L’affaire des 46 soldats détenus au Mali finit par ressembler à une mauvaise série dont chaque épisode appelle un autre qui se profile avec son lot d’inconnues et sans doute aussi, de mauvaises surprises.
Le président togolais vient de faire une visite éclair à Bamako puis à Abidjan pour essayer de trouver un dénouement heureux à une affaire qui dure depuis juillet et qui risque d’affecter profondément les relations qui unissent deux pays voisins.
Jusque-là, il avait confié la direction des négociations à son représentant ; mais on l’imagine, lui aussi a été frappé par la déconvenue qui prit tous les observateurs de court, fin décembre ; alors que tout le monde s’attendait à une libération des soldats embastillés à Bamako -tout semblait dire que l’on s’acheminait vers cette issue- coup de poker du colonel chef de la junte malienne : la justice malienne inflige la peine capitale par contumace aux 3 soldats femmes libérées, et 20 ans de prison pour chacun des soldats emprisonnés.
Indignation, stupeur, stupéfaction à Abidjan où l’on s’attendait à un dénouement heureux puisque les signes de bonne volonté s’étaient multipliés, un mémorandum avait été signé.
Mais à vrai dire, les ivoiriens ne furent pas les seuls à être désagréablement surpris par la volte-face du colonel Goita. Surpris, le médiateur Faure l’a été ; et sans doute aussi, quelque peu déçu. Mais comme dans l’étiquette diplomatique, stoïcisme fait loi, on n’en saura rien.
Et courageusement, il décide de prendre les choses en mains et s’envole pour Bamako où il rencontre le colonel président ; dans la foulée -il ne peut pas s’arrêter en si bon chemin- il met le cap sur Abidjan pour s’entretenir avec le président Ouattara.
Ce n’est pas que le président Faure ne s’implique pas dans cet imbroglio : le pauvre se démène comme un beau diable dans un bénitier ; il y a que l’affaire est d’autant plus compliquée que la junte tient là l’occasion de solder ses comptes avec son voisin, avec lequel les sujets de divergences abondent.
Bien que rien d’officiel n’ait filtré de ses entretiens avec le colonel puis le président ivoirien, il se dit que le Médiateur a plaidé la grâce présidentielle au profit des infortunés soldats embastillés.
Et l’on se remet à dire que les signaux sont au vert pour un dénouement heureux et que bientôt, les soldats ivoiriens retrouveront les bords de la lagune Ebrié. Faure, en quittant le palais présidentiel malien a promis qu’il reviendrait et ferait une déclaration.
A Abidjan, on affiche de l’optimisme, à l’image du président ivoirien qui salue l’esprit de diplomatie et de compréhension qui ont accompagné tout le processus des pourparlers ; mais à vrai dire, nul n’est vraiment dupe de ce qui se passe.
Tous le savent bien, la clé de cette affaire se trouve bien entre les mains du patron de la junte malienne ; et il en est pleinement conscient. Et ce, d’autant que l’ultimatum presque foireux de la CEDEAO a piteusement expiré ; les arguments de son président Umaro Emballo qui parle de « laisser la chance à la diplomatie » n’y changeront rien : ici, la CEDEAO a peut-être manqué une excellence occasion de se taire : lorsqu’on n’est pas sûr de ses forces, on ne profère pas de menaces !
Rien ne dit que le colonel Goïta ne bande pas les muscles pour narguer l’instance panafricaine. Viendra peut-être le moment où le chat se lassera de jouer avec la souris et la relâchera. Vivement que cette échéance se concrétise !