Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l’Etat burkinabè a signé un contrat avec la société Aranko Security pour la livraison de cinq (5) hélicoptères à l’armée de l’Air. Le processus n’est malheureusement pas allé à son terme. L’affaire a en effet mal tourné et a défrayé la chronique. Mis sur le banc des accusés, le fournisseur avait initié une conférence de presse pour éclairer l’opinion publique. Ce face à face avec les hommes de médias n’a finalement pas eu lieu pour des raisons que nous ignorons. Qu’à cela ne tienne, nous nous sommes intéressé au sujet pour en savoir les tenants et les aboutissants.
Une tribune de Jean Charles Ouédraogo
Les hélicoptères de combat sont des armes redoutables qui pourraient apporter une contribution inestimable sur le terrain de la lutte anti-terroriste en raison de leur rapidité d’intervention et leur capacité à détecter et à neutraliser les combattants ennemis. C’est pourquoi, le gouvernement du Burkina Faso a fait le choix de renforcer la flotte de l’armée de l’air afin que ces aéronefs puissent entrer en guerre pour appuyer les troupes au sol dans la traque des groupes armés terroristes.
350 milliards pour 5 hélicos
Seulement voilà : d’une part, ces hélicoptères d’attaque coûtent excessivement chers et leurs coûts de maintenance sont élevés, et, d’autre part, la procédure de commande est très complexe. Même lorsqu’un pays dispose de moyens financiers pour leur achat et leur maintenance, le délai de livraison peut prendre plusieurs années.
En novembre 2019 par exemple, l’agence américaine chargée des exportations des équipements militaires américains a demandé au Congrès d’autoriser la vente de 36 hélicoptères d’attaque AH-64 Apache au Maroc pour un montant potentiel de 4,25 milliards de dollars soit 2 125 milliards de francs CFA, presque l’équivalent de tout le budget 2021 du Burkina Faso, sauf erreur de notre part.
Si l’on fait un petit calcul, un seul hélico coûterait alors gross modo 60 milliards de francs CFA. Si donc, notre pays veut se procurer ce type d’hélicoptère de combat, il faut débourser 60 milliards avec en sus des budgets pour la maintenance, la prise en charge des pilotes contractuels en attendant la formation de nos propres pilotes. Si l’armée burkinabè a besoin de cinq hélicos AH-64 Apache, il faut débourser au moins 350 milliards.
Cinq ans pour une commande d’hélicos
Et ce n’est pas tout, le Congrès américain a autorisé la commande des 36 AH-64 Apache mais c’est six mois plus tard que le constructeur Boeing, du reste présent au Maroc via l’entreprise MATIS Aerospace, a annoncé avoir signé avec le Royaume un contrat portant sur 24 hélicos AH-64A Apache. Mais tenez-vous bien : les premiers AH-64 seront livrés à l’armée marocaine en 2024.
Pour un processus qui a débuté en 2019, c’est cinq ans plus tard que les hélicos d’attaque seront disponibles.
Eu égard à tous ces facteurs, c’est moins la question des ressources financières qui se pose au Burkina Faso mais plutôt les délais de livraison des vrais appareils de combat flambant neufs dans une situation d’urgence. Dès lors, notre pays est obligé de faire des commandes avec des fournisseurs qui connaissent des circuits d’aéronefs et qui peuvent trouver des solutions palliatives pour des besoins immédiats.
C’est ainsi qu’un accord a été conclu avec Aranko Sécurity pour l’acquisition de cinq hélicoptères et leurs modifications afin de les rendre apte au combat.
Aranko livre pendant que Aérotechnologie fait « la fête »
Un mois plus tard, Aranko Security du Franco-arménien Rafi Dermardirossian livre les aéronefs. Puis elle signe un contrat le 14 septembre 2020 avec l’entreprise Aérotechnologie du Burkinabè Yves Arzouma Millogo à hauteur de Deux milliards cent quatre-vingt un- millions sept cent quatre- vingt- neuf- mille-vingt (2.181.789.020) francs CFA avec un délai d’exécution de six à huit mois pour les modifications afin que l’armée puisse utiliser les hélicos pour traquer les terroristes.
