Le 3 février dernier, des agents de recouvrement et le directeur général du Bureau burkinabè des droits d’auteurs (BBDA), ont prêté serment devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou. Auparavant, une autre prestation d’agents du BBDA de la Direction régionale de l’Ouest était intervenue le 16 décembre 2020 devant le Tribunal de grande instance de Bobo- Dioulasso. Avec ces deux prestations de serment qui constituent une première au Burkina Faso, les agents de recouvrement sont désormais en conformité avec la loi 048-2019 / AN du 12 novembre 2019 portant protection de la propriété littéraire et artistique au Burkina Faso. C’est au regard de cette innovation que Libreinfo.net est allé échanger avec le directeur général, Wahabou Bara sur les activités du BBDA et sur les questions du droit d’auteur au Burkina.
Propos recueilli par Tatiana Kaboré, stagiaire
Libre info (Li) : Qu’est-ce que le BBDA ?
Wahabou Bara (WB) : Le BBDA, c’est le Bureau burkinabè du droit d’auteur. Il s’occupe de la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins. Ces missions essentielles sont entre autres la délivrance des licences d’autorisation d’exploitation des œuvres du répertoire du BBDA. Entendez par répertoire, les différentes filières gérées par le BBDA telles que: la musique, le cinéma et l’audiovisuel, le théâtre, la danse, le livre, les arts graphiques et plastiques. Une autre mission est la collecte des sommes afférentes à l’exploitation de ces œuvres et de les répartir aux membres. Nous savons aussi des missions secondaires. C’est ainsi que nous contribuons à la lutte contre la contrefaçon des œuvres littéraires et artistiques. Nous devons mettre en place un mécanisme d’assistance sociale entre les différents membres du BBDA. Nous accompagnons la politique de la promotion culturelle au niveau du ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme.
Li : Quel bilan faites-vous de l’année 2020 ?
W.B : Il faut déjà dire que l’année 2019 s’était achevée de façon positive pour nous avec l’adoption le 12 novembre 2019 de la nouvelle loi portant protection de la propriété littéraire et artistique. En 2020, il s’agissait de travailler à l’adoption des décrets d’application de cette loi. Grâce au dynamisme des premières autorités de notre ministère de tutelle, nous avons pu faire adopter trois décrets d’application. Il s’agit du décret droit de suite. C’est un droit de rémunération sur les œuvres d’arts graphiques et plastiques.
Le deuxième décret portant rémunération pour copies privées a été revu en élargissant plus ou moins l’assiette des répartitions au profit des titulaires parce que dans l’ancienne loi 50% était versé au fonds de promotion culturelle et 50% au titulaire du droit. La nouvelle c’est 35% au fonds de promotion culturelle et 65% au titulaire du droit.
Enfin le décret portant la rémunération pour reprographie des œuvres, c’est-à-dire que pour tout auteur d’un ouvrage, d’un livre susceptible d’être reproduit il y a des rémunérations compensatrices afin de soutenir les acteurs du livre. Il faut dire aussi que le livre c’est la filière qui est la moins rémunérée au niveau du bureau burkinabè du droit d’auteur, en termes de classification des œuvres les plus exploitées.
Vous savez aussi que dès le début du premier trimestre 2020 nous avons été frappés de plein fouet par la Covid-19 et très rapidement le BBDA a réagi en mettant en place un fonds exceptionnel de solidarité de 150 000 000 de francs CFA. 2630 artistes ont pu bénéficier de 30 000 Francs CFA pendant cette période.
Un autre fonds de solidarité a également été mis en place par le chef de l’État à hauteur de 150 000 000. Ce fonds a permis d’accompagner tous les membres du BBDA qui ont reçu chacun 43 000 Francs CFA.
En 2020, le BBDA a procédé pour la première fois au paiement des droits des auteurs et éditeurs de presse. Ensuite nous avons révisé l’arrêté portant répartitions des droits. Maintenant la musique moderne d’inspiration du terroir a le même coefficient que la musique traditionnelle.
Il y a le volet de la transparence au niveau des droits et à ce sujet, la Direction générale a mis en place deux comités. Un comité de répartition et un comité de réclamation.
On peut aussi noter la hausse des montants collectés de 2016 à 2020 le BBDA a reparti plus de 4 112 921 444 francs CFA.
Li : Le 3 février dernier, 28 agents du BBDA ont prêté serment au Tribunal de grande instance de Ouagadougou. A quoi répond cet exercice ?
W.B : Il faut dire que conformément à la nouvelle loi n°16-048 du 12 novembre 2019 a son article 106 est prévu l’assermentation. Cet exercice revêt trois aspects importants : le premier aspect est moral, c’est-à-dire que désormais tous ces agents assermentés sont dans l’obligation d’exercer les tâches inhérentes à la collecte ou le recouvrement des droits d’auteurs, en respectant l’éthique et la déontologie. Le deuxième aspect est économique. Désormais les agents de collecte, de recouvrement pourront faire des constatations en cas d’infraction des œuvres littéraires artistiques, dresser des procès verbaux qui pourront aboutir à des procédures pénales. Enfin, l’autre aspect participe à l’amélioration de l’image des agents de perception au niveau de l’opinion publique.
Li : Est ce que vos agents sont en sécurité sur le terrain pour faire des constatations?
