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France : Dissolution, échec et  désillusion…

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Échec et mat ! Le président français, Emmanuel Macron, a raté son pari de rééquilibrer les forces politiques de son pays en convoquant des élections législatives anticipées. Plutôt de réduire l’influence du Rassemblement national, parti d’extrême-droite porté par marine Le Pen, le premier tour du scrutin a, au contraire, renforcé la position de ce parti, désormais première force politique du pays… 

Par Serge Mathias Tomondji

Il voulait une clarification du paysage politique français après la large victoire, le 9 juin dernier, de la liste du Rassemblement national aux élections européennes. Il pensait aussi sans doute secrètement, en rebattant ainsi précocement les cartes, renverser la vapeur pour repositionner son camp au sein du Parlement. Mal lui en a pris ! En décrétant la dissolution de l’Assemblée nationale, le président français, Emmanuel Macron, a plutôt donné des ailes aux « extrêmes », droite et gauche qui accaparent la plus grande majorité des 577 sièges de la chambre basse du Parlement français.

Et c’est inédit, le Rassemblement national de Marine Le Pen devient la première force politique du pays ! Une perspective devenue réalité qui fait peur, d’autant que ce parti, hier infréquentable Front national, a réussi à opérer sa mue pour devenir, aujourd’hui le Rassemblement national chouchouté par la majorité des Français. Un parti qui pèse désormais 33,14% des voix sur l’échiquier politique national (contre 18,7% en 2022), et qui pourrait relever son défi de gouverner la France avec la majorité absolue d’au moins 289 députés au soir du second tour prévu le 7 juillet prochain.

La France oscille donc, ce 30 juin, de l’extrême droite (33,14 % des voix) à l’extrême gauche avec le Nouveau Front populaire porté par la bande à Jean-Luc Mélenchon, qui cristallise, lui, 27,99 % des voix. Pour certains analystes en effet, ces deux groupes politiques ne s’inscrivent pas dans « l’arc républicain » et proposent des solutions extrêmes pour gérer les affaires de la République. De toute façon, à l’issue de ce scrutin de premier tour des élections législatives anticipées provoquées par Emmanuel Macron, et qui affiche un fort taux de participation de 67,5 %, la coalition présidentielle, Ensemble, ne recueille que… 20,04 % des voix.

Cohabitation houleuse ?

Il s’agit évidemment d’un cuisant revers pour le locataire du Palais de l’Élysée qui, avec cette dissolution inopportune et hasardeuse de l’Assemblée nationale, vient d’ouvrir plus grandement les portes du pouvoir au Rassemblement national. Le choc qu’il a voulu provoquer à travers cette décision se retourne manifestement contre lui et c’est toute sa vision politique, soutenue par une sorte de « ni de gauche, ni de droite, mais ensemble en marche pour la République » qui s’écroule !

De fait, le Rassemblement national ne s’est jamais autant bien porté depuis les années Macron. Marine Le Pen, fille de son père, Jean-Marie Le Pen, a goûté par deux fois aux délices du second tour de l’élection présidentielle avec l’actuel chef de l’État français. Et il n’est pas exagéré de dire que sa défaite à s’installer, par deux fois, à l’Élysée, tient beaucoup plus à la trompette du barrage à l’extrémisme que porte son parti. 

A contrario, il faut bien se ranger à l’évidence que le discours du Rassemblement national gagne les cœurs puisque Marine Le Pen a engrangé pas moins de 500 000 voix supplémentaires entre l’élection présidentielle de 2017 et celle de 2022, au cours desquelles elle est respectivement passée de 21,30% à 23,41% des suffrages. 

Ce qui indique que le regard de la société française a changé sur son offre politique et qu’elle a bien réussi la dédiabolisation du Rassemblement national, qui vient de se hisser pour la première fois aux premières loges du gotha politique de son pays. En attendant de gagner dans les urnes le 7 juillet prochain la majorité parlementaire absolue qui propulsera Jordan Bardella à Matignon pour gouverner la France du Rassemblement national dans une cohabitation houleuse ?

Les lignes ont bougé…

On en n’est plus loin et la dynamique est franchement en faveur de ce parti, qui ne devrait plus s’effaroucher des mots d’ordre, parfois de pure forme, appelant à faire barrage à l’extrême-droite. Clairement, la France d’aujourd’hui est à mille lieues de la… surprise du 21 avril 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national, s’est hissé au second tour de l’élection présidentielle française avec 16,86% des voix, devant Lionel Jospin du Parti socialiste qui n’avait récolté que 16,18% des suffrages. Et l’on se rappelle comme la ferveur de la mobilisation des consciences avait fait, en son temps, échec au père de Marine Le Pen pour finalement élire Jacques Chirac au second tour de cette fameuse élection présidentielle avec un écrasant score de 82,21%.

Plus de vingt ans après, les réalités sont bien différentes. Après avoir toiletté le parti qu’elle a hérité de son père, la fille Le Pen a réussi à transformer l’essai le 23 avril 2017, inscrivant le Front national, hier vomi, dans le grand débat politique national au lendemain d’une évidence électorale. Marine Le Pen a même réussi, et de fort belle manière, la passe de deux en ridiculisant davantage au passage les partis traditionnels de la droite et de la gauche françaises en 2022. Décidément, les lignes ont bien bougé depuis le coup de semonce de 2002 !  

Et les lignes continuent de bouger avec les nets succès que vient d’enregistrer ce parti, aussi bien aux dernières élections européennes qu’aux élections législatives anticipées convoquées par Emmanuel Macron et dont le premier tour vient de livrer son verdict. En ringardisant ainsi la coalition présidentielle qui comptait sur les électeurs français pour livrer sa bataille, Marine Le Pen et ses ouailles montrent bien que la France d’en bas ne s’embarrasse plus aujourd’hui des circonvolutions « politiquement républicaines ».

Entre barrage et désistements

La France est donc suspendue, toute cette semaine, aux calculs politiciens pour faire infléchir la position du Rassemblement national et l’empêcher de prendre les rênes du gouvernement, entre barrage et désistements dans des triangulaires électoraux tranchants. Si rien ne dit que les duels qui s’annoncent pour le second tour du 7 juillet réussiront à limiter les dégâts, il est clair que le « péril extrémiste » est dans la Maison France.

Car, malgré son toilettage cosmétique et son relookage esthétique, la politique que compte mettre en œuvre le Rassemblement national reste fondée sur l’exclusion, la fracture, le nationalisme larvé. La campagne électorale en a d’ailleurs donné le ton, avec notamment cette remise en question de la binationalité, du droit du sol, de la gestion de l’immigration…

En tout état de cause, les Français ont le droit de choisir leurs représentants à l’Assemblée nationale pour défendre ce qu’ils croient être leurs valeurs et déterminants du moment. Reste à savoir quelle vitrine ils veulent présenter au monde globalisé, dans un contexte où les extrémismes, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent, constituent une négation du genre humain…  

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