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Insécurité au Burkina Faso : « une guerre sous le signe indien», une analyse de Kalifara Sere

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Le terrorisme qui secoue le Burkina Faso suscite de multiples réflexions et analyse chez les chercheurs. Kalifara Sere, Administrateur Civil et passionné des questions de sécurité et de l’extrémisme violent au Sahel partage régulièrement ses analyses de la situation avec les lecteurs de Libreinfo.net .Cette fois ci son analyse porte sur la « malédiction » du Burkina dans cette lutte contre le terrorisme. Que faut-il comprendre par malédiction? Lisez!

 

Les forces armées burkinabè : 30 ans de lumière et 30 ans d’ombre

Personne n’a eu la force de clamer « joyeux anniversaire ! » tant la situation militaire est critique et commande une rupture de management de notre système de défense et d’intégrité territoriale. Personnellement, j’incline à proposer la mise en œuvre d’un exercice d’inventaire général sur les 60 dernières années afin d’enclencher à partir de cette fin d’année 2021, un nouveau cycle de notre agencement militaire et de défense nationale.

Sur les six dernières décennies, on peut schématiser la trajectoire de nos Forces Armées en énonçant trois grandes étapes d’évolution-mutation :

La première période recouvre la phase initiatique marquée par un souverainisme juvénile et enthousiaste porté par une forte conviction que la Haute Volta pouvait et devait bâtir une armée techniquement valide, psychologiquement intrépide et invincible. Son credo : une confiance inébranlable au karma et au patrimoine irrationnel de chaque soldat. Qu’importent le matériel et les équipements ; la discipline militaire, les fétiches individuels et la bienveillance des Dieux de nos ancêtres suffisaient à construire et maintenir une armée sérieuse, appliquée, robuste, crainte et respectée. La chaine de reproduction par le canal des écoles d’enfants de troupes puis du prytanée militaire, en aménageant un confortable quota aux rejetons de militaires était censée garantir une certaine pureté génétique afin de consolider les aspirations des pères fondateurs.

Sur le plan strictement efficacité, cette armée a fait ses preuves par une grande capacité d’alerte et de prévention d’une part et par une capacité de contrôle de son centre de gravité allié à une réelle fulgurance opérative. Cette double projection sérénité-self contrôle et fulgurance a pendant longtemps, été la marque de fabrique des activités cinétiques de l’Armée voltaïque.

Ainsi les gens ont tendance à oublier qu’en 1969 et 1971, seule la prompte et implacable réaction des FAN (d’une violence extrêmement dissuasive) a évité que le sombre dessein des irrédentistes touaregs de l’Azawad ne se propage dans tout le Djelgodi. Il s’agissait déjà d’une guerre que d’aucuns qualifieraient aujourd’hui de conflit asymétrique mais qui n’a nullement perturbé la puissance psychologique et la compacité des rangs de nos unités combattantes en dépit d’un équipement globalement rudimentaire. Ainsi un certain Lieutenant…Thomas Sankara a conduit avec brio, suivant un modèle d’intervention jusque-là inusité des opérations commando quasi suicide à Douma et Senkserina.

On peut considérer que ce premier cycle a débuté en 1962 et s’est poursuivi jusqu’en 1983

A partir de la Révolution, s’ouvre une période caractérisée par un militarisme primaire, naïf et démagogique. Les premiers fondements de cette nouvelle philosophie militaire tirent leur essence des dogmes marxistes léninistes véhiculés à l’époque dans les pays africains tentés par une politique de rupture post coloniale. En effet, dans son opuscule intitulé « Tâches immédiates du pouvoir des Soviets », LENINE identifie clairement l’Armée comme l’une des institutions réactionnaires à désorganiser en vue d’avancer vers le projet de société étatiste, centralisateur et de démantèlement des cloisons socio politiques. Au Burkina, les militaires regroupés dans un mouvement pompeusement dénommé « Organisation militaire révolutionnaire » (OMR), se sont donc fait un devoir de « déstructurer l’Armée pour ne pas pérenniser un instrument de domination et d’oppression ». L’Armée était reconvertie en une structure mixte technico-populiste avec deux principales composantes : les militaires en armes ou civils en mission militaire et le peuple militairement formé ou militaires en permission. Le corps de doctrine militaire valorisant le concept de guerre populaire généralisée consacrait de facto une rupture d’avec les principes prônés par les pères fondateurs Sangoulé Lamizana et Baba Sy.

