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[Entretien] Affaire Ousmane Sonko, «la démocratie et l’Etat de droit sont encore à construire en Afrique», dit Guy Hervé Kam, avocat de Ousmane Sonko

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La capitale sénégalaise a vibré le jeudi 16 mars 2023 au rythme de violents affrontements entre partisans de l’opposant Ousmane Sonko, poursuivi pour diffamation, et les forces de l’ordre. Ces violences ont été déportées au sein du palais de justice à Dakar où M. Sonko devait être jugé. Une situation que l’un des avocats de M. Sonko, le Burkinabè Me Guy Hervé Kam joint par Libreinfo.net, raconte dans cet entretien téléphonique.

Propos recueillis par Daouda Kiekieta

Libreinfo.net : Comment s’est déroulé le procès Ousmane Sonko ?

Me Guy Hervé kam: C’est un procès sous haute tension. Déjà je suis arrivé à Dakar hier (15 mars ndlr). Il était prévu une rencontre avec M. Ousmane Sonko et les avocats constitués dans le dossier.

Malheureusement, nous n’avons pas pu le faire parce que le quartier où il résidait était complètement bouclé. M. Sonko ne pouvait donc pas sortir et personne ne pouvait rentrer chez lui.

Du coup, pour nous avocats, il n’était pas possible de tenir l’audience dans ces conditions. Ce matin (16 mars ndlr) nous étions au tribunal lorsque nous avons appris que M. Sonko a été bloqué par les forces de l’ordre, qui voulaient lui imposer un itinéraire pour venir au tribunal. Ce qu’il a bien entendu refusé.

C’est dans ces conditions qu’il a été fortement brutalisé avec Me Cledor Ly, l’un de ses avocats qui était avec lui. Ils ont été gazés et sont arrivés au tribunal dans un état pas du tout bon.

Nous avons estimé qu’il n’était pas dans un état physique et psychologique compatible avec une audience, en plus du fait que nous n’avions pas pu le rencontrer. Nous avons demandé le renvoi.

Libreinfo.net : Qu’est-ce qui est reproché à votre client ?

Me Guy Hervé kam: Il est reproché à M. Sonko des faits de diffamation, d’injures, de faux et usage de faux à l’encontre du Ministre sénégalais du Tourisme Mame Mbaye Niang.

Il s’agit en réalité d’un projet PRODAC géré au Sénégal. Un rapport de l’inspection générale des finances a établi de nombreuses irrégularités dans la gestion de ce projet à hauteur de 36 milliards de FCFA.

Ce sont des faits qui ont été commentés par la presse sénégalaise depuis 2018 et 2019. Il y a même M. Birahim Seck, membre du forum civile, qui a écrit un livre sur l’affaire, intitulé, «Prodac, un festin de 36 milliards de FCFA ».

Ce livre est un véritable réquisitoire à charge contre le Ministre Mame Mbaye Niang. Après cela, parlant du Ministre Mame Mbaye Niang, Ousmane Sonko a dit, lors d’un point de presse, que celui-ci a été épinglé par un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF).

Le ministre l’a donc poursuivi pour diffamation et injures pour avoir dit cela. « Faux et usage de faux » pour la simple raison que monsieur Sonko, dans son point de presse, a dit que c’était un rapport de l’Inspection générale d’Etat (IGE) dans un lapsus qu’il a corrigé d’ailleurs en disant que c’est l’inspection générale des finances (IGF).

Il faut comprendre que monsieur Sonko (Ousmane Sonko ndlr) est candidat à l’élection présidentielle de 2024. S’il est jugé et condamné pour une peine ferme de trois mois ou une peine avec sursis de six mois, il devient inéligible.

Libreinfo.net : Que pensez-vous des affrontements qui ont émaillé le procès ce jeudi ?

Me Guy Hervé Kam: Malheureusement, cela arrive souvent qu’il y ait des violences dans des affaires sensibles. Pour un pays comme le Sénégal, j’ai été personnellement surpris que les violences soient même entrées jusqu’au palais de justice.

Ce matin (jeudi), il y a des confrères avocats qui ont été violentés alors qu’ils portaient toujours leurs robes d’avocat.

Les forces de l’ordre ont fait usage de grenades lacrymogènes au sein même du palais de justice. C’est vraiment dommage ce qui est arrivé. Cela démontre que la démocratie et l’État de droit sont encore à construire en Afrique.

Libreinfo.net : Depuis quand cette procédure est enclenchée contre l’opposant Ousmane Sonko ?

