Fabrice Teeg-wendé Guéné, directeur de l’agence de communication Briscom, fait partie des personnes qui ont contribué à trouver des solutions pour lutter contre les effets de la pandémie de Coronavirus au Burkina. Il n’a certes pas développé un vaccin contre la COVID-19, mais il a, à travers Briscom, mis en place une plateforme éducative dénommée « Ecole digitale », en avril 2020. Une plateforme qui a permis à plus de 2000 élèves des classes de CP1 à la Terminale de sauver leur année scolaire en pleine pandémie. Mais, pour absence « d’accompagnement des autorités », cette école numérique burkinabè a fermé « ses portes ». Désormais, le fondateur a les yeux tournés vers les bonnes volontés pour accompagner à la reprise des activités au bonheur de ses milliers d’apprenants.
Interview réalisée par Frank Pougbila
Libre Info (Li) : D’où est née l’idée de mettre en place une école digitale ?
Fabrice Teeg-wendé Guéné (F. T. G) : Ecole digitale est une plateforme en ligne qui permet aux élèves en classe d’examen de continuer leur apprentissage en ligne. Le projet est né à l’issue de la fermeture des écoles à cause de la pandémie de la COVID-19.
Le gouvernement, à l’époque, avait pris l’engagement de ne pas blanchir l’année. Nous nous sommes posés la question de savoir comment les élèves qui ont des examens à faire se débrouillaient seuls à la maison sans aucun cours et appui pour préparer leurs examens.
C’est ainsi qu’au sein de l’agence Briscom, nous avons décidé de développer cette plateforme qui permettrait de mettre à la disposition des élèves des cours entièrement gratuit, des évaluations, des exercices et des tests pour évaluer leurs niveaux afin qu’à la réouverture des salles de classe qu’ils soient prêts pour qu’ils puissent avoir du succès.
L’Ecole digitale a mobilisé plus de 100 enseignants à moins de 72 heures de son lancement. Ces enseignants s’étaient proposés à rendre de façon bénévole leurs cours pour que nous puissions mettre à la disposition des apprenants.
Li : Un an après le lancement de l’Ecole digitale, où en est-on avec du projet ?
T.G : Au départ, c’est un projet qui a eu de la médiatisation. Malheureusement, aujourd’hui l’Ecole digitale connait une suspension à cause des difficultés surtout financières. Le projet a été développé sur fonds propre de Briscom et c’est un projet qui vise à promouvoir l’égalité des chances et des droits pour une école pour tous.
Nous n’avons pas l’idée lucrative derrière, ce qui fait que tenir durablement le projet a été très lourd. L’Ecole digitale traine des pieds de nos jours, parce que nous manquons de moyens et d’accompagnement.
Li : Avez-vous approché les autorités en charge de l’Education nationale?
F.T. G : Nous sommes entrés en contact avec le ministère en charge de l’Education nationale en mai 2020, au plus profond de la crise sanitaire. Nous avons été conviés avec d’autres promoteurs de solutions dans le monde éducatif à rencontrer le ministre, Stanislas Ouaro.
Je me rappelle lors de cette rencontre avoir lui demandé la contribution technique du ministère pour la validation du contenu en jugeant de la qualité des cours. Malheureusement, une fois de plus, nous avons dû nous débrouiller tout seul en allant chercher des inspecteurs de l’éducation nationale qui bénévolement ont accepté de lire les cours et de les valider. Nous n’avons pas pu obtenir une réponse du ministère en charge l’Education.
Nous avons reçu un courrier, carrément en juillet 2020 pratiquement après les examens, qui nous invitait à prendre part à un atelier qui devrait charger à élaborer un cahier de charge qui devrait permettre de chercher des solutions dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement.
Quand on est dans une situation d’urgence et on développe quelque chose et des mois plus tard, on vous appelle pour dire venez et asseyons-nous pour discuter et élaborer un canevas qui va encadrer des solutions futures, ce n’est pas le genre d’interaction que nous nous attendions.
Le besoin était présent et urgent et nous avons déjà une solution prête. Hélas, nous n’avons pas pu obtenir un accompagnement matériel ou technique des structures étatiques qui s’occupent de la question de l’éducation.
Li : Si les autorités publiques n’ont pas accompagné, avez-vous approché les structures privées ?
F.T. G : Dans le privé, nous avons eu la chance de bénéficier de Orange Burkina, qui pendant deux mois, a permis aux élèves de se connecter à la plateforme sans mégas. C’est un partenariat qui a été bénéfique aux élèves. Nous restons toujours dans le paquet de Orange Burkina qui même avec 100 francs CFA, l’on pouvait accéder à la plateforme toute la journée sans acheter de mégas supplémentaires.
Excepté ce partenariat, nous n’avons plus bénéficié de l’aide d’aucune structure privée. Nous avons en un moment entrepris de formaliser Ecole digitale comme une organisation à but non lucrative, histoire de pouvoir aller sur le terrain des levées de fonds et voir à l’international ce qui peut être fait pour promouvoir le droit à l’éducation et l’égalité des chances.
Malheureusement encore, la situation a été très pénible, car il fallait réunir tous les enseignants pour faire l’assemblée générale constitutive. Quand on sait que la plupart des enseignants ne résident pas à Ouagadougou. Il y a aussi beaucoup de difficultés sur le plan logistique qui fait que le passage en association n’est pas encore effectif.
Li : Quel sera donc l’avenir de l’Ecole digitale ?
F.T. G : En ce qui nous concerne, nous tenons à notre projet. Elle continue à améliorer la vie des gens et nous nous battons pour pouvoir remettre à pied ce projet. Nous nous battons pour aller à la formalisation en association pour permettre d’aller rechercher des financements à l’extérieur.
Li : Vous êtes parmi ces jeunes qui innovent mais sans accompagnement. Que pensez-vous de cette situation ?
F.T. G : Tous les jours, on lit, on écoute à la radio que la jeunesse doit bouger, elle doit créer et innover. Mais, derrière, les options d’accompagnements sont très limitées et très dures à suivre.
Il faudrait véritablement que les autorités créent les conditions pour la jeunesse entreprenante, créative parce que s’il y a une chose que les jeunes Burkinabè voire africaine ont, c’est le désir de créer une valeur ajoutée pour leur communauté. Nous pensons que l’aide des autorités peut être très bénéfique, car il y va du développement de notre pays.
Si les jeunes arrivent à créer des choses qui sont utiles à eux et à leurs camarades et toute la communauté, c’est ainsi que le pays va tendre vers un réel développement. Si on veut aller au développement, il ne faut pas que les politiques pensent que c’est une tâche à eux seuls. Les jeunes sont très concernés mais ils ont besoin de l’accompagnement des aînés pour pourvoir y arriver.