Cependant, l’on notera que l’expérience militaire de la révolution a engendré une conscription massive via les CDR et par le moyen des formations au maniement des armes et la conscription par le canal de l’institution d’un service national civique à format civilo militaire (SNP puis SND).

Le militarisme d’essence démago-populaire a été un mauvais greffon car il n’a pas rencontré l’assentiment de toute l’Armée (y compris de la haute hiérarchie). Il n’a pas non plus abouti à incruster au sein de la population un réflexe de défense idéologique ou même d’auto défense. Ainsi par exemple, le Bataillon populaire d’intervention rapide (BAPIR), clé de voute du rideau de défense urbaine a disparu comme par magie un après-midi du 15 octobre 1987 !Il en est de même pour la résistance entamée sans succès car sans appui populaire par le BIA  La dernière période est celle qui commence en 1987 et se poursuit dans une trajectoire fulgurante de délitement. Cependant, certains observateurs ne voient qu’un continuum de 1983 à nos jours. Je ne partage pas ce sentiment que l’Armée populaire suggérée par le discours d’orientation politique (DOP) est l’équivalent de l’Armée reformatée sous le Front Populaire. La grande distinction réside dans le concept général d’emploi non formulé, mais suggéré par l’évidence de certaines missions nouvelles. Dès son avènement au pouvoir Blaise Compaore devait exécuter une feuille de route en reconnaissance des facilités offertes dans la conquête dudit pouvoir. Homme de parole, Blaise Compaore a scrupuleusement rempli toutes ses obligations vis-à-vis de ses créanciers tels que Houphouët Boigny ou la Direction Générale des Services Extérieurs (DGSE- Maitre d’ouvrage coordonnateur de la Françafrique).

La mise en œuvre de cette feuille de route, pour des raisons d’efficacité et de discrétion a été circonscrite à l’unité militaire ayant la plus forte proximité avec Blaise Compaore : le CNEC. Dès lors, s’est enclenché un cycle infernal de patrimonialisation d’une partie de l’Armée par le seul Blaise Compaore. Ce phénomène extraordinaire de transformation de l’élite militaire en une société de vigiles et de mercenaires et de clochardisation du reste de l’Armée a achevé de déstructurer la fonction militaire et a entrainé une perte accélérée de l’ADN des FAN ; ADN jadis hérité des pères fondateurs.

Je vous ai fait ce tour d’horizon de la trajectoire à haut risque de nos forces armées afin que les plus jeunes s’approprient les clés de lecture de la question militaire au Burkina Faso. Après les jacqueries/mutineries de 2008 et surtout 2011, les évènements d’octobre 2014 semblaient à priori signer le retour à une cohésion au sein de l’Armée par le rabotage du statut sur- dimensionné du Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Malheureusement, par un fâcheux concours de ratés de percussion, la perspective de fusion, de communion des différents corps d’Armée s’est totalement volatilisée. Au demeurant, ce rabotage était-il même envisageable quelle que soit la bonne volonté des différents protagonistes ? Après certains évènements qui ont porté le glaive au plus profond de la chair des FAN, la solution pouvait-elle être superficielle, ou intra-militaire c’est-à-dire sans convoquer tout le corps social au chevet du grand malade ?

Une trajectoire fatale ?

Pour faire un indispensable focus sur la situation actuelle caractérisée par la perte de contrôle d’une partie substantielle de notre territoire, il faut rappeler l’adage qui indique que le point de chute a beaucoup moins d’importance que le point de trébuchements. L’Armée nationale a trébuché à Nassoumbou, mais a continué de trébucher encore et encore ! Pourquoi ?

Il faut partir tout d’abord de certains constats découlant de la conduite de cette guerre dont on voudrait bien qu’elle ne soit qu’une simple « insécurité » et qui malheureusement s’affirme de jour en jour comme une conflictualité aux caractéristiques d’une guerre implacable.

