Initialement prévue pour le 25 février 2024 et indûment prorogée jusqu’au 15 décembre prochain, avant que cette échéance ne soit retoquée par le Conseil constitutionnel qui a dénoncé un report contraire aux dispositions intangibles de la Loi fondamentale, l’élection présidentielle de cette année au Sénégal continue de danser le blues. On attend toujours, ce matin, de savoir quand elle se tiendra finalement puisque la sortie médiatique du président Macky Sall, au soir de ce 22 février, n’a finalement donné qu’une demi-réponse…
Il était face à la presse ce 22 février mais il n’a pas lâché le mot ! Tout le monde attendait fiévreusement, voire rageusement, une indication claire sur la date de la prochaine élection présidentielle, jusque-là mise en veilleuse, mais le chef de l’État sénégalais, Macky Sall, a simplement botté en touche.
Il a préféré faire endosser cette charge — même s’il lui faudra convoquer en dernier ressort le collège électoral — aux conclusions du dialogue politique qu’il entend réunir au tout début de la semaine prochaine. Ce même dialogue politique au nom duquel il avait abrogé le précédent décret conviant les électeurs aux urnes le 25 février ! Ce même dialogue politique sur l’autel duquel les députés de la majorité ont validé le report de dix mois de l’élection présidentielle… Macky Sall tient donc à faire le ménage dans l’arène politique sénégalaise et offrir un cadre apaisé et réconcilié à ses compatriotes avant de… faire ses adieux aux ors de la République le 2 avril prochain.
En effet, sur le terme de son mandat, la très attendue parole de l’actuel locataire du palais de l’avenue Roume à Dakar n’a pas flanché. Ni louvoyé.
« Le 2 avril 2024, ma mission se termine à la tête du Sénégal », a ainsi martelé Macky Sall, qui s’est montré outré par les intentions qu’on lui prête depuis un certain temps de vouloir se maintenir au pouvoir.
Qu’on se le dise donc, le quatrième président du Sénégal quittera bien ses fonctions le 2 avril prochain, conformément aux dispositions de la Constitution de son pays, et aux incessantes injonctions de la rue.
Ce faisant, le président sortant, qui engage ce 23 février les quarante derniers jours de son mandat à la tête de l’État, respecte aussi les prescriptions du Conseil constitutionnel qui a déclaré, le 15 février dernier, contraire à la Constitution « la loi portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution, adoptée sous le N°4/2024 par l’Assemblée nationale, en sa séance du 5 février 2024 ».
Tout en annulant le décret N°2024-106 du 3 février 2024 portant abrogation du décret convoquant le corps électoral pour l’élection présidentielle du 25 février 2024.
Initiative anachronique ?
Macky Sall quittera donc certainement ses fonctions le 2 avril prochain sans que les urnes n’aient désigné le prochain président de la République, ni que celui-ci ne soit formellement installé dans ses charges.
« Pour ce qui est de la date [de la présidentielle], on verra ce que proposera le dialogue », que l’actuel chef de l’État sénégalais tient à organiser les 26 et 27 février prochains, notamment avec les candidats à l’élection présidentielle, mais aussi avec les autres acteurs politiques et sociaux.
Une sorte d’arbre à palabres pour remettre le pays à l’endroit, dans une optique, dira Macky Sall, d’apaisement et de réconciliation.
Une volonté d’apaisement déjà manifestée par l’élargissement de plusieurs centaines de détenus, mais que la société civile regarde avec une certaine distance. De plus, certains acteurs politiques accueillent plutôt fraîchement cette initiative qu’ils jugent anachronique.
Quel consensus peut générer, se demandent-ils, un forum qui rassemblerait entre autres des candidats qualifiés pour le scrutin présidentiel et des aspirants à la présidence de la République recalés par le Conseil constitutionnel ? N’est-ce d’ailleurs pas toucher à la sacralité de cette haute juridiction, dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours, que de chercher ainsi à rebattre les cartes des candidatures de cette élection plus que jamais inédite au Sénégal ?
Au final, ces conciliabules ne risquent-ils pas d’en rajouter à l’embrouillamini politique actuel du pays et consacrer l’entorse aux délais du rendez-vous avec les urnes de la présidentielle ?
En tout état de cause, Macky Sall se dit… « prêt à aller loin » dans son désir d’apaisement et de réconciliation, évoquant une possible libération d’Ousmane Sonko, emprisonné depuis juillet 2023.
Les dés sont donc jetés et, « au sortir du dialogue mardi, il faut qu’on ait une date », indique le chef de l’État, qui précise que « l’élection peut se tenir avant ou après le 2 avril », et que de toute façon, si les Sénégalais ne peuvent se rendre aux urnes d’ici au 2 avril, « il appartiendra au Conseil constitutionnel de dire ce qui doit être fait ».
Soigner sa sortie…
Le moins que l’on puisse dire aujourd’hui, c’est que Macky Sall tient à soigner sa sortie, qui restera tout sauf banale dans l’histoire politique du Sénégal.
Ainsi, après avoir pratiquement fait l’unanimité contre sa personne pour diverses raisons et pour la foultitude de manœuvres qu’on lui impute, le successeur de Abdoulaye Wade voudrait bien entrer dans l’histoire en remettant les pendules politiques du pays à l’heure démocratique.
En effet, soigner sa sortie, c’est surtout soigner son image et celle de son pays dont la belle vitrine est davantage craquelée au terme de sa double présidence, au moment où les Sénégalais dans leur ensemble, mais aussi des acteurs de la vie politique et de la société civile internationale font sonner des vuvuzelas de désapprobation et brandissent des cartons rouges de faute lourde !
L’élection du cinquième président de la République du Sénégal se fera donc, selon toute vraisemblance, après le départ de celui qui occupe encore le fauteuil pour quarante jours.
Une situation qui laissera le pays dans une parenthèse institutionnelle qui pourra être fantastique ou démentielle. Il faudra attendre les conclusions du fameux dialogue politique cher à Macky Sall pour se faire une idée plus juste et on ne peut plus circonspecte du Sénégal de l’après-Sall, entre rigueur institutionnelle et blues démocratique…