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Commerce : « Je gagne ma vie dans la vente de parfum depuis 1998 »,(Nicolas Sorgho, handicapé)

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Dans la ville de Tenkodogo, Nicolas Sorgho, connu sous le surnom « Sarko », ou « Sarkozy », mène la vente de parfum comme activité. Handicapé physique, ce vendeur ambulant est un cinquantenaire et père de trois enfants. Son métier, il l’exerce depuis 1998 et le fait en parcourant toute la ville avec un vélo.

Par Natabzanga Jules Nikièma

Il est arrivé élégamment habillé. C’était dans un ensemble complet avec des souliers bien cirés. A l’épaule, il avait un vieux sac accroché. Il avance vers les clients assis en chansonnant. La main droite paralysée est suspendue à la poitrine. Le pied droit aussi paralysé, il marche en clochant.  Sur ces lèvres, apparait un sourire incessant. Il retire de son sac, deux marques différentes de parfum qu’il présente aux clients.

C’était avec la main gauche. Il indique la qualité pour chaque marque. Un client, de loin, l’interpelle par son surnom. « Hey ! Sarko, y-a-t-il une nouvelle marque ? », lui demande-t-il. Sarko se retourne et s’aperçoit qu’il s’agit d’un de ses fidèles clients qui cherche à le taquiner.

Sarko souriait toujours. Las des taquins, il finit par répondre. « Non », dit-il. Il ajoute qu’« il y aura un nouvel arrivage bientôt ».  C’est dans cette ambiance teintée d’air jovial que Nicolas Sorgho s’est livré à libreinfo.net.  « Il n’y a pas de sot métier et je me sens fier dans mon métier », lâche-t-il d’entrée.

Né en 1978 à Tenkodogo, Nicolas Sorgho a été inscrit à l’école primaire publique de Tenko-Nord. Après son admission au certificat d’étude primaire (CEP) et à l’entrée en sixième, il va poursuivre ses études secondaires au Lycée municipal de Tenkodogo.

Une activité entamée en 1998 après l’échec au BEPC

Il fréquente jusqu’en classe de 3e en 1992, mais, n’obtient pas le brevet d’étude du premier cycle (BEPC) comme souhaité. Nicolas raccroche alors ses études puis décide de se lancer dans la vie active. « J’ai été instruit et comme il n’y a pas d’activités, raison pour laquelle, je fais cela. Ce n’est pas forcement que tout le monde devienne des fonctionnaires. Mais, dans la vie quotidienne, il faut régulièrement se débrouiller. Mon papa n’était pas financièrement posé pour me soutenir à l’école, raison pour laquelle, je me suis engagé très tôt, dans la vie quotidienne et ce que je gagne comme activité, je le fais sans gêne, car pour moi, le handicap n’est pas une fatalité ».

La vente de parfum, il l’a fait depuis 1998. « Moi, je vends des parfums », a-t-il laissé entendre. Il précise que « chaque jour que Dieu fait, je sillonne la ville pour chercher la ration de la journée.  Cette ration journalière, c’est autour du parfum que je la gagne ».  Nicolas Sorgho a fait beaucoup d’activités avant de se stabiliser dans la vente du parfum.

Après 1992, il a été gérant de bar à l’Auberge Winnie Mandela de Tenkodogo. Après cette expérience, il s’est lancé dans la vente de la volaille. Il a aussi vendu des cassettes de musique dans une discothèque de la place.  Après cette activité, il a géré les toilettes (WC) publiques à Tenkodogo avant de se rendre à Bagré où dit-il, pour « gérer à nouveau une buvette ».

Il l’a fait durant trois ans.  De Bagré, il est revenu à Tenkodogo pour « continuer la bataille » dit-t-il. « C’est ainsi que je me suis lancé dans la vente des parfums », révèle-t-il. La décision a été prise une nuit suite à un rêve.

Sa technique est simple. Il va d’abord voir le commerçant détaillant, il prend une certaine quantité, part vendre et il revient en fin de journée faire un reversement de l’argent avant de reprendre une autre quantité. Et, ainsi de suite.  Il précise qu’il « paye cache. Je ne prends pas à crédit. Tout cela, c’est pour gagner la journée ».

La main levée souvent vers le ciel comme pour jurer, il indique que « Ce que je gagne comme bénéfices, j’envoie cela en famille. C’est ainsi que je contribue à l’entretien de la famille ». Il confie que « dans la vente de parfum, je gagne.  Economiquement, chaque jour je peux gagner au moins 500F ». Avec ces bénéfices souvent obtenus, « je complète souvent et je repars acheter d’autres produits ». Les bénéfices sont variables. « Il y a des jours favorables et des jours coriaces.  Le domaine commercial a toujours été ainsi et il faut tout accepter ».