J’ai entendu et je lu des experts, chercheurs et autres qui, pendant longtemps ont, certainement par complaisance ou par souci de plaire aux dirigeants, bercé notre peuple avec de fausses illusions du genre « les FDS montent en puissance ». Pour ma part, je n’ai jamais rien dit de tout cela non pas que cela ne serait pas réconfortant pour moi que nos FDS montent en puissance, mais l’intangibilité de la vérité commandait que nous observions sur le terrain et par des recoupements crédibles que, en dépit de nouvelles acquisitions en matériels et équipements militaires, malgré quelques timides réformes indispensables sur la chaine de commandement, de l’intendance générale des opérations… rien ne changeait de façon déterminante en vue d’une inversion des tendances globales du conflit ; conflit  que nous affectionnons de classifier en « guerre asymétrique » comme un alibi à nos impuissances. La cartographie de la guerre et d’une manière la géographie de cette guerre qu’on a peur de nommer étaient laissée à la discrétion de l’ennemi modulant à son gré les zones de pression et de décompression, prenant possession à son gré des aires stratégiques (successivement toutes les forêts et galeries du Sahel, puis celles de l’Est de Foutouri à Kombongou en passant par Tapoa Djerma, Arly etc..). Aujourd’hui, la forêt de Folonzo au sud-ouest du pays est totalement conquise par l’ennemi qui y effectue des aménagements confortatifs et de défense passive. Il vous souviendra que j’avais souligné à maintes reprises, l’importance d’ériger une ceinture d’acier autour de cet espace stratégique.

A contrario, alors que le mouvement jihado terroriste gagne en confiance et même en défis insensés, notre Armée demeure timorée, peu entreprenante, réactive à minima. En documentant une vingtaine de confrontations (embuscades, attaques sur sites, attaques combinées…) l’on note très peu de vrais affrontements qui durent plusieurs heures avec des séquences tactiques variées. Ce qui se passe généralement c’est que si la puissance de feu de nos forces se révèle supérieure à celle que les terroristes avaient estimée, les combats sont abrégés par les assaillants eux-mêmes qui disparaissent aussi rapidement que possible. Par peur des des engins explosifs improvisés(IED), nos forces exécutent très rarement voire jamais de mouvements de poursuites coordonnées.

Lorsque les terroristes prennent le dessus, l’abandon de position est de mise, le plus souvent de façon tactiquement non organisée. Certes il a été signalé un cas isolé et illustratif de résistance acharnée.

Il est évident que l’on peut expliciter les pertes de positions de façon rationnelle : insuffisance ou inadaptation de certains équipements, faiblesse de la chaine de soutien au combat marqué par l’inexistence d’un véritable dispositif de renforts, inexpérience des combattants et absence de combattants mentors et de gradés à leur côté etc…

Une vaine héroïcité ?

Il se trouve que moi je fais partie de la catégorie des burkinabè qui croient encore et toujours à l’héroïcité intrinsèque de notre Armée. Cette conviction m’indique que quelle que soient les contingences, contraintes et inadéquations d’approvisionnement, de stimulation psychologique et financière, l’Armée nationale burkinabé a les ressorts nécessaires pour résister et casser le cercle de feu allumé par les terroristes.

L’historicité de FAN et l’ADN hérité des pères fondateurs de cette Armée renforce davantage cette conviction profonde. En outre, des trois pays en proie à la pandémie terroriste, le Burkina a des atouts inestimables. Je pense notamment :

-que sa superficie (1/10è de la superficie de l’espace en jeu) est un atout pour peu que les plateformes de ciblages cinétiques soient en cohérence avec les particularités de notre territoire ;

-que son historicité incite à une imperméabilité aux tentations territoriales qui sont des résurgences du 18 è siècle et des heurts identitaires qui ont eu cours dans le bassin du Liptako-Gourma. Je l’ai déjà dit : toutes les tentatives d’expansion territoriale peulhs, touareg ou poulano-touaregs ont lamentablement échoué aux pieds de l’imperturbable principauté de l’Aribinda .

Je considère que c’est le Burkina qui devrait être le premier des trois pays à se libérer de l’hydre terroriste et prêter main forte au Niger et au Mali.

Je répète que moi je crois à l’héroïcité intrinsèque de notre Armée. Cette héroïcité cependant semble bloquée par quelque chose d’assez abstraite, mais ferme et compacte que moi je prends la responsabilité d’appeler« malédiction nationale ».

