Le marcheur malien Ibrahim Cissé qui a parcouru 882 kms à pied depuis le Mali pour rejoindre Ouagadougou est entré dans l’Histoire par la grande porte : celle qui indique que l’union fait la force.
Une telle distance parcourue pedibus cum jambis pour interpeller symboliquement les dirigeants des deux Etats frères, il fallait le faire et le mérite n’en est que plus grand.
Il semble d’ailleurs avoir été entendu ; plus, on est en droit de dire que l’homme a été récompensé : son retour au bercail, il l’a fait par les airs, dans l’avion qui conduisait l’excellent Maitre de Tambela au pays de Soundiata Keita, le premier ministre burkinabè ayant pour mission de transmettre une lettre du Capitaine Ibrahim Traoré à son frère et ami, le président Assimi Goita.
C’est au cours de cette visite que le premier ministre du pays des hommes intègres a émis l’idée, à propos de la coopération Mali-Burkina, d’une fédération qualifiée de « souple ».
A vrai dire, pour être honnête, il faut le reconnaitre, on voyait venir quelque chose du genre ; les évènements ces derniers temps ont tellement meurtri ces deux pays voisins que naturellement ils semblent s’être découvert des similarités et sans doute aussi un amour nouveau : presque le même rejet de l’ancienne mère colonisatrice ; les deux pays sont des cibles d’attaques féroces de groupes terroristes et djihadistes ; les deux sont à la recherche de partenaires nouveaux, au nombre desquels la Russie dame le pion aux alliés traditionnels.
Pour le plus grand bonheur des pro-Russes des deux pays !
On voyait donc venir quelque chose du genre, en tout cas du côté du Faso : les différents appels du pied lancés depuis Ouagadougou au pays de Goita depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Traoré étaient suffisamment éloquents.
Mais de là à penser à une fédération… beaucoup tomberont des nues ! pour plusieurs raisons.
La première étant sans doute que l’annonce de ce projet immense (il faut le reconnaitre) n’a pas été faite au pays des hommes intègres, mais à Bamako.
Le pays des hommes intègres est-il prêt à aller illico presto à une fédération (même souple) avec la Mali ? Si oui, à quelle condition ? Ne mérite-t-il pas d’être à tout le moins d’être tenu au courant d’une telle initiative qui l’engage pour l’histoire ?
Et puis, que signifie, dans les faits, une fédération « souple » ? Qu’est-ce qu’on prend et qu’est-ce qu’on laisse dans le processus de création de cette fédération ?
Dernier et pas le moindre des questionnements, la Transition burkinabè aura-t-elle le temps de gérer proprement ce projet avant de passer la main à ceux qui devraient logiquement lui succéder ?
En théorie, elle a jusqu’à juillet 2024 pour terminer ses chantiers, faire place nette et transmettre le témoin à un régime civil qui lui succédera.
La création d’une fédération peut-elle s’inviter à l’agenda du gouvernement du capitaine Traoré au moment où l’urgence se porte sur la question sécuritaire ?
On comprend volontiers la posture du premier ministre au regard justement de ce contexte sécuritaire vraiment difficile auquel le Burkina fait face ; une alliance avec le voisin malien, si elle est bien ficelée, ne pourrait que présenter des bénéfices à chacune des deux nations ; mais de là à parler de fédération… il y a peut-être un pas qu’il faut s’y prendre à deux fois avant de le franchir.
Mais la messe n’est pas dite. Le fin mot de ce projet de Maitre Kyelem, il faut sans doute attendre pour en découvrir toute la substance. Du côté burkinabè, bien sûr, mais encore plus, peut-être du côté malien.
Dans cette affaire d’amour nouveau, le Burkina Faso semble être la partie qui s’échine, multiplie les gestes et insiste sur les appels du pied ; le partenaire malien semble un peu plus sur la réserve : le capitaine Traoré s’est rendu à Bamako ; son premier ministre, idem ; le colonel Goita n’a pas encore foulé le tarmac de Ouagadougou ; son premier ministre Choguel Maiga non plus !
Wait an see, disent les anglo-saxons ! Dans l’espoir que l’initiative ne débouche pas sur un « je t’aime, moi non plus » !