Le patron de la société Aérotechnologie reçoit de Aranko Sécurity une avance (en deux tranches) de Neuf-cent-huit-mille-six-cent-sept-mille-cent-soixante-seize (908.607.176) francs CFA pour l’achat du matériel, l’installation dudit matériel et de procéder à des essais.
L’ensemble des obligations de la société Aérotechnologies devaient être exécutées en janvier 2021. Huit mois après la signature du contrat, le travail n’a pas bougé d’un iota. Le 24 mai 2021 Aranko Security demande la résiliation de son contrat avec Aérotechnologie qui l’accepte et s’engage à rembourser les sommes encaissées.
Mais en réalité, dès que les sous ont été payés au directeur de Aérotechnologies, Monsieur Millogo, hors mis une équipe qu’il a envoyée au Tchad pour voir des appareils au sol (hors usage) afin de récupérer les armes qui y étaient montées, rien d’autre n’a été fait de concret pour respecter les termes du contrat.
Et tout porte à croire que le sieur Millogo n’était pas de bonne foi puisque une fois l’argent du contrat en poche, il a fait un dépôt à terme (DAT) de Quatre cent millions (400.000.000) francs CFA dans une banque de la place, a procédé à des virements de devises en France où il résidait antérieurement et a fait de nombreux retraits dans les guichets automatiques pour des besoins qui n’ont rien à voir avec le contrat.
Il aurait même acheté une V8. En somme, il a préféré faire « la fête » plutôt de se concentrer pour respecter son contrat et demeurer crédible aux yeux de son partenaire d’affaires.
Rafi Dermardirossian, le patron de Aranko Séecurity qui s’est rendu compte que Yves Arzouma Millogo l’a roulé dans la farine a déposé une plainte à la justice. Le directeur de Aérotechnologie est finalement déposé à la MACO. Pour se justifier, il accuse d’une part un de ses associés, Paul Yves Rossini, actionnaire à 25% dans sa société Aérotechnologie de n’avoir pas fait le travail qu’il lui a confié et d’autre part, il avance le fait que Aranko Sécurity devait lui fournir un certain nombre de documents notamment la Spécification technique du besoin (STB), l’accord du constructeur permettant la modernisation des hélicoptères et les termes de référence du travail.
Si tel est le cas, pourquoi Monsieur Millogo a signé malgré tout le contrat sans tenir compte de ces pièces manquantes ? Visiblement il y a une mauvaise foi manifeste de sa part. Et ce n’est pas étonnant qu’il ait été jugé, reconnu coupable des faits d’abus de confiance et condamné à quatre ans de prison dont deux fermes et au paiement de la somme de Deux-cent-six millions-six-cent-quatre-vingt-treize-mille-cent-cinquante-un (206.693.151) francs CFA.
Le plaignant Rafi Dermardirossian fait appel du verdict sans doute eu regard du grave préjudice qu’il a subi. Une partie de l’opinion est braquée à tort contre lui alors que c’est notre propre frère, notre compatriote, Yves Arzouma Millogo qui est à l’origine de ce problème. Ceux qui soutiennent que ce sont des Burkinabè qui sont complices des terroristes et qui rendent la lutte encore plus compliquée n’ont pas tort.
Comment dans ce contexte difficile pour notre pays et son armée, on peut oser se comporter de la sorte contre les intérêts de la terre qui vous a vu naitre ? Quand on donne des marchés aux étrangers, on crie au scandale et quand on les donne à nos compatriotes, soit ils exécutent mal le travail, soit ils le font à moitié ou pas du tout. Le cas de Yves Arzouma Millogo est symptomatique. Toutefois, il ne faut pas jeter l’anathème sur tous les hommes d’affaires burkinabè car il y a en qui respectent scrupuleusement les contrats qu’ils signent.