Ceci est une tribune Dr Jean-Baptiste GUIATIN, Conseiller des affaires étrangères.
Décidément, ça bouge en Afrique noire francophone. On a l’impression de vivre un mouvement socio-politique de type « plus rien ne sera comme avant ».
Après le Mali, la Guinée, le Burkina Faso, et le Niger le mois dernier, voici le Gabon qui s’ajoute à la liste. Et pour cause ? En effet, le 30 août dernier, les militaires gabonais font irruption dans le processus électoral en cours dans le pays et annoncent simultanément la destitution du président sortant déclaré vainqueur et l’annulation des résultats des élections qui ont été, à leurs yeux, frauduleuses.
De prime abord, on pourrait se dire que le scénario sahélien s’est répété, cette fois-ci, en Afrique équatoriale francophone.
Cependant, à l’analyse il semble qu’il y ait plus de différences que de similitudes. Deux faisceaux d’indices nous confortent dans cette affirmation.
Premièrement, ce coup d’Etat au Gabon est unanimement qualifié de révolution de palais par la communauté d’analystes et de chroniqueurs (des bons connaisseurs en la Françafrique) qui pullulent dans la presse francophone.
Deuxièmement, des signes particuliers semblent indiquer que cette révolution de palais s’est opérée dans un souci de continuité de la Françafrique, dont le Gabon du père et du fils ont toujours été considérés comme un pivot.
Des plus acerbes au plus polies, toutes les critiques semblent être unanimes que le coup d’Etat du Général Brice Oligui Nguema ressemble plus à une révolution de palais qu’à toute autre chose.
Une révolution de palais, c’est une « action qui porte au pouvoir de nouveaux responsables à la suite d’intrigues dans les sphères gouvernementales (…) » (Le Petit Larousse Compact, 2003).
Une autre définition du même concept est la suivante : « changement soudain, mais limité, dans le personnel dirigeant d’une institution, d’une entreprise » (Le Petit Larousse Compact, 2003). Apparemment, le coup d’Etat au Gabon répond exactement aux critères de ces deux définitions.
D’abord, le Général Brice Oligui Nguema est plus qu’un homme du sérail des méandres de la politique gabonaise. Cousin du président déchu, et donc neveu du président Omar Bongo, il est un haut gradé de l’armée gabonaise, formé au Maroc et en France.
Aide de camp du président Omar Bongo pendant des années, il est au parfum des secrets de la république gabonaise, donc de la Françafrique dont il est sans doute un bon maillon.
Après le décès de son oncle président, il vit une véritable traversée de désert d’une dizaine années avant d’être rappelé aux côtés de son neveu président dont il assurait jusqu’au coup d’Etat la sécurité.
En un mot, le Général Brice Oligui Nguema est un membre influent du clan Bongo qui gouverne le Gabon depuis les indépendances avec la bienveillance bien entendue de la France. Il est donc mieux placé pour opérer une révolution de palais au sein clan Bongo.
Pour le moment, il est difficile de présager ce que le nouvel homme fort gabonais fera. Mais, on peut spéculer que si changements politico-institutionnels il y a, ils ne seront que limités.
En tout cas, on devrait s’attendre avec cette révolution de palais à une continuité du système Françafrique dont le Gabon a toujours été le pivot. Trois raisons pourraient expliquer cela.
D’abord, contrairement à ce qui se passe au Sahel on constate l’absence d’un sentiment antifrançais lors des manifestations de joie accompagnant la chute d’Ali Bongo. Les pancartes et les slogans de type « France Dégage ! » n’ont pas été vus, encore moins les drapeaux russes.
En outre, les chaines de média français qui avaient été suspendus le temps du coup d’Etat ont été rétablis. La vie a repris son cours normal, le Général président prêtera serment bientôt.
Ensuite, on constate la même attitude pro-française du côté de l’opposition politique. Non seulement la France est toujours perçue comme modèle de référence mais aussi un arbitre impartial.
En effet, l’opposant Albert Ondo Ossa affirme avoir prévenu les hautes autorités françaises de la probabilité d’un coup d’Etat un mois avant, demandant ainsi la France d’intervenir avant qu’il ne fût trop tard.
Enfin, la presse française fait preuve d’une certaine mollesse face au coup d’Etat contre Ali Bongo. Contrairement à son agressivité face aux nouveaux régimes militaires au Sahel, les médias français ont adopté une rhétorique beaucoup plus réservée, ce qui pourrait expliquer que l’Elysée n’ignorait pas l’évolution de la situation politique au Gabon, qu’elle aurait même donné son feu vert, ce qui confirme les propos de monsieur Ossa.
Ainsi l’Elysée est toujours au contrôle de l’édifice politique gabonais, nous réconfortant ainsi dans notre pensée selon laquelle il s’agit d’une révolution de palais dans un esprit de continuité du système Françafrique.
Dr. Jean-Baptiste GUIATIN
Conseiller des affaires étrangères
Fulbright 2016
