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Tribune: crise au Conseil supérieur de la communication (CSC) : « j’ai mal à mon droit », Justin K. Tionon

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Ceci est une tribune de TIONON K-Justin, Ancien Chargé de missions au Conseil Supérieur de la Communication (CSC).

J’emprunte le titre de l’article d’un ami et promotionnaire de l’Ecole supérieure de Droit, Monsieur Paul Robert TIENDREBEOGO, actuellement à l’UEMOA, sur la date d’effet des constitutions. Il se demandait si c’était la date du référendum ou celle à laquelle elle a été publiée.

Mais ce n’est pas l’objet de mon analyse du jour, qui porte plutôt sur la turbulence que connaît actuellement le Conseil supérieur de la communication (CSC).

On le sait par l’actualité, il est remis en cause par Madame Danielle BOUGAIRE, la désignation par ses pairs de Monsieur Abdoulazize BAMOGO, précédemment Vice-président, comme nouveau Président du CSC.

Madame Danielle BOUGAIRE conteste cette élection dans le cadre d’une saisine du Tribunal Administratif, au motif officiel que le nouveau Président du CSC devait préalablement démissionner de ses fonctions de Vice-président avant d’être candidat à l’élection du Président du CSC.

Dès que j’ai eu connaissance de cette nouvelle, j’ai vainement tenté d’avoir son contact pour le dissuader de toute velléité de remise en cause de l’élection de Monsieur Aboulazize BAMAOGO.

J’ai connu Madame Danielle BOUGAIRE de près dans le cadre d’une étude réalisée pour l’UEMOA sur le thème : « La problématique de la production, de la circulation, et de la conservation de l’image dans les pays membres de l’UEMOA » (thème encore actuel à mon avis).

A côté du Professeur Serge Théophile BALIMA, Coordonnateur de l’étude, il y avait les Docteurs Luc Marius IBRIGA, Kuiliga NIKIEMA, Danielle BOUGAIRE.

J’avais pour ma part dans l’équipe à contribuer sous l’angle de la régulation de la circulation de l’image dans les pays concernés (éventuels cahiers de charge des instances de régulation des médias pour imposer des quotas de diffusion des œuvres audio-graphiques de l’espace).

C’est à l’occasion de cette étude, que j’ai côtoyé Madame Danielle BOUGAIRE, dont j’ai admiré la pertinence et la rigueur des analyses. Il est né de cette œuvre accomplie ensemble une estime mutuelle entre les consultants.

Ce n’est donc pas sous l’angle de la compétence que l’on peut nourrir des doutes sur la capacité de la sus-nommée à diriger le CSC. Ce qu’elle faisait si bien sur le terrain, elle le ferait faire par les organes de presse si elle venait à être nommée Présidente du CSC.

En revanche, sa démarche actuelle est attentatoire aux règles qui régissent le fonctionnement du CSC. Les juristes du CSC, par obligation de discrétion, tout en avisant leur supérieur hiérarchique, ne peuvent s’afficher officiellement, car dans un contexte de mutation, les cadres marchent sur des œufs, dans la perspective de la conquête ou de la préservation d’un strapontin. Je ne suis plus soumis à cette obligation de discrétion ou à des calculs de positionnement dans la strate administrative.

Mais c’est toute la problématique de l’indépendance du CSC qui est posée dans cette affaire qui oppose les deux protagonistes au poste de Président du CSC.

En effet, cette question de l’indépendance du CSC a fait l’objet de multiples revendications des associations professionnelles de la presse et de certains acteurs politiques.

Les fondement philosophiques et juridiques de la création des Instances de régulation des médias dans la communication sociale, c’est de soustraire toutes influence de l’Exécutif sur leur action.

Sous cet angle, la nomination directe du Président du CSC par le Chef de l’Etat créé forcement une allégeance qui peut fragiliser ou influencer son action. On le sait, tous les pouvoirs politiques, même dans les démocraties dites avancées,sont prédateurs de liberté de la presse, dans le souci de moduler ou d’orienter en permanence leurs opinions publiques.

C’est pour éviter cette entrave qu’au Burkina Faso, il a été adopté une démarche en deux étapes pour l’élection du Président du CSC:
– le collège des conseillers élit d’abord en son sein le Président ;
– cette élection est entérinée par décret.
Cette deuxième étape se conçoit, car nulle fonction républicaine ne peut être exercée si elle n’est revêtue du sceau de celui qui incarne l’autorité suprême.

Sous cette double exigence, même le Président de la République ne peut, comme c’était le cas avant, désigner le Président du CSC à sa convenance (généralement sur la liste des conseillers qu’il proposait).

En somme, le Chef de l’Etat a une compétence liée dans la nomination du Président du CSC.

A cet égard, la démarche de ma sœur Danielle BOUGAIRE ne peut prospérer. Mais l’on peut encore sauver les meubles si elle avait déjà interjeté appel de la décision rendue en premier ressort : c’est d’y renoncer en retirant cet appel.

Quelle que soit l’issue de cette affaire, il est à craindre une instabilité du CSC, à l’image de celle vécue sous la Présidence de Madame Nathalie SOME, liée aux divergences avec son Vice-président Désiré COMBOIGO. Il faut absolument l’éviter à l’heure actuelle, car les enjeux sont énormes :
– le contexte sécuritaire ;
– la perspective d’élections générales pour boucler la transition.
Deux cas de figure se présentent :

– 1- Madame Danielle BOUGAIRE, en cas d’appel défavorable, reste au CSC ou démissionne. Si elle démissionne, il faudra désigner un remplaçant (ce qui peut prendre du temps);
– 2- Elle reste au CSC, et ses relations avec Monsieur BAMOGO risquent d’être exécrables ; ce qui peut nuire à la cohésion du groupe de conseillers.

Ce que les deux prétendants devraient considérer, ce sont les enjeux de la régulation des médias dans le contexte actuel et les échéances politiques qui se profilent à l’horizon.
Je suggère pour ma part, si l’appel est interjeté, une médiation des anciens Présidents du CSC :

– d’abord pour rencontrer les deux protagonistes afin de concilier leurs positions ;
– ensuite l’ensemble des conseillers sur les enjeux de leurs missions, et la nécessité d’une cohésion interne du Conseil. Car, comme le soutient Antoine de Saint Exupéry dans son célèbre ouvrage « Terre des hommes » : « Tout le monde peut avoir raison : les démocrates, les fascistes, et même les bossus. Mais la vérité, ce n’est pas ce qui divise ; c’est ce qui simplifie et unit le monde ».

A l’analyse d’ensemble de cet imbroglio, l’on peut avoir mal à son droit (ce n’est pas mon ami Seydou DRAME qui me contredirait). Que l’on s’en tienne strictement à la loi, car les revendications de Madame Danielle BOUGAIRE malgré la grande estime que je lui porte, n’ont pas de fondement légal ou réglementaire.

Si l’on se met sous l’austérité de la loi, tout le monde se portera bien : surtout le CSC, pour les impératifs de sa stabilité tributaire de la cohésion entre ses membres.

TIONON K-Justin
Ancien Chargé de missions au CSC
OUAGADOUGOU

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