Actuellement, il a une femme et trois enfants. Seule sa fille fréquente l’école. Elle est en classe de 3e. Son deuxième enfant a décroché les études pour apprendre le métier de soudeur dans un atelier de soudure métallique. « Je n’ai pas eu les moyens pour le soutenir à l’école » déplore-t-il. Sa dernière a l’âge de quatre ans et attend d’être encore inscrite à l’école à la rentrée prochaine.

Mon handicap, je le traine depuis mon enfance

Son handicap, il le traine depuis son enfance. « C’est à travers une injection contre la poliomyélite, depuis mon enfance que mes parents n’ont pas respectée.  C’est l’injection qui a provoqué mon handicap. Ma main droite est paralysée », explique-t-il.  Comme plongé dans le désespoir, il soupire puis lance : « J’ai fait paradoxalement beaucoup de métiers mais …hélas ! Vous savez, cela arrive souvent. Mais, pour ne pas rester les bras croisés, il faut toujours continuer à te battre car un jour viendra où tu auras une porte de sortie ».

Malgré tout, il rêve. « Mon rêve, c’est de gagner un endroit pour m’installer. J’habite chez moi. J’ai une cour mais un lieu de service, genre une boutique, me tient à cœur. Comme, je connais déjà mon domaine, celui de la vente de parfum, si je gagne un soutien, je vais créer ma propre boutique ». Pour le moment, il estime n’être pas encore stabilisé.

De son surnom « Sarko ou Sarkozy » qu’il répond fièrement, il laisse entendre. « Comme, je suis instruit et je parle avec franchise comme Nicolas Sarkozy, pour d’autres je parle mal comme lui, alors, on m’a surnommé Sarko ou Sarkozy » que j’accepte.

Il redresse ses lunettes au front puis lance qu’« un commerçant est un commerçant. N’importe quoi qu’on voit on peut vendre, sauf le caca.  Même le caca, si on gagne, on peut vendre ; il faut simplement savoir faire le marketing, parce que c’est du fumier.  On ne jette rien. Tout ce qui peut amener de l’argent, il faut le faire. Il ne faut pas voler seulement.  Ainsi, va la vie ».

Il sourit puis lance un cri de cœur. « Que la paix revienne au Burkina Faso pour que chacun d’entre nous puisse bénéficier, ce que nous allons bénéficier. Sans la paix, il n’y a pas de joie. Puisse dieu ramener la paix au Burkina Faso pour que nous puissions nous côtoyer et sentir le parfum de l’amour du prochain et du vivre-ensemble ».

Il lance également un appel. « Je veux dire aux personnes handicapées de ne pas se décourager parce que nous sommes comme toutes les autres personnes. Ce que toutes les personnes physiquement valides peuvent le faire, nous aussi on peut le faire.  On n’a pas droit à se décourager. Une fois que tu es découragé, ce n’est pas bien.  C’est comme les personnes bien portantes qui se disent souvent qu’elles sont découragées. Moi, je leur dis de ne pas se décourager car vous vous valez mieux. Vous avez deux yeux, deux pieds, deux mains, vous avez tout.  Donc, si vous vous découragez, vous insultez dieu en ce moment.  Nous, les personnes non valides, nous, on rend grâce toujours à dieu. Quand tu nous vois, on est propre, on est heureux, on le rend grâce en espérant que tout ira mieux un jour ».

Il présente sa tenue vestimentaire du jour avant d’ajouter. « On doit toujours être fier de ce qu’on est.  Ce n’est pas une fatalité.  Quel que soit la situation, si ça ne va pas, il ne faut pas laisser percevoir sur le visage. Il faut être toujours souriant. Seul dieu sait le devenir de tout un chacun. Raison pour laquelle quand vous me voyez, je suis toujours propre, élégant. Je ne me décourage pas. Je voudrais que quand tu me vois, tu ais envie de moi. Je dis aux personnes handicapées de pas se décourager. Il faut être optimiste ».

Un mendiant arrive puis quémande. Il le chasse puis soutient que « Moi j’ai refusé catégoriquement de mendier.  J’ai choisi de ne pas mendier parce que si je peux me battre, de ma manière pour gagner la ration de la journée, je dois le faire. J’ai dit non à la mendicité depuis mon enfance. Je me suis dit quel qu’en soit alpha, moi je vais me débrouiller dans la vie. Si tu me vois, tu me donnes ce que tu as, je rends grâce à dieu, tu ne me donnes pas, il n’y a pas de problème. L’essentiel que j’arrive à acheter mes parfums. Je rends grâce à dieu parce que je vois des personnes bien portantes, qui négocient des mégots de cigarette. Mais, moi je ne suis pas d’accord pour cela. La personne doit travailler et dis-toi que tu dois réussir un jour. C’est pour cela, je dis non à la mendicité.  Il faut travailler. Quand tu travailles ça paye.

Avant d’enfourcher son vélo pour continue sa vente, il fredonne une de ses chansons qui encourage et rend hommage aux personnes handicapées dont il dit préparer son album musical.

www.libreinfo.net

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