« Il faut avoir le courage de faire certaines choses, nous avons un idéal pour ce pays, et nous avons pris des risques à cet effet. Nous recherchons des partenariats gagnant-gagnant » ajoute-il.
« Personne ne doit s’amuser avec l’avenir des jeunes, nous l’avons compris à travers les manifestations» , poursuit-il.
Concernant la question de la société paramilitaire russe Wagner, le président a fait savoir que la présence de ce groupe au Burkina a été créée « pour que tout le monde nous fuit. Les VDP sont nos premiers Wagner».
Le capitaine a aussi abordé la question du G5-Sahel. « Une analyse se fera sur le cas du G5 Sahel et on en décidera » si on doit y rester ou pas déclare-t-il.
Lutte contre la corruption
La lutte contre la corruption est également l’un des chevaux de bataille du chef de l’Etat. Une fois de plus, il a rappelé que l’Autorité supérieure de contrôle d’État et de lutte contre la corruption (ASCE/LC) a carte blanche pour faire son travail.
« La lutte contre la corruption est engagée et elle ira jusqu’à bout. Toutes les institutions seront visitées. La justice est tellement indépendante que nous n’interférons pas dans ses affaires » affirme le capitaine Traoré.
L’affaire 400 millions empochés par un capitaine est revenue dans cet entretien avec les journalistes. « Cela a créé une méfiance entre VDP et FDS et ça casse la lutte sur le terrain» soutient le capitaine Ibrahim Traoré, chef de l’État.
« Soit le journaliste n’a pas compris l’information soit il est de mauvaise foi» dit le président Traoré.
De la réforme judiciaire
Le président de la Transition, Ibrahim Traoré souhaite une justice bâtie sur les traditions africaines, où seuls les fous-furieux sont enchaînés, pendant que les prisonniers non dangereux, seront engagés dans les travaux d’intérêts publics, devant participer à la construction du Burkina et préparer leur prochaine réinsertion sociale.
«Je veux qu’on crée un nouveau type de justice au Burkina et non celui appris ailleurs. Une justice bâtie sur nos réalités, sur nos traditions» dit-il
« Je souhaite que les peines des gens qui sont dans les prisons, hormis les criminels dangereux, qu’on puisse transformer ces peines en travaux d’intérêts publics parce que le Burkina n’est pas construit d’abord. C’est un Etat qui n’est pas encore construit. Il faut qu’on puisse manger à notre faim. »
« Je ne vois pas bien qu’on condamne des gens, qu’on les dépose et qu’on les nourrisse» indique le chef de l’État qui explique que ces personnes doivent travailler dans les champs communautaires qui seront créés, dans les infrastructures, l’assainissement.
« A l’issue de cela, si le prisonnier a un bon comportement, qu’il a déjà appris un métier, on fait la réinsertion sociale. C’est mon rêve pour la justice. C’est de cette justice dont j’ai besoin. J’ai rencontré le conseil supérieur de la magistrature et les avocats à cet effet », a déclaré le président.
Contrôle du secteur minier
Le chef de l’Etat, le capitaine Traoré, dans son grand oral, a émis la volonté de mieux contrôler ce qui est extrait du sous-sol burkinabè.
« Il n’est pas évident que ce qui se passe actuellement soit à l’avantage du Burkina. Le système actuel ne nous arrange pas.» a-t-il dit.
Pour ce faire, il a annoncé qu’ « un projet de relecture du code minier est en cours ». Cette relecture devrait permettre de relancer et surtout de « révolutionner » le secteur minier.
« Il n’y a pas de laboratoire au Burkina qui puisse dire, combien de gramme d’or il y a dans une tonne de minerai. Cela se fait à l’extérieur et on vient vous dire que votre minerai contient un tel pourcentage d’or. Et quand elles (Ndlr : les sociétés minières) produisent, ce sont elles, encore, qui vous disent la teneur d’or » s’offusque le capitaine Ibrahim Traoré qui soutient qu’il faut impérativement revoir cela.
De la responsabilité de la presse
La presse doit travailler à motiver les soldats qui sont au front pour lutter contre les terroristes, suggère le président Ibrahim Traoré. « On ne veut pas museler la presse. Seulement il y a des propos qu’il ne faut pas tenir. Nos hommes de médias doivent pouvoir développer des techniques pour motiver les soldats au front.»
Sinon, il y a aussi de très bonnes choses qui se disent sur les plateaux télé. Mais tout compte fait il faut comprendre que le travail de l’information devrait s’adapter au contexte actuel de lutte antiterroriste. (…) Il y’en a qui ne voient que le mauvais côté, mais jamais le bon. Ils ne voient que l’obscurité jamais la lumière. En quoi ils contribuent à la lutte ? » lâche le chef de l’État.
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