Une guerre sous le signe indien

L’approche irrationnelle de voire mystique de l’évolution de la guerre a commencé à m’oppresser à partir de 2017; dans un premier temps, je n’ai pas été en mesure de franchir la frontière du paranormal pour comprendre ce qui fait que le ciel nous tombe sur la tête sans aucun recours apparent. Puis à partir de 2020, je me suis décidé à explorer davantage la question en élaborant un protocole de recherche-action comportant mes hypothèses, les problématiques connues et celles dissimulées afin d’aboutir à une hyper thèse.

En tant que profane dans la matière, je me suis convaincu de distinguer d’abord les malédictions individuelles, familiales, tribales …de la malédiction publique ou malédiction nationale. La malédiction publique est un état de malheur inéluctable qui s’abat sur une communauté nationale en raison de transgressions majeures relevant de l’universalité de tabous et/ou d’interdits et de l’universalité de la croyance aux présages dans  la permanence de valeurs spirituelles, cosmogoniques et/ou sociologiques.

La malédiction publique nationale est contractée par la Nation et n’est pas toujours facile à discerner sauf par des gens dotés d’un grand pouvoir mystique (hommes de Dieu, prédicateurs, sacrificateurs etc…) et si rien n’est fait pour l’endiguer absolument, totalement et définitivement, elle se reporte automatiquement par délégation toxique à la génération suivante et ainsi de suite aux autres générations. Évidemment, la malédiction publique dont les manifestations ne sont ni mesurables, ni maitrisables ou paramétrables est source de destruction, d’affaissement ou même de disparition.

Du point de vue spirituel, la malédiction publique a la capacité de bloquer ce que les juifs appellent la bereka (ou baraka chez les arabes) qui est une charge positive qui transmet et renouvellent les énergies positives entre les individus au sein du pays et entre le pays et l’extérieur.

La malédiction bénéficie de supports et de vecteurs qui véhiculent et démultiplient sa capacité de pénétration dans les entrailles de la société. Ces vecteurs reposent sur des symboles et représentations de puissances mystiques communément exaltées dans les cosmogonies. Les vecteurs principaux recensés sont les suivants en rapport avec les inconduites « maledictiogènes »:

Primo : le feu est l’archétype de la lumière et de la régulation de la pluie et de l’hivernage. Il est supposé verser des « gouttes de sueur » qui se transforment en filons d’or dont l’usage est uniquement agréé aux seules femmes. Le feu est sa manifestation majeure ; ledit feu est un symbole féminin dans la plupart de nos sociétés traditionnelles burkinabé. Ce sont les femmes qui sont dépositaires du feu et régentent son usage (cuisine, chauffage domestique traditionnel, feu de départ de la chasse traditionnelle annuelle…);

J’en appelle au souvenir des burkinabé et surtout de ceux qui ont un certain âge. Le feu a pris une place exorbitante dans notre Nation sans l’aval quelconque des femmes qui en sont les dépositaires permanentes. Que ce soit les tragiques évènements du BIA de Koudougou, les tortures par le feu généralisées au Conseil de l’Entente et enfin l’apothéose du bucher de l’Assemblée Nationale, le feu a fait irruption de façon inopinée et s’est installé dans le landernau politique.

La revue des traditions et croyances relatives au feu, à l’incendie établit une parfaite convergence vers une tolérance zéro du feu et de ses traces (suie,  cendre et fumée). La gente féminine plus méticuleuse, possède la maitrise d’ouvrage des travaux de remise en état post incendie. Au Burkina, les incendies sont devenus  un label de lutte émancipatrice et de rénovation de la démocratie. Il me semble que nous devrions ouvrir notre esprit aux réalités plus prosaïques des fondements de notre société et nous dépêcher de mettre sur pied des pelotons féminins assistés des jeunes hommes pour nettoyer, astiquer, aseptiser tout lieu public, tout édifice portant encore  des traces malédictiogènes d’incendie politique. Les édifices ainsi délivrés de toute charge négative pourraient soit etre soumis au génie créateur de nos architectes, soit transformés en sites d’aménagements paysagers. Rappelons que dans la Grèce antique, un édifice qui prenait feu ne pouvait plus avoir qu’une destination paysagiste.

