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Élection du président de la CENI : les coulisses d’un vote de toutes les discordes

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La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a un nouveau président. Elysée Ouédraogo a eu la confiance de 13 commissaires votants sur 15. Il conduira désormais le nouveau bureau de la CENI. Une élection intervenue après une longue attente. Reportage !

Par Frank Pougbila

Jeudi 29 juillet 2021. Il es presque 15 heures. Le ciel se couvre de nuages et empêche le soleil de briller sur Ouagadougou. Une pluie se prépare et certains habitants se dépêchent de regagner les domiciles ou les lieux de travail avant que le ciel n’ouvre ses vannes. L’ambiance est cependant tout autre à l’immeuble du Faso, situé face au Trésor public sur l’avenue de l’indépendance. Deux cargos de sécurité sont stationnés à l’entrée de ce bâtiment.

Des hommes de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) assurent la garde, imperturbables face à la menace de la pluie. C’est le jour de l’élection du nouveau bureau de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Le mandat de l’ancien bureau dirigé par Ahmed Newton Barry arrive à terme le 31 juillet 2021. La police veut s’assurer que les élections se tiennent en toute sécurité au regard des différentes crises qui ont précédé la désignation de certains représentants.

L’élection se tient dans la salle de conférence au troisième étage. La sécurité est au top. Des hommes sont placés dans les différents couloirs. La sécurité est assurée. L’élection peut commencer. Il est 15 heures. Dix commissaires s’introduisent dans la salle réservée aux votes. « Ce sont les commissaires de la majorité et de l’opposition », souffle un journaliste. Ceux de la société civile sont derrières, se disent les hommes de presse.

10 minutes passent, aucun signe de vie. 30 minutes plus tard, les cinq commissaires de la société civile n’arrivent toujours pas. Que se passe-t-il ? Un homme qui semble être informé de la situation s’approche et confie. « La société civile a demandé un temps pour se concerter », dit-il, en manipulant son téléphone.  Ainsi donc la crise continue ? « C’est exactement cela. En fait, ils sont en train de trouver quelqu’un pour être candidat. Le mieux placé est Elysée de l’Eglise Catholique. Il a l’expérience. Mais, si l’on veut voter, il va perdre. C’est Adama Kafando qui va remporter », raconte-t-il avec assurance.

Des journalistes fatigués de patienter …

Les heures passent et les commissaires de la société civile sont toujours aux abonnés absents. La fatigue et l’impatience se font sentir chez certains journalistes. Ils descendent et remontent les escaliers pour « tuer le temps ». 17 heures 22 minutes. Un journaliste, très remonté du retard, serre sa caméra et ses trépieds contre lui. Il prend la route de sa rédaction. La bonne ambiance qui régnait au début entre confrères commence à baisser avec la fatigue. « Quand vont-ils arriver finalement ? », s’interroge une journaliste. « Il faut une solution pour éviter des crises électorales » ajoute un autre.

18 heures passées. Une autre journaliste perd patience et prend congé de ses confrères. « Je dois aller à la pharmacie chercher des médicaments pour ma mère », s’explique-t-elle. Elle descend, puis elle remonte et file son contact à une consœur afin d’être informée de la suite. Les policiers quant à eux, ils travaillent avec sérénité. Ils faufilent entre les couloirs. « Vous êtes de la presse ? », questionne un policier.

Oui, fut la réponse. «  Les commissaires sont montés par l’ascenseur. Ils sont dans la salle », informe le policier. Il était 18 heures 47 minutes. Les journalistes se bousculent pour avoir les premières images. Quelques minutes ont suffi aux Hommes de médias. Place aux votes. « Enfin », disent certains journalistes. « Espérons qu’ils finissent vite », souhaite un autre qui a trouvé place sur une table installée près de l’ascenseur.

Plus d’une heure après, le ministre en charge des libertés publiques, Clément Sawadogo se retire de la salle des votes. « Je me suis retiré pour que le travail puisse commencer », fait-t-il savoir. Il monte au quatrième étage. « Je pense que les difficultés sont derrière nous. Il y a eu certes des couacs mais toutes ces questions ont trouvé solutions. La sérénité est revenue », rassure le ministre, entouré d’une vingtaine de journalistes. Il reste au quatrième étage, en attendant la fin de l’élection. Retour à la case départ pour les journalistes. Des caméras déposées par terre.

Des fuites d’informations…

Quelques journalistes qui ont encore la force détendent l’atmosphère. Un agent de sécurité en tenue civile rejoint le quatrième étage. Il redescend, accompagné de deux hommes. Certainement des collaborateurs du ministre. Ces messieurs avec des chemises cartonnées sous le bras se glissent dans la salle des votes. Ils ressortent à 20heures 03 minutes.  «J’espère que la fumée blanche est presque là», se prononce l’un d’entre eux. Puis, ils rejoignent le quatrième étage. « Ce sont les procès-verbaux qu’ils ont envoyés », chuchotent les journalistes.

