A la conférence internationale organisée par le Centre d’analyse des politiques économiques et sociales (CAPES), le 4 septembre 2023, à Ouagadougou, au Burkina Faso, quatre panélistes dont le Pr Kako Kossivi Nubukpo, commissaire représentant le Togo à l’UEMOA ont communiqué sur le thème : « Souveraineté politique et monétaire dans l’espace CEDEAO : faut-il poursuivre la transition du CFA à l’ECO ? ».
Par Nicolas Bazié
A l’entame de sa communication qui a porté sur « l’articulation des politiques budgétaires et monétaires pour favoriser la croissance économique », le Pr Kako Kossivi Nubukpo, commissaire représentant son pays, le Togo à l’UEMOA a fait observer ce qui suit :
« A partir du moment où les présidents de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara et de la France, Emmanuel Macron, participent à la création de la nouvelle monnaie ECO, il est tout à fait normal qu’ils envisagent une monnaie qui sera l’illustration de la neutralité pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest à l’image du franc CFA (ECO CFA, ndlr)».
Dans cette perspective, il affirme qu’il y a « une raison opportuniste » derrière la création de cette monnaie qu’est l’ECO.
«L’ECO pourrait être du franc CFA qui absorberait progressivement certaines économies de l’Afrique de l’Ouest», soutient le Pr Kako Kossivi Nubukpo qui note par ailleurs que la monnaie présentera les mêmes insuffisances que le franc CFA. « Cela fait plus de 20 ans que je suis contre le franc CFA», a-t-il dit.
Dans la suite de sa communication, il indique: « Si la France décide de couper l’approvisionnement en francs CFA, nous sommes fichus» avant de se montrer catégorique : « L’existence du franc CFA depuis le 26 décembre 1945 n’a pas permis aux économies qui l’utilisent de s’en sortir. »

Selon lui, en Afrique, « nous n’avons qu’un taux d’échanges de 15%. Donc, on ne peut pas dire véritablement que le franc CFA a permis d’accroître les échanges».
« A quoi servirait donc d’avoir la même monnaie si nous n’échangeons pas ensemble ? » s’interroge le Pr Kako Kossivi Nubukpo qui fait comprendre que nous n’avons pas de taux d’échange.
Il soutient que « le franc CFA rattaché à l’Euro est une monnaie forte» sauf qu’il démontre aussi qu’une « monnaie forte agit comme une taxe sur les exportations et une subvention pour les importations. »
Et pour cause: « Lorsqu’on regarde le chiffre d’importation dans notre union (UEMOA), on voit très bien qu’on est incité à importer le riz Thaïlandais, indien parce qu’au fond, on a l’impression que cela coûte moins cher que si nous faisons l’effort de produire nous-mêmes».
Avec le franc CFA, « nos entreprises ne sont mêmes pas financées. C’est pratiquement impossible d’avoir un accès aisé au financement, parce que le principal objectif de la BCEAO, c’est la défense du taux d’échange entre le CFA et l’Euro et non le financement des économies.» a-t-il fait savoir.
Il a révélé que cet objectif assigné à la BCEAO est un choix qui a été porté sur le taux d’échanges au détriment des économies. «Voilà les conséquences d’une monnaie neutre», a conclu l’économiste, Pr Kako Kossivi Nubukpo.
ECO CEDEAO et ECO CFA
Que faut-il attendre de ÉCO CEDEAO, la monnaie qui ne sera pas neutre ? A ce niveau, le Pr Kako Kossivi Nubukpo affirme que la non neutralité de cette monnaie pourrait avoir un impact positif dans la croissance des économies ouest-africaines. Pour le commissaire à l’UEMOA, il faudra arriver à choisir entre l’ECO CFA (dont la France a la main mise) et l’ECO CEDEAO (purement africaine).
Cet ancien enseignant à l’université Thomas Sankara ex-Ouaga II (de 2010 à 2012) conclut que l’épine dorsale de la création de l’ECO est surtout le manque de solidarité entre les Etats. « C’est ce qui fait qu’elle a du mal à voir le jour», regrette l’enseignant.
Il déclare : « on a l’impression que nos chefs d’Etat veulent respecter les critères de convergence avant de créer la monnaie ECO. Si tel est vraiment le cas, même dans un siècle, nous ne créerons aucune monnaie. Il faut dire la vérité. Structurellement, nos économies ne convergent même pas.»