-Secundo : Le minerai les plus précieux et ayant la charge mystique la plus élevée (100 fois le niveau de charge mystique de l’or), c’est-à-dire  le diamant ne figure pas dans la représentation cosmologique des patrimoines impérissables au Burkina Faso. L’irruption du diamant dans l’espace économico financier de notre pays suite aux aventures mercenaires au Libéria et en Sierra Léone et dans une moindre mesure en Côte d’Ivoire a-t-elle pu engendrer une « malédiction de la pierre précieuse » ? On peut le croire quand on sait les désastres que le diamant du sang en RDC, en Angola et ailleurs lesquels désastres ne relèvent pas seulement de la superstition infantile. L’attrait du diamant a régné quelques années sur le Burkina. Cet attrait était si fort que le rejeton de Savimbi réfugié humanitaire au Faso a été dépouillé de toutes ses pépites.

Tertio : Les artefacts qui sont les insignes reconnus de cultes, de croyances et de célébrations publiques ou ésotériques. De façon universelle, l’on conçoit que les artefacts cultuels soient d’une inviolabilité absolue. C’est faute d’avoir observé cette précaution élémentaire que semble-t-il, la civilisation Maya, l’une des plus brillantes de toute l’humanité s’est effondrée à la grande surprise des historiens.

Peut-on nous convaincre que nous n’avons pas violé des identités d’artefacts ou favorisé l’intrusion d’autres artefacts dans des espaces allogènes. Les résultats de mes recoupements à ce sujet sont en demi-teinte car les langues continuent à ne pas se délier. Mais de toute évidence, au lendemain du 15 octobre 1987, des cérémoniels cabalistiques et proprement méphistolesques se sont déroulés comportant à une forte probabilité des prélèvements d’organes humains. Ces cérémoniels démoniaques ont eu le Conseil de l’Entente comme lieu focal. Après des recherches complémentaires, il conviendrait le cas échéant de détruire totalement ce lieu et le convertir en espace de verdure.

Quatro : Les principaux autres vecteurs annexes sont notamment l’ingérence forcené dans les guerres qui ne nous concernaient pas, révélant une certaine arrogance doublée d’une criminalité pathologique. Ainsi à titre d’exemple, nos soldats du centre national d’entrainement commando (CNEC) faisant partie du corps expéditionnaire dépêché au secours du NPFL et du RUF ont fait preuve semble-t-il d’une expertise et d’une cruauté hors du commune. Une chose est sure ; dans les faubourgs de Bakata, Buchanan ou Greens, des gens continuent d’appeler la rafale de kalashnikov par l’expression « burkina folk » ! Ces guerres ignobles menées sans aucune consultation du peuple burkinabé pour des causes totalement étrangères au Burkina Faso et sans aucune retombée officielle en termes de recettes budgétaire ou de plus-value géostratégique ne sont-elles pas en train de nous réserver des humiliations d’origine mystico morales ?

Dans le même ordre d’idée, je m’oblige à mentionner deux factuels emblématiques :

-primo : en 1987 pour réduire la poche de résistance que constituait le BIA de Koudougou, le corps expéditionnaire n’a reculé devant aucune atrocité pour imposer le nouvel ordre militaro politique. En cette occasion, les suppliciés non seulement n’ont pas droit à une sépulture digne, mais les restes de dépouilles calcinés ont été soumis à ce qui de toute évidence relevait d’un rituel satanique pré établi. Cet épisode a notamment signé la fin de la fraternité d’arme qui est un état d’esprit consubstantiel de la vie et de la carrière de soldat. Cette fraternité une condition essentielle du principe de l’esprit militaire forgeant l’ensemble des valeurs sans lesquelles il n’y a ni militaire ni Armée.

Secundo : en 2015 au terme de l’odyssée Djendjere, une pathétique cérémonie dite de « désarmement » a consisté à présenter au public burkinabé des armes lourdes, des canons anti-chars, canon de 80, de 106 mm…, des fusils d’assauts etc. Jomini le théoricien de la logistique militaire moderne, justifie la présentation des armes de l’ennemi vaincu par la survivance d’un rituel païen visant à détruire totalement l’ennemi jusque dans ses fondements mystiques. Ainsi donc, les putschistes du RSP ont été traités comme des ennemis issus d’un autre pays. Si l’on accrédite un tant soit peu cette superstition, faut-il alors s’étonner qu’en 2016, lors de la bataille de Nassoumbou, une partie de ces armes saisies à l’ennemi et réaffectées au groupement des forces anti terroristes (GFAT) n’aient pas pu nous assurer le bénéfice de la victoire ?

Quelles voies pour éradiquer la spirale « maledictionnelle » ?