L’escalier qui relit le troisième étage au quatrième est pris d’assaut par des journalistes. Ils sont assis tout au long de l’allée. Les commissaires qui sortent de la salle pour se soulager ou pour d’autres besoins sont accostés par des journalistes pour avoir des informations. Deux minutes après, un premier commissaire sort de la salle et s’éclipse dans la salle où est installée la sécurité. S’en suit un deuxième. Des journalistes se mettent sur pied. « C’est fini ? » Se questionnent certains.

« Il y a des fuites d’informations. C’est Elysée qui a été élu », informe à voix basse le monsieur qui l’annonçait favori. Le nom était déjà sur les lèvres des journalistes. Avant même la signature du procès-verbal, des documents sortis de la salle du vote circulaient dans les couloirs de l’immeuble du Faso. Un monsieur qui a voulu donner le scoop à un confrère sort d’une salle en face de celle où se passe l’élection.

Il serre contre lui des documents et invite le confrère à le rejoindre. Ils se dirigent au quatrième étage. Se sentant à l’abri des regards, ils s’arrêtent. Le monsieur ouvre les papiers qui se trouvaient dans une chemise cartonnée. Le journaliste fait des photos à l’aide de son téléphone. Ils s’échangent quelques mots et l’homme rejoint la salle.

Les premiers mots du nouveau président…

Même si les informations circulaient déjà, à 20h15, le nom de l’élu est toujours gardé secret. Il faut que le ministre signe le PV avant de communiquer. 20h24, les deux messieurs retournent avec les PV signés par le ministre. « Nous sommes presqu’à la fin », laissent-ils entendre, avec un ordinateur à la main. « Nous avons faim maintenant », répond un journaliste avec un air amusant. « C’est la fin. J’imprime le PV et je reviens », rétorque l’un des messieurs. Il était 20h 36. Les réseaux sociaux et certains médias avaient déjà publié les résultats avant la validation.

La course à la primeur de l’information oblige, certains journalistes sur place pour la couverture médiatique commencent à recevoir des appels. « Nous sommes toujours en attente. Je n’ai toujours pas le nom », répond un journaliste d’une télévision de la place. Avec un ton élevé, il semble énerver contre son interlocuteur. « Je vais attendre la confirmation du nom. Cela ne fera pas ma fierté de communiquer un nom sans qu’il y ait la confirmation. Et si cela s’avérait faux ? », argue un autre journaliste après avoir décroché un appel de sa rédaction.

Élection Ceni Burkina
Elysée Ouédraogo est le nouveau président de la CENI.

21 heures 15 minutes. C’est l’heure choisie pour rendre les choses officielles. Après la validation du procès-verbal, les 15 commissaires ont rejoint le ministre, Clément Sawadogo au quatrième étage. Ils se sont retirés dans une salle pour lui présenter le bureau. « Nous avons eu l’insigne honneur d’être choisis pour assumer les responsabilités du président de la CENI ».

Les premiers mots prononcés par le nouveau président de la CENI. Habillés en Faso Dan Fani, grand de taille et parlant avec douceur, le nouveau président ne doute pas de la confiance de son bureau à relever des grands défis. Entouré de son bureau, il note comme premier défi, « le renouvellement des mandats des partis politiques. Nous allons nous atteler à être à la hauteur de l’organisation des élections des conseillers municipaux ».

Les couloirs de l’immeuble du Faso se vident…

Au moment où le président fait une séance photo avec certains journalistes, une journaliste s’approche des commissaires pour le compte de l’opposition pour arracher quelques mots. « Ici, l’on ne parle plus de la majorité et de l’opposition. Le président a déjà parlé. On s’en tient à ces propos », refuse Aboubacar Savadogo, nouveau vice-président de la CENI pour le compte de l’opposition.

21 heures 46 minutes, journalistes comme commissaires prennent le chemin du rez-de-chaussée. Les couloirs de l’immeuble du Faso se vident. Durant tout ce temps, les Hommes de la securité(CRS) étaient toujours devant le bâtiment. C’est terminé. Ils sautent dans leurs cargos.

L’un derrière l’autre, les deux véhicules de la police disparaissent à l’horizon. « La passation de service est prévue pour lundi 2 août 2021 contrairement à la première information dans laquelle j’invitais la presse pour la  vendredi 30 juillet à 7 heures ». Le dernier message communiqué par le chargé de communication de la CENI, avant que les journalistes ne se disent au-revoir.

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