Prise d’assaut de l’assemblée nationale suivie de sa mise à sac par les manifestants, pour empêcher les députés de se prononcer sur l’article 37 pour permettre au président Blaise Compaoré qui atteignait la fin de son mandat, de briguer un autre ; départ du président Compaoré du pouvoir, entre autres, le peuple Burkinabé venait d’ouvrir une page importante de l’histoire de tout un peuple et de tout un continent. Et ce, les 30 et 31 octobre 2014. Ces évènements avaient engendré des pertes en vies humaines, une vingtaine, et 625 blessés. Les Burkinabé étaient donc d’une part, dans la tristesse et désolation à cause de ces vies qui ont été fauchées, des biens publics et privés vandalisés, saccagés, et ces citoyens éclopés. D’autre part, ils étaient dans la jubilation, du fait de ce nouvel espoir démocratique que connaîtra désormais le pays. Quatre ans après, cet espoir est-il toujours présent dans les esprits et le ressenti des citoyens ? Les choses ont-ils réellement changé, ou bougé comme espéraient les insurgés ? Si l’insurrection était à refaire, le peuple en sera-t-il pour ou contre ? Ce sont autant d’interrogations qui ont commandé notre rédaction libreinfo.net, à recueillir ces points de vue différents. Lisez !

Ce que nous avons retenu malheureusement quatre ans après l’insurrection populaire, je crois surtout que, nous avons un gouvernement entièrement civil depuis près de cinq ans. Ce qui est une bonne chose, c’est cette nouvelle constitution dont on attend beaucoup la sacralisation du fameux article 37 et toutes les lois qui ont été votées et qui sont censés être dans l’intérêt du citoyen. Pour le reste, dans les actes, les choses ont démarré, mais n’ont toujours pas connues une fin heureuse. Pour l’instant, nous aimerions par exemple que le procès du putsch puisse terminer sur une suite heureuse avant la nouvelle année. Mais au rythme où c’est en train d’aller, ce n’est pas évident.
Beaucoup de dossiers sont en suspension en justice, les questions d’insécurité n’ont pas encore vraiment été prises à mon sens à bras le corps par une volonté ferme des pouvoirs publics, de démontrer quelque part qu’ils veulent réellement terroriser le terrorisme. Donc, on assiste aussi à de nombreuses fanfaronnades, même dans le procès du putsch. On a également l’impression que quelque part, il y a un problème d’autorité d’Etat. Il y a le désintérêt permanent des citoyens aussi pour la chose. Je pense qu’ils ne s’impliquent pas, qu’ils baissent les bras. Si on a mené cette insurrection ensemble, c’est pour aboutir à un résultat. Lorsque des gens ne se mobilisent pas, des gens ne montent pas au créneau, n’interpellent pas les autorités publiques, ne les interpellent pas sur les questions de redevabilités, les gens vont faire ce qu’ils veulent. C’est peut-être le constat, que je peux faire. Mais, je suis optimiste comme je l’ai toujours dit, l’issue sera forcément heureuse. Il y a déjà eu beaucoup de choses, beaucoup de chantiers qui ont été abattus. Et ce gouvernement, véritablement, doit se mettre à la tâche. Il doit retrousser les manches, car il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Pour moi, le Burkina Faso poste insurrectionnel, sombre plus que le Burkina Faso de Blaise Compaoré. Cela, ne veut pas dire que je regrette l’insurrection populaire, ou que j’aimerais revivre dans un Burkina comme celui pré-insurrectionnel. Loin de là ! C’est juste que, je ne suis pas satisfait du management des affaires de l’État par ceux qui sont aux manœuvres actuellement. Je pense que l’insurrection a donné une leçon aux amoureux du pouvoir à vie. Mais, le peuple burkinabè est resté dans sa faim. Et sans trop m’attaquer aux questions politiques, je dirai, tant que les dirigeants de notre pays seront les mêmes qui ont mangé, bu et dansé hier avec la grande famille Compaoré, le Burkina post-insurrectionnel, ne sera jamais mieux que le Burkina de Blaise Compaoré. Espérons que d’ici à 2030, ces vieux politiciens soient au garage pour laisser place aux jeunes, de conduire leur Faso vers un avenir radieux.

Quatre ans après, nous sommes déçus par rapport à la qualité de la gouvernance, parce que la taille des sacrifices imposait une démarche à la hauteur du sang versé et des martyrs fraichement arrachés à la vie.
Quatre ans après, nous avons posé un acte qui reste marqué de façon indélébile dans l’histoire et qui dit désormais que plus jamais, un homme faible ou fort, un homme émanant d’une famille X ou d’une famille Y, ne sera naturellement investi du pouvoir à vie dans notre pays. Ça, c’est rayer. Et, il ne peut même plus être pensé dans la tête d’un homme politique, qu’il peut aller au-delà de deux mandats. Ça aussi, c’est rayer. Ce sont des acquis infranchissables de notre sacrifice de 2014 et de 2015. Ça, ce sont des acquis au plan de la démarche politique pour les années à venir. Au plan morale, c’est une satisfaction majeure, parce qu’on ne s’imaginait pas un seul instant, que le Burkina Faso pouvait se débarrasser des forces comme le RSP (ex régiment de sécurité présidentielle), que le Burkina Faso pouvait arriver à cet espoir, quand le premier était d’amener Blaise Compaoré à retirer le projet de loi. Ce sont donc des acquis moraux qui soulagent, qui raffermissent l’âme du militant. Au niveau des citoyens, on a une ambiance globale de revendications qui sont peut-être tout azimut, mais il reste que l’esprit révolutionnaire, l’esprit résistant, anime tous les citoyens Burkinabé qui, désormais se sont rendus compte qu’il n’existe pas du libérateur, qu’il n’existe pas d’oppresseur qui libère l’opprimé, mais il existe des esclaves qui sont capables d’assumer leur révolte. Et cet esprit, ce sont des choses, des acquis majeurs. Si nous devons refaire l’insurrection, nous ne dirons pas qu’il faut systématiquement y aller parce que la qualité de la gouvernance ne satisfait pas. Je suis de ceux qui disent clairement que la qualité de la gouvernance est en deçà des espérances et en deçà du sacrifice et de tout le sang qui a été versé. Je le répète, la qualité de la gouvernance est en retard par rapport aux espérances.
Propos recueillis par Siébou KANSIE
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