Me Guy Hervé kam: La première fois qu’il a été appelé à comparaître dans cette affaire, c’était le 2 février 2023

Libreinfo.net : Combien d’avocats se sont constitués aux côtés de M. Sonko dans ce dossier ?

Me Guy Hervé kam: Il y a déjà beaucoup de confrères sénégalais qui sont constitués dans le dossier. En gros, une vingtaine de confrères sénégalais

Libreinfo.net : En tant qu’avocat burkinabè, comment vous vous êtes retrouvé dans ce dossier ?

Me Guy Hervé kam: J’ai été consulté et je me suis donc associé à la procédure.

Libreinfo.net : Dans quel état d’esprit se trouve Ousmane Sonko ?

Me Guy Hervé kam: Ousmane Sonko sait qu’il n’a pas commis de diffamation. Il sait que c’est un procès qui vise à l’écarter des élections. Conformément à ses engagements, il est prêt à se battre sur le terrain judiciaire pour lequel nous l’accompagnons. Il est très déterminé. Malgré toutes les violences subies hier (mercredi ) et aujourd’hui (jeudi), il reste serein. Il nous engage donc à continuer le travail sur le terrain judiciaire.

Libreinfo.net : Pensez-vous vraiment que la justice joue le jeu du pouvoir ?

Me Guy Hervé Kam: On le saura avec la décision qui va être rendue. Au regard du dossier, on a pas besoin de sortir d’une grande école de droit pour savoir qu’en l’occurrence, il n’y a pas de diffamation ni d’injures. Surtout que nous sommes dans un contexte politique où la victime occupait les fonctions de Ministre au moment des faits, et que la question concerne l’agent public sénégalais.

Si on ne peut pas parler de la gestion d’un agent public ayant fait l’objet de rapport de l’IGF, je pense qu’on ne doit plus parler de bonne gouvernance. Les juges le savent. On attendra de voir la décision pour savoir s’ils ont choisi de dire le droit ou faire la volonté des princes du moment

Libreinfo.net : Comment expliquez-vous l’usage de la force dans ce procès ?

Me Guy Hervé kam: Justement je ne m’explique pas. C’est pourquoi nous étions tous les avocats choqués parce que c’est bien la première fois que des forces de l’ordre, après avoir empêché un citoyen de prendre la route qu’il veut, le prennent manu militari pour l’amener au tribunal et le ramener à son domicile. Ce sont des violences qui ne s’expliquent pas.

Libreinfo.net : Comment vous les avocats, vous comptez vous y prendre ?

Me Guy Hervé Kam: Nous sommes dans cette procédure pour nous battre pour que le droit soit dit. Pour que le droit soit dit, il y a un environnement propice à cela. Nous l’avons signalé et le tribunal l’a suivi aujourd’hui (jeudi).

Nous veillerons à ce que l’environnement du lieu du procès soit conforme au standard de procès équitable dans un climat serein. Pour les autres aspects, il appartiendra au président Ousmane Sonko de faire le reste.

Libreinfo.net : Avez-vous peur d’un procès téléguidé ou commandé ?

Me Guy Hervé Kam: Évidemment, nous avons peur de cela pour la simple bonne raison que nous savons que, si le procès est équitable, il n’y absolument aucun risque que M. Sonko soit condamné.

Le dossier ne contient aucun élément d’infraction. C’est l’exemple type de procès dans lequel on peut dire que le dossier est vide.

Par conséquent, la seule chose qui peut nous inquiéter, c’est que la justice ne soit pas indépendante et aussi que les juges ne soient pas impartiaux. Si les juges sont impartiaux et indépendants, M. Sonko sera relaxé des fins de cette procédure judiciaire.

Libreinfo.net : Est-ce que le Ministre n’a pas le droit de porter plainte contre tout citoyen s’il estime qu’il est diffamé ?

Me Guy Hervé Kam: Personne ne conteste le droit du ministre Mbaye Niang de saisir la justice. C’est son droit le plus absolu en tant que citoyen. Ce que nous contestons, c’est la manière dont les forces de l’ordre sont impliquées pour que ce cas puisse être jugé.

Vous voyez, si dans un pays on dit qu’un Ministre est impliqué dans une affaire de ce genre, le procureur doit chercher à savoir si effectivement cela est vrai.

Si au lieu de chercher cela, le procureur s’intéresse plutôt à la question de la diffamation pour celui qui a dit cela, manifestement il y a un problème. C’est ce problème que nous signalons.

Lire aussi: Sénégal: l’avocat burkinabè Guy Hervé Kam est constitué au côté de Ousmane Sonko

www.libreinfo.net

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