W.B : Lors des recouvrements, nos agents sont souvent accompagnés par la gendarmerie. La cérémonie de prestation de serment a été médiatisée et nous pensons que cela va avoir un impact sur l’esprit des utilisateurs clients. Nous pensons que désormais, lorsqu’ils seront face à ces agents de recouvrement assermentés, ils auront une saine appréciation de leurs activités.
Li : Le syndicat national des artistes musiciens du Burkina Faso (SYNAMUB) dans l’une de ses sorties a soutenu que vous êtes illégalement assis à la tête du BBDA et selon eux c’est parce que vous êtes en même temps éditeurs et directeur général du BBDA, que répondez-vous?
W.B je pense que dans un souci de transparence la direction a voulu relire les différents textes qui régissent le fonctionnement du BBDA dans une démarche participative et inclusive. Puisqu’après l’adoption d’une nouvelle loi faut travailler à ce que tous les textes aussi soient en conformité avec cette loi et c’est ce qui a prévalu à l’organisation de cet atelier auquel le SYNAMUB a été invité. Si nous n’avons pas voulu être transparent nous n’aurons pas invité le SYNAMUB, malheureusement le SYNAMUB s’est focalisé uniquement sur un article pendant qu’il y’avait beaucoup d’autres articles. Je crois que les travaux étaient présidés par le président du conseil d’administration et le ministre même était venu participer pendant une journée. Donc, c’est vous dire que les représentants non seulement du SYNAMUB qui siègent au conseil d’administration et qui siègent aussi à l’assemblée générale ont participé aux travaux. Donc une voie discordante qui prend des images et des travaux et qui les met sur les réseaux sociaux et qui en fait je veux dire un lynchage médiatique saurait entraver cette démarche participative et inclusive, voilà donc je ne vois pas l’inégalité dans ces travaux.
Li : On a aussi remarqué que depuis que vous êtes à la tête du BBDA il y a quand même eu beaucoup de mouvement d’humeur du SYNAMUB. Est-ce à dire que c’est un problème de management où c’est un acharnement contre votre personne ?
je suis dans une démarche de construction, je pense que pour qu’un bureau de droit d’auteur avance c’est que tout le monde essaie de parler le même langage. Et ceux qui ne comprennent pas la démarche, nous les invitons chaque fois à discuter. Et une fois de plus le SYNAMUB fait parti des 55 associations de la base de donnée des membres du BBDA. Elle n’est pas la seule association et depuis que je suis au BBDA cela va faire bientôt 5 ans je n’ai jamais vu une manifestation des plasticiens, des littéraires, des auteurs du cinéma, des comédiens du cinéma etc. encore moins une manifestation des comédiens du théâtre j’aurai compris. Vous savez le théâtre subit une injustice depuis des années et nous n’avons pas encore travailler à mettre en œuvre les droits voisins pour les comédiens du théâtre. Aux dernières assises de la fédération nationale du théâtre du Burkina j’ai donné une communication et j’ai constaté qu’il y avait plus de 2433 comédiens du théâtre qui ne sont pas pris en compte par le droit d’auteur, voici une injustice qu’on peut réparer, mais ils n’ont jamais manifesté pour cela. Mais je dis à mon avis qu’ils n’ont pas compris le combat d’un syndicat, parce que figurez-vous que le 03 novembre la date de leur sit-in nous accueillions les différents partis politiques qui quittait la Ceni pour venir payer la redevance des droits d’auteurs. Et je vous informe que le Burkina Faso est le seul pays sur le continent africain qui a réussi à collecter des droits auprès des partis politiques. Au lieu qu’on soit encouragé on est vilipendé.
Li : Est-ce que vous recouvrez uniquement les droits des artistes nationaux ou est-ce que vos compétences portent également sur les artistes étrangers ?
W.B : Le Burkina Faso est partie prenante de la convention de Berne (Suisse) du 9 septembre 1886 qui stipule que lorsqu’une œuvre étrangère est exécutée sur le territoire du Burkina Faso, le BBDA a le monopole en termes de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins. Il a l’obligation d’assurer la protection de cette œuvre, en collectant les montants afférents à son exploitation. Le BBDA envoie ces montants au pays avec lequel le Burkina aura signé une convention de représentation réciproque.
Li : Quels sont les grands chantiers qui attendent le BBDA pour l’année 2021 ?
W.B : C’est de consolider les acquis et renforcer le cadre juridique. Nous avons une nouvelle loi et un décret d’application, nous allons travailler aussi sur la forme juridique du BBDA qui doit se conformer aussi à la nouvelle loi. Ensuite, nous allons travailler à la mise en œuvre de notre nouveau plan stratégique qui s’articule autour de quatre (4) axes : la modernisation des outils de gestion, l’élargissement de l’assiette de perception pour plus de droit, la promotion de la bonne gouvernance pour faire améliorer l’image du BBDA et l’amélioration des conditions de travail et le bien-être du personnel.
Je pense que nous sommes déjà sur la bonne voie parce que nous avons travaillé à renforcer et à améliorer le cadre juridique. On ne peut pas parler de droit d’auteur si vous n’avez pas des textes qui sont en phase avec les mutations actuelles. Il y a toujours une course de vitesse entre le droit et la technologie. J’espère que les médias qui nous accompagnent pourront toujours le faire pour qu’on puisse vraiment tendre vers une véritable culture des droits d’auteurs. Quand on aura une véritable culture de droit d’auteur, on pourra parler réellement d’industrie culturelle et créative.