Je ne suis pas du tout qualifié pour me prononcer sur un protocole de mitigation ou d’éradication de la malédiction publique, mais il y a dans ce pays de nombreuses autorités morales et spirituelles dont la vocation est justement d’ouvrir un parapluie pour couvrir le peuple et demander aux dieux de nos ancêtres et à tous autres dieux auxquels des burkinabé croient d’intercéder en faveur de peuple afin de :

débarrasser l’aura burkinabé des énergies négatives et des sentences prononcés en secret par d’autres peuples contre notre peuple ;

exécuter des prières et des recueillements de délivrance, implémenter des demandes de pardon solennelles aux peuples meurtris etc.

L’eschatologie nous enseigne que la malédiction a vocation à anéantir mais se présente sous quatre différentes séquences chronologiques : l’avertissement, l’échéance, l’inéluctabilité et enfin le fracassement.

Il y’a des Nations qui ont subi la malédiction jusqu’au fracassement et qui ont été balayées par d’autres Nations ou civilisations (exemple la civilisation Maya). D’autres Nations sont sous le coup d’une malédiction latente, pesante et dirimante sans aboutir à la redoutable étape ultime : exemple le Liban avec ce qu’on appelle couramment la malédiction du cèdre, Haiti avec ce qu’on appelle la malédiction vaudou etc…

La symptomatologie que je perçois en ce qui concerne le Burkina Faso relève de cette catégorie latente mais toujours prégnante et handicapante. Les manifestations les plus visibles mais non exhaustives sont perçues par les populations comme bizarres, anormales ou inquiétantes. En fait, il s’agit de manifestations qui révèlent une perte de repères et qui interpellent. A titre illustratif :

-le gouvernement burkinabé adopte un projet de loi pour encadrer l’organisation des élections municipales en mai 2022. Le contenu dudit projet est sidérant à tous égards et fait penser que nous disposons certainement d’un gouvernement cinglé ! Mais en vérité, le gouvernement est pire que cinglé : il est impacté par la malédiction nationale qui obstrue sa vision et son jugement et l’incite à ruer droit vers des priorités inutiles voire dangereuses.

-Si le gouvernement est impacté par la malédiction, que penser alors des partis politiques et singulièrement ceux regroupés au sein du « dialogue politique » dont émane le fameux projet de loi ?

-Au-delà du microcosme politique, l’on note que la population elle-même est sujette aux manifestations illustratives de la malédiction. Incapable de se mobiliser pour constituer des légions de volontaires, de s’organiser au sein de chaque commune dans le cadre bien compris de la défense civile, elle ne trouve rien de mieux que de s’enfermer dans un quasi autisme face aux périls en cours. Les burkinabé ont appris à décliner le concept de résilience sous un éclairage nouveau : il ne s’agit plus  de sursaut reconstructeur mais plutôt de fuite en avant un focus exceptionnel sur une vague déferlante d’épicurisme. En effet, les populations des enclaves ou ne sévissent pas encore les groupes jihado terroristes se livrent à une furieuse consommation de tous les plaisirs et toutes les débauches tels des habitants de Sodome et Gomorrhe à la veille  du cataclysme.

Concernant l’Armée nationale, l’étiologie de la malédiction nationale est encore plus implacable. Nos soldats sont plus pétrifiés par la frayeur immense que vaincus par un ennemi qui présente des points de faiblesses qui lui seront fatals dès que la purification sera en route. La purification nous fera changer de paradigme car depuis six (6) ans maintenant, de nombreuses autorités morales de toutes régions, de toutes les religions et croyances du pays ont été accréditées avec pour mission, par la prière, le jeûne, etc  de nous offrir la fortune de la guerre. Mais en vain ! Les innombrables sacrifices de volailles, caprins, bovins, camélidés et que sais-je encore… ne produisent pas d’effets escomptés. De même, les  crimes immondes commis par les terroristes sur des populations civiles, des femmes et des enfants n’ont pas encore eu le don d’irriter Dieu… en tout cas pas pour le moment !

Nos rochers séculaires, socles de nos prouesses du passé sont devenus inopérants : de Lanfiera à Niankorodougou, de Tansarga à Mangodara les hauts lieux de résidence de nos ancêtres sont foulés au pied sans représailles mystiques.

