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Difficultés des entreprises à Banfora: « Après les finances, c’est la fiscalité qui nous plombent les ailes » (Minata Koné, DG SOTRIA-B)

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Minata Koné, ex-documentaliste au ministère de l’agriculture, a démissionné de la fonction publique après 15 ans de services. Elle a créé en 2003, la Société de Transformation Industrielle d’Anacarde (SOTRIA-B) basée à Banfora, dans la région des Cascades. La société s’investit dans la transformation et la commercialisation de la noix de cajou. Elle une capacité de production de deux tonnes par jour. C’est une activité qui fait vivre de centaines de personnes en majorité des femmes issues des milieux défavorables. Dans cet entretien accordé à Libreinfo.net, la directrice générale de la SOTRIA-B, parle de son expérience et surtout, des difficultés que rencontre son entreprise.

Par Siébou Kansié et Vincent Konkobo

Libreinfo.net (Li) : Présentez-nous votre entreprise ?

Minata Koné (M.K) : Succinctement, la SOTRIA-B, est une entreprise qui transforme l’amande de cajou en d’autres sous-produits (l’huile d’amande de cajou, des tourteaux pour la sauce, de la farine pour les gâteaux et glaces, de l’alcool à partir de la pomme) pour exporter et vendre aussi sur le marché local. Nous existons depuis 2003.

Au niveau national en vend un peu partout sur le territoire, dans la sous-région aussi on vend et puis nous exportons en majorité aux États-Unis.

Li :  Comment avez-vous perçu l’intérêt d’entreprendre, d’investir dans la transformation de l’anacarde qui n’était pas aussi si connue en 2003 ?

M.K: Je faisais ce que tout le monde faisait. Me balader avec dans mon sac, mon cachet, mes entêtes. J’aimais marcher. J’ai fait ça, mais ça ne pouvait pas aller loin. J’ai voulu faire quelque chose qui allait résister dans le temps parce que beaucoup de gens n’étaient pas encore dans ce domaine. Je pense que je n’ai peut-être pas mal choisi. Maintenant, je me rends compte que c’est difficile.

Li : Difficile ? Quelles sont les difficultés auxquelles la SOTRIA-B fait face ?

M.K: Les difficultés qu’on a, c’est d’abord le financement. On n’a pas accès aux crédits dont on a besoin pour travailler. On a un problème de financement sur toute la chaine de valeur. Après les finances, c’est la fiscalité qui nous plombent les ailes et les charges de fonctionnement qui sont assez lourdes. Si non, le marché ça va.

Li : Vous employez combien de personnes dans votre usine ?

M.K: On emploie environ 400 personnes sur beaucoup de sites, au moins trois sites. 400 personnes hommes et femmes confondus, mais on a 90% de femmes. On emploie beaucoup de femmes parce que l’activité est beaucoup plus opérationnelle avec les femmes.

Usine de traitement et de production d’anacarde à Sotria B Sarin Banfora
Usine de traitement et de production d’anacarde à Sotria B Sarin Banfora, Burkina Faso. Photo: Alamy/Joerg Boethling

Il s’agit d’ouvrir la noix, d’extraire l’amande et de suivre tout le reste du processus de transformation jusqu’à avoir des amandes blanches de haute qualité.

Li : Quel est le chiffre d’affaire de votre entreprise ?

M.K: Nous n’aimons pas donner des informations sur ça.

Li : Vous avez peur de la fiscalité ?

M.K: Non, ce n’est pas une question de fiscalité seulement. Sinon ce qu’on déclare, on peut vous dire ça. Mais on n’aime pas trop parler de ça dans la presse.

Li : Vous bénéficiez du soutien de l’État ?

M.K: Nous avons eu l’accompagnement de l’État à travers le code des investissements parce qu’on a bénéficié à notre installation, des avantages du code des investissements. Ensuite, nous avons eu un accompagnement par rapport aux difficultés à une période de notre développement. Nous avons eu un soutien du bureau de restructuration et de mise à niveau de l’industrie. Nous avons été soutenue mais c’est un programme de l’UEMOA et il faut dire que c’était assez faible. Mais c’est un soutien quand même qu’il faut apprécier. En son temps, il n’y avait rien et ça, ça nous a servi un peu.

