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Commune de Thiou (Nord): « on a réussi… à amorcer un dialogue avec les hommes de la brousse »(Ghassimi Diallo,maire de Thiou)

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La commune de Thiou est  située dans la province du Yatenga, région du Nord. C’est une commune frontalière avec le Mali. Elle vit le terrorisme depuis 2018. C’est une commune particulière qui tient ses sessions municipales jusqu’aujourd’hui, alors que les conseils municipaux des autres communes (Sollé, Banh et Kain) ont été délocalisés dans la ville de Ouahigouya pour insécurité. Thiou, avec une population de près de 50 mille habitants, est située à 35 kilomètres de Ouahigouya. Dans une interview accordée à Libreinfo.net, son maire Ghassimi Diallo, déclare que c’est le dialogue entamé avec les terroristes qui maintient sa commune en accalmie.

Par Siébou Kansié

Libre info (Li) : Comment se porte la commune de Thiou aujourd’hui ?

Ghassimi Diallo (A.D) : Dans la commune de Thiou, ça va. Ça va, parce que c’est calme. Mais ça ne veut pas dire que tout va bien. Il y a toujours ces personnes-là (terroristes) et on tente toujours de trouver des solutions définitives. Ce qui est intéressant, c’est que le calme y est et c’est déjà un grand pas.

Li : Le calme est revenu chez vous. Mais comment vous appréciez la situation sécuritaire dans le Nord ?

G.D : C’est une appréciation personnelle, ce n’est mi-figue, mi-raisin. Dans certaines parties, c’est le calme ; les gens arrivent à se parler, les gens commencent à se parler. C’est quelque chose de bien et dans d’autres localités encore, il y a des populations qui se déplacent malheureusement. On prend le cas récent des localités de Koumbri, de Barga et de certaines localités de Titao.

Li : Vous dites qu’il y a le calme dans votre commune pendant que la région dans sa globalité, souffre. Quel est votre secret ?

G.D : Dans la commune de Thiou, il y a quand même de l’apaisement depuis quelques mois, parce qu’on a réussi quand même, à amorcer un dialogue. On se parle.

Li : Vous avez amorcé un dialogue avec qui ?

G.D : Nous dialoguons avec les personnes qui sont en brousse. Les hommes de la brousse, c’est comme ça nous les appelons maintenant.

Li : Les terroristes vous voulez dire ?

G.D : J’ai dit les hommes de la brousse. Nous ne les appelons pas les terroristes.

Li : Vous les connaissez alors ?

G.D : ça, c’est rentrer en profondeur. Permettez-moi, de rester superficiel parce qu’il y a certains mots quand même, comme le problème est toujours là, qu’il faut éviter pour ne pas envenimer la situation. J’ai dit qu’on arrive à se parler et je pense que certains se connaissent. On se découvre avec le temps et ça permet quand même d’amortir et d’amorcer cette paix qu’on recherche depuis des années.

Li : Ce sont des gens de votre localité ?

A.D : Dans nos communautés, on sait que c’est généralement nos enfants qui se sont glissés là-dedans, même s’il y a souvent des étrangers. La majorité, c’est souvent nos enfants, ce sont nos populations et nous élus locaux, c’est un devoir pour nous de pouvoir parler à ces gens, parce que quoiqu’on dise, ce sont nos populations. Et si on arrive à se parler, c’est tant mieux encore. Voilà ce que je peux dire sans vouloir trop rentrer en profondeur.

Li : Est-ce que cette accalmie permet au Conseil Municipal de Thiou, de mener ces activités ?

G.D : À vous dire concrètement, si c’est la tenue des sessions municipales, nous n’avons jamais quitté Thiou. On a toujours tenu nos sessions à Thiou et c’est vraiment quelque chose de louable. Dieu merci, c’est comme ça. Mais s’il faut passer à la réalisation des activités, là, c’est une autre paire de manche parce que notre territoire est occupé à plus de 70% par ces personnes-là. Pour dire qu’on n’est pas libre de nos mouvements dans toute la commune. Là où c’est libre, et qu’on peut se déplacer, ne dépasse pas 20% à 30% du territoire. Donc, je peux vous dire qu’actuellement, quand on a des réalisations physiques, on fait tout pour que ce soit dans les zones ou c’est un peu libre.

commune de Thiou
Ghassimi Diallo,maire de la commune de Thiou dans la région du Nord du Burkina Faso.

Li : Qu’elles sont ces zones ?

G.D : Ces zones actuellement, Dieu merci, nous sommes des deux côtés de l’axe de la route nationale n°2 qui quitte Thiou jusqu’à Ouahigouya. Les villages qui sont au bord de la route sont assez libérés. Je profite féliciter l’armée pour ça. Et aussi, quand tu pars dans le sens de Thiou, le côté gauche est un peu libéré.  Donc il y a des villages qui sont loin, mais qui sont assez isolés et libérés et on arrive à construire. Actuellement, on a beaucoup de centres de santé, beaucoup de maternités, de forages qui se réalisent péniblement dans certains villages, mais ça se fait. On arrive à le faire.

Li : Est-ce que la rentrée scolaire a commencé à Thiou ?

G.D : Je vous informe que depuis 2019, la commune a choisi la stratégie de ramener toutes les écoles dans les villages à Thiou ville et heureusement, il se trouvait que l’État avait déjà construit beaucoup d’écoles et on avait sous la main, beaucoup de financement. Donc, on a construit pas mal d’écoles à l’intérieur de la ville de Thiou et on a amené tous les élèves au niveau de Thiou. Je reconnais qu’on a perdu beaucoup d’élèves suite à ce problème parce que tout le monde n’avait pas la possibilité de venir à Thiou et de fréquenter. Je pense que c’est ça notre problème.

Mais c’est un peu géré, car on a pu récupérer au moins, la moitié des élèves et cette année, je pense qu’on va pouvoir garder le même rythme en amenant les élèves à Thiou. Et tous ceux qui vont aller dans les collèges, je pense qu’il y a jusqu’à trois collèges d’enseignement général (CEG) à Thiou. Les élèves arrivent à fréquenter à Thiou ville. Ça fait que la ville a grossi et du coup, ça pose des problèmes.

Li : Qu’elle est la situation des personnes déplacées internes dans votre commune ?

G.D : A l’heure où je vous parle, je pense qu’on n’a pas moins de 7000 déplacées venant de Kain, de Koumbri et d’autres localités du Mali, parce que nous sommes à la frontière. Et à cause des structures comme WANEP (Réseau ouest africain pour l’édification de la paix) et autres, on arrive quand même à les gérer. Il y a l’État aussi qui nous appuie avec les besoins premiers, pour que les gens ne meurent pas de faim, qu’ils s’habillent et que les enfants puissent aller à l’école. C’est le minimum qu’on fait pour que Thiou soit habitable pour tout le monde.

Li : Mais qu’est-ce que la commune fait particulièrement pour ces personnes ?

G.D : Le rôle de la commune est beaucoup parce que nous sommes au four et au moulin. On recherche des financements du côté alimentaire pour nourrir ces personnes déplacées. Il faut le dire aussi, souvent on a l’habitude d’oublier ceux qui sont les autochtones de la localité. Ils ont été appauvris par ce problème donc il faut penser à tout le monde à la fois sans parler de déplacées.

Tout le monde, c’est comme si on était des déplacées. Côté santé, on essaie de mettre le maximum. Il y a des projets qui nous appuient dans ce sens et il y a des projets qui nous appuient aussi dans la protection sociale pour les enfants. Donc, la commune fait beaucoup pour ses populations autochtones et les déplacées en même temps.

Li : Nous sommes en pleine période de récolte, est-ce que la population de la commune de Thiou arrive à aller dans les champs pour les récoltes ?

G.D : Vous avez touché la plus grande de nos difficultés. La semaine passée, j’étais avec le directeur général de la Sonagess (Société nationale de gestion des stocks de sécurité alimentaire) et le directeur commercial parce que chez nous, il y a un problème très sérieux côté alimentaire. Non seulement les populations qui s’étaient déplacées ont tout fait pour revenir et beaucoup n’ont pas trouvé leurs terres exploitables. Ceux qui ont pu exploiter leurs terres, il n’a pas plu.  Donc, c’est comme si on était à zéro. Et il faut forcement trouver de quoi mettre sous la dent d’ici-là.

Parce que durant la période de soudure, on a essayé de trouver des denrées pour combler certain vide. Mais c’est cette période qui commence, qui est celle la plus difficile. Parce qu’il faut doter la population en céréales sinon, on ne saura quoi faire.

Les années passées, on a pu avoir les bonnes dotations de la Sonagess à prix très bas : 3000 à 6000 FCFA le sac pour les populations pauvres. Cela a permis de résoudre des problèmes. Chez nous, il y a des sites d’orpaillage et les populations arrivent à avoir un peu de sous. S’il y a des vivres, elles peuvent s’en procurer. Donc, nous comptons beaucoup sur la Sonagess et certains projets qui nous appuient dans le domaine alimentaire pour traverser la période 2021-2022.

Sinon, on ne compte pas sur ce qu’on a exploité actuellement. De l’autre côté, nous grouillons pour que les projets appuient les populations dans la culture maraîcher. Mais le problème, c’est qu’il n’a pas suffisamment plu et on n’a pas de l’eau pour arroser.

Li : Vous êtes à Ouagadougou dans le cadre d’une formation des femmes sur les techniques de médiation, prévention et gestion des conflits. Des femmes de votre commune y participent. Alors quelle est la situation des femmes déplacées internes dans votre commune ?

G.D : Il faut noter que ce sont les femmes qui sont même les vraies actrices du développement parce que beaucoup de maris ont fui suite à l’insécurité. Ce sont les femmes qui sont sur place avec les enfants. Donc quand il y a des appuis, des formations, des actions à mener, ce sont les femmes que nous voyons plus.

Et chez nous, la femme est cette personne dans la famille que quand elle reçoit un appui, on sent les retombées dans la famille. Mais quand l’homme a un peu d’argent, il pense à une 2e ,3e femme. Donc nous préférons appuyer plus la femme qui est plus outillée à ramener la paix, pour faire le développement et qui est sur place pour développer la résilience.

A Thiou, nous comptons plus sur la femme pour ramener la paix et que les localités ne se vident pas de leurs populations.

Li : Quelle appréciation faites-vous donc de cette formation exclusivement orientée vers la femme ?

Le ciblage est très bien fait parce que cela répond un peu à nos vieilles habitudes : quand ça ne va pas dans les familles, ce sont les femmes ; quand ça ne va pas dans le village, ce sont les femmes qui courent. Donc s’appuyer sur la femme dans le cadre de ce projet est une bonne chose. On s’appuie sur la population qui a le moins bougé, la population qui s’est le moins déplacée suite au différentes crises.

Les participantes à la formation sur la gestion des conflits et violences basées sur le genre.
Les participantes à la formation sur la gestion des conflits et violences basées sur le genre.

Elles savent ce qu’il y a, car ayant toutes subi. Donc, elles sont mieux placées pour apporter la solution. Les femmes sont celles qui sont les plus écoutées des différents côtés. Une femme qui parle, c’est exceptionnel et on l’écoute. Parce que généralement, les femmes ne parlent pas. Mais quand une femme arrive à parler à haute voix, dans nos coutumes, on sait que c’est sérieux. Sinon, elle n’accepte pas se montrer. Donc, c’est un bon ciblage comme je l’ai dit.

www.libreinfo.net

 

 

 

 

 

 

 

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