Six mois après le drame de Yirgou, la justice se fait encore attendre malgré la pression sociale alimentée par le collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés né après ce massacre. Ce samedi 22 juin 2019, c’est le mouvement des femmes débout, qui est monté au créneau pour exiger la justice sur ce crime de sang qui dure sans aucunes prémices de justice, selon Apsa Diallo, porte-parole du mouvement.
Palais de Justice de Ouagadougou, 9h 30. Rue déserte, des pick up de militaires et de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) sillonnent les lieux. Une cinquantaine de femmes avec des calebasses renversées sur leurs têtes, des hommes et des femmes de médias en nombre important, le sit-in du mouvement des femmes débout qui exigent la justice sur le massacre de Yirgou, d’Arbinda et de Gasseliki, n’a pas été une réussite en termes de mobilisation en cette matinée du 22 juin dans la capitale burkinabè. Même avec la présence des femmes, des partis politiques de l’opposition politique burkinabè, du collectif contre l’impunité et la stigmatisation des femmes et des structures de luttes estudiantines, la mobilisation est encore faible par rapport à la cause défendue, néanmoins le symbole y est.
Pour Daouda Diallo, responsable du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC), il n’est pas dans la culture des femmes burkinabè de sortir dans les rues pour des manifestations : « Elles sortent rarement. Et quand cinq femmes sont déjà dans la rue avec des pancartes, pour dire qu’elles ne sont pas contentes, il y a lieu de s’inquiéter et de comprendre que le message est lourd de sens », estime-t-il.
Les raisons de cette faible mobilisation se situent ailleurs selon Wali Barry, un étudiant venue soutenir le mouvement des Femmes debout. Pour lui, la faible mobilisation s’explique par l’indisponibilité des uns et des autres mais aussi l’information qui n’a pas totalement circulée. Le souci majeur dans cette lutte contre l’impunité selon Wali, c’est que les autres communautés refusent de les accompagner dans cette lutte nationale. Car lutter contre une injustice est d’un grand intérêt, quand on pense à ses répercutions à long terme sur la société, relève-t-il.
Nous souhaitons que la justice fasse son travail
Des êtres chers perdus dans des situations atroces, mais la justice n’est pas prête à faire la lumière pour apaiser les cœurs : « J’ai perdu des oncles dans le village de mon mari. Ils sont venus les ramasser aller les massacrer, je ne sais pas pourquoi. Mais ce matin, nous sommes là pour la justice. Depuis les évènements de yirgou, jusqu’à présent, la justice ne s’est pas manifestée. C’est à cause de la lenteur de la justice que nous sommes là ce matin. Nous souhaitons que la justice fasse son travail, car après Yirgou, ça ne fait que s’empirer », déplore Aïssetou Bolly. Pour elle, la situation est devenue insupportable en cette saison d’hivernage avec ces veuves et ces orphelins. Même si le temps de la justice n’est pas celui des hommes, Aïssetou Bolly, pense qu’il y a déjà plus de cinq mois que le drame est survenu, mais rien n’est encore fait. « Nous voulons savoir pourquoi la justice prend tout ce temps », a-t-elle souhaité. Pour elle, cette situation est plus qu’une crise humanitaire au-delà de la justice.
La calebasse renversée sur la tête
La plupart des manifestantes qui étaient devant le palais de justice pour manifester leur solidarité à l’endroit des familles des victimes de Yirgou, d’arbinda et Gasseliki, étaient munies de calebasses renversées sur leurs têtes. À quoi renvoie ces calebasses sur les têtes et sur lesquelles on pouvait lire « Justice, paix et cohésion sociale », « Femmes debout = paix », Apsa Diallo, porte-parole des femmes debout nous répond : « Ces calebasses signifient le mal-être généralisé, ce manque de nourriture sur les différents sites des déplacés. Nous portons ces casseroles pour montrer que nous devons avoir un État de droit, de justice, où la préoccupation première serait de protéger, de nourrir la population ». Et Wali Barry d’ajouter que « le symbole de la calebasse, est un message de paix de cohésion sociale, de l’union ».
Pour ces dames, les cœurs auraient été apaisé s’il y avait les prémices d’une quelconque justice dans cette affaire. Pour Wali Barry, étudiant en sociologie, lui, pense qu’il y a un esprit d’abandon des autorités, lequel esprit qui tue celui de patriotisme en eux. « On s’entretue au Burkina. Et face à une situation d’impunité, si rien n’est fait, la population victime qui se donne le devoir de se rendre justice va détériorer encore la situation », déclare impuissamment l’étudiant.
En rappel, le drame de Yirgou est survenu les 1er, 2 et 3 janvier 2019 et avait fait 49 morts selon le chiffre officiel et 210 victimes selon le collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés. Le procureur du Foso près le tribunal de grande instance de Kaya, Abdoul Kader Nagalo, dans une interview accordée au quotidien d’Etat Sidwaya en février dernier, avait dit que l’enquête a débuté le 1er janvier 2019, lorsque le chef de Yirgou et d’autres personnes avaient été assassinés et qu’il avait donné des consignes aux officiers de police judiciaire pour les enquêtes. Il avait souligné comme difficultés le fait qu’il se rendait personnellement sur le terrain avec ses propres moyens chaque semaine pour rencontrer l’équipe chargée de l’enquête sur place. Jusqu’aujourd’hui, l’on ne sait pas si cette difficulté a été levée ou pas.
Siébou Kansié
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