Quand on dit industrie, les gens pensent qu’on a beaucoup d’argent et qu’on n’a pas de difficultés alors que je ne connais pas une industrie qui n’a pas de difficultés aujourd’hui au Burkina. Je n’en connais pas.

Li : Quel type de soutien vous attendez plus aujourd’hui du gouvernement ou des partenaires ?

M.K: L’industrie n’a pas beaucoup d’accompagnement. Le gouvernement peut développer des initiatives ciblées par entreprise et les soutenir parce que les entreprises peuvent ne pas avoir les mêmes difficultés. Il y en a peut-être, qui ont des facilités de financement et d’autres problèmes. Il y en a aussi qui peuvent ne même pas avoir des facilités au niveau du financement et qui souffrent par exemple dans la collecte ou de la maîtrise des aspects techniques dans la chaîne de transformation. Donc, c’est de faire des soutiens adaptés à chaque entreprise parce qu’il y en a qui peuvent avoir tous les problèmes. Mon problème, comme je l’ai dit, c’est le financement et surtout l’acquisition des fonds.

Chaque entreprise par exemple qui est dans un système de production, a un seuil de rentabilité. Quand vous n’atteignez pas ce seuil de rentabilité, c’est comme si vous n’avez rien fait, ou bien vous êtes en train de perdre. Donc, quand vous n’avez pas les fonds nécessaires pour acheter la matière première qu’il faut au moment qu’il faut pour atteindre ce seuil de rentabilité, c’est comme si finalement vous n’avez rien fait. Ce qu’on attend du gouvernement et des partenaires, c’est de nous permettre d’accéder aux crédits.

Société de Transformation Industrielle d’Anacarde (SOTRIA-B) basée à Banfora. image Libre info
Société de Transformation Industrielle d’Anacarde (SOTRIA-B) basée à Banfora. image Libre info

Li : Vous n’avez pas accès aux crédits ?

M.K: Sourire…non.

Li : Pourquoi vous n’arrivez pas à accéder aux fonds ?

M.K: Les banques ne font pas confiance aux agroindustriels surtout les secteurs qu’elles estiment que ce sont de nouveaux secteurs. Nous, nous existons depuis 2003 mais les banques ne cherchent pas à nous comprendre et à savoir comment nous accompagner. Je pense que pour moi, c’est ça. Il faut comprendre l’activité et savoir accompagner. Si moi, je veux l’argent en février pour travailler et on vient me donner en juin. Ça ne me servira pas. Voilà le problème.

Li : Quels sont les principaux défis de votre entreprise ?

M.K: Aujourd’hui, on veut mettre l’entreprise aux normes dans sa capacité de production et dans l’acquisition de nouveaux équipements pour la normaliser. Nous avons besoin de cela aujourd’hui et agrandir un peu pour atteindre le seuil de rentabilité.

Li : Qu’est-ce que la célébration de la fête du 11 décembre à Banfora a véritablement apporté à votre entreprise ?

M.K: On était au niveau de la foire où on a présenté nos produits. Ce qui m’a beaucoup plu, c’est que des gens sont venus visiter l’entreprise et pour moi, c’était le plus important. J’ai reçu des personnalités, des partenaires qui sont venus faire la visite. Ce qui veut dire qu’il y a eu un intérêt. Ce sont des partenaires du privé et non du gouvernement. Sinon, on n’a pas eu une grande visibilité.

Le 11 décembre 2020 a été célébrée à Banfora, chef-lieu de la région des Cascades.
Le 11 décembre 2020 a été célébrée à Banfora, chef-lieu de la région des Cascades.

Li : Il y a eu des promesses pendant les visites ?

M.K: Ça viendra peut-être après. J’aimerais dire quelque chose sur cette fête.

Li : Allez-y

M.K: 60 ans d’indépendance, c’est bien. Mais, il faut que véritablement, on ait la volonté de faire changer les choses. C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de choses qui ont évolué, mais il faut que les jeunes acceptent le changement afin d’avoir un Burkina Faso comme le voyait Thomas Sankara : prospère, intègre, visible comme un soleil qu’on ne peut pas cacher. Mais quand on voit ce qui se passe, c’est un peu décourageant. Nous en tout cas, on a fait ce qu’on pouvait, maintenant la balle est dans votre camp (la jeunesse).

www.libreinfo.net

 

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