Je pense fermement qu’il y a des diligences indispensables à accomplir sur le chemin de la rémission. C’est pourquoi je soumets à a réflexion publique quelques éléments de pré requis.

Il s’agit de prendre le bâton de confession  et aller faire acte de contrition partout où notre voracité sanguinaire a laissé des traces dans les esprits, dans les corps et dans cœurs. Pour ce faire, je suggère que le Ministre d’Etat en charge de la Réconciliation soit investi de cette nouvelle mission en lieu et place de le réconciliation nationale qui fait perdre du temps à notre peuple. Le modus operandi pourrait être la constitution d’un panel de haut niveau constitué des trois clergés et des autorités coutumières. Ce groupe de hauts responsables des communautés entreprendrait un long périple dont le routing devrait être minutieusement tracé afin de n’oublier aucun peuple que nous avons offensé et affligé sous le regard indifférent des autorités religieuses et coutumières qui ont clairement manqué de courage à l’endroit de leur précieux allié M. Compaoré.

Il conviendrait d’intégrer dans ce panel chargé d’un pèlerinage spécial, Blaise Compaoré qui est lui-même au centre de cette malédiction nationale et qui, si aucune rémission n’est entreprise, serait comme un tonneau ambulant chargé de déchets radio actifs susceptibles d’irradier tous les tenants de son système. Toutes les vérités doivent être dites afin de nous décharger de cette malédiction qui ne me semble pas une fiction et une vue de l’esprit. Les burkinabé doivent convenir pudiquement qu’ils ont été un peuple de pillards, des Huns d’Afrique de l’ouest. Ce peuple qui ose parler de « burkindi », a outragé la face de Dieu car il n’est en réalité qu’un peuple de vautours sarcoramphes irrésistiblement attirés par la charogne.

Les hommes de Dieu devront redoubler d’efforts afin que les générations montantes soient exemptes de toute contamination. C’est pourquoi en marge de cette approche particulière, il conviendrait que l’Etat constitue une équipe permanente de cliodynamique. Constitué de mathématiciens, statisticiens, environnementalistes, socio anthropologues, communicateurs, etc…, cette équipe devrait ébaucher des trajectoires-types susceptibles de nous éviter le déclin de type collapsus.

Bien que la cliodynamique soit une discipline non encore vulgarisée à travers le tiers-monde, il faut savoir que les pays les plus avancés ont remplacé les études prospectives long terme par la cliodynamique afin de mieux percevoir à travers le prisme de projections à la fois mathématiques et socio conjoncturalistes les tendances lourdes. La NASA a déjà son modèle analytique dénomme HANDY. Les USA, la Chine et bien d’autres ont déjà identifié les dates-clés des menaces irréversibles.

Au vu de son histoire très tourmentée, le Burkina gagnerait à se doter d’un tel dispositif pour éclairer surtout le chemin des générations montantes.

Enfin, j’espère que je ne heurte les convictions religieuses ou philosophiques de personne.

Une obligation d’optimisme !

A partir de la fin de la décennie 80, le Burkina Faso sous la férule de Blaise Compaoré et à l’instigation de la France, a pratiqué un terrorisme aveugle qui a embrasé toute la sous-région : Niger, Mali, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Tchad et surtout Libéria et Sierra Léone. Ce terrorisme, s’il présente quelques différences d’avec le format actuel du jihado terrorisme, n’en a pas moins les mêmes fondements.

Ce qui nous arrive aujourd’hui est un retour de bâton et notre extraordinaire impuissance renvoie clairement à une colère divine. Il faut soigner donc les vrais maux et non se focaliser sur la symptomatologie.

Certains incrédules pourraient s’interroger : pourquoi Dieu ne punit-il pas le seul Blaise Compaoré et ses thuriféraires ? Tous les imams, prêtres, pasteurs, sacrificateurs des cultes traditionnels savent très bien que Dieu punit surtout les innocents et les justes pour avoir manqué à leur responsabilité sociale et morale de veille.

Sous la réserve que nous observions strictement protocole d’éradication des obstructions mystiques, je suis totalement optimiste. Je suis convaincu qu’une intelligence nouvelle va s’installer qui nous fera fixer des objectifs précis : la victoire définitive et irréversible en trois (3) mois par un ciblage cinétique clairvoyant et vigoureux. L’Armée nationale, lavée des souillures serait restaurée dans le cœur